C. UNE AUGMENTATION MASSIVE DES AIDES DANS LE CADRE DU PLAN TRIENNAL 2009-2011
Dans le contexte de crise aiguë de la presse après 2008, une hausse très conséquente des aides budgétaires a été décidée dans le cadre d'un plan triennal couvrant la période 2009 à 2011. Déjà très important, le soutien public annuel à la presse écrite a ainsi progressé de près de 160 millions d'euros à la suite des états généraux de la presse écrite (EGPE) . Cette dynamique budgétaire s'explique principalement par :
• une hausse massive des crédits consacrés au développement du portage, passés de 8 millions d'euros en 2008, à 70 millions d'euros en 2009 , parallèlement à la progression du coût de l'exonération des porteurs de presse, passé de 0 à 8 millions d'euros, puis 17 millions d'euros en 2010 ;
• un moratoire d'un an sur l'aide postale : prenant acte de la brusque aggravation du contexte économique, le Président de la République a décidé que l'application des hausses tarifaires inscrites dans les « accords Schwartz » serait reportée d'un an. Le coût total de cette décision, jusqu'en 2015, est estimé à 192 millions d'euros . Il a représenté 24,5 millions d'euros en 2009, et est estimé à 32 millions d'euros en 2013 ;
• un développement de l'aide à la transition numérique avec la création d'une aide dédiée à la presse en ligne (fonds SPEL) ;
• la mobilisation des crédits publics pour accompagner les réorganisations du réseau de diffusion de la presse, à travers, d'une part, l'aide à la distribution de la presse quotidienne et, d'autre part, les aides exceptionnelles aux diffuseurs de presse .
S'agissant de la première, la Cour des comptes relève que son montant, stable entre 2002 et 2009 (autour de 12 millions d'euros), s'est fortement accru en 2010 (45 millions d'euros) pour faire face aux difficultés croissantes de Presstalis. L'aide reste à un niveau élevé (18 millions d'euros en 2011 et 24 millions en 2012 en exécution). Plus généralement, la Cour des comptes note qu'entre 2002 et 2012, l'Etat a dépensé près de 160 millions d'euros pour l'accompagnement des différents plans de restructuration de Presstalis , dont 86,9 millions d'euros entre 2010 et 2012.
S'agissant des aides aux diffuseurs de presse, deux dispositifs exceptionnels (aides d'urgence) ont été accordés en 2009 13 ( * ) , pour un montant total de 51,3 millions d'euros, puis en 2011 (12,8 millions d'euros). Comme la Cour le souligne, « au total, l'Etat a consacré de l'ordre de 63,4 millions d'euros à deux mesures exceptionnelles qui n'ont eu d'autre objet que d'apporter un secours à un secteur professionnel en difficulté, soit presque le double du montant consacré depuis 2005 à la mesure structurelle de modernisation des points de vente (33,5 millions d'euros sur 7 ans) ». Cet exemple est assez emblématique de l'inefficacité du soutien public à la presse, qui consacre des montants importants à résorber des difficultés économiques récurrentes, sans pour autant inciter le secteur à se réformer .
• la mise en place du programme « Mon journal offert » , opération qui consistait à proposer à tout jeune de 18 à 24 ans un abonnement gratuit d'un an à un journal quotidien de son choix, le journal étant payé par l'éditeur et le transport par l'Etat. Ce projet s'est concrétisé par une hausse de 15 millions d'euros sur trois ans des crédits accordés au fonds de modernisation de la presse . Il a permis d'abonner plus de 200 000 jeunes au quotidien de leur choix, un jour par semaine, pendant un an. Toutefois, cette opération n'a pas eu les résultats escomptés en termes de fidélisation des jeunes lecteurs, et a donc été abandonnée. S'il salue l'idée sous-jacente à ce projet, visant à fidéliser un jeune lectorat, votre rapporteur spécial regrette que les résultats se soient avérés décevants et souligne la nécessité de réaliser un effort d'attraction du jeune public .
La Cour des comptes regrette que la plupart des aides du plan triennal se soient ajoutées aux aides existantes plus qu'elles ne les ont remplacées, rendant encore plus complexe le panorama des aides directes à la presse. De plus, le plan a financé des mesures d'urgence, sans contrepartie, la conditionnalité des aides s'avérant très limitée. Au total, les états généraux de la presse ont abouti à un doublement des dépenses budgétaires (324 millions d'euros en 2009, contre 165 millions d'euros en 2008 en dépenses constatées sur le programme « Presse » hors abonnements de l'Etat à l'Agence France Presse).
Ce niveau élevé de dépenses a ensuite été maintenu, avec 329,1 millions d'euros en 2010 et 298,1 millions d'euros en 2011. De surcroît, malgré la fin du plan d'aides, le niveau des dépenses est encore largement supérieur à celui de 2008 . En effet, les dépenses constatées en 2012 sont encore très supérieures à celles de 2008 (267 millions d'euros, soit + 62 %). Enfin, si le budget initial pour 2013, à périmètre constant, prévoyait la poursuite de la diminution des aides directes à la presse, celles-ci restaient supérieures de 43 % à leur niveau de 2008 .
Votre rapporteur spécial observe toutefois une décroissance plus marquée des dépenses dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 . En effet, à périmètre constant, les aides directes portées par le programme 180 - Presse de la mission « Médias, livre et industries culturelles » passent de 396,5 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013 à 285,6 millions d'euros en projet de loi de finances pour 2014. Cette baisse s'explique principalement par la suppression de la compensation de l'Etat à La Poste du moratoire d'augmentation des tarifs réalisé en 2009 . Hors aides au transport postal, les aides directes portées par le programme 180 connaissent une baisse de 10,7 millions d'euros par rapport à 2013, du fait d'un recentrage sur les aides jugées les plus efficaces pour favoriser les mutations du secteur.
* 13 L'aide relevait d'un versement unique de 4 000 euros, montant qui correspond en moyenne à une exonération de 30 % des cotisations sociales personnelles des diffuseurs de presse.