B. LA RÉFORME DES AIDES À LA PRESSE ÉCRITE ANNONCÉE PAR LA MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION : DES ANNONCES QUI VONT DANS LE BON SENS, MAIS QUI DEMEURENT INSUFFISANTES
Éclairée par le rapport Maistre d'avril 2013, la ministre de la culture et de la communication a présenté, le 10 juillet dernier, les grands axes de la réforme des aides à la presse retenus par le Gouvernement, qui s'inspirent des recommandations de ce rapport, sans toutefois les reprendre dans leur intégralité.
Le Gouvernement souhaite ainsi réorienter les aides à la presse sur deux objectifs principaux : aider à la mutation des outils et à la monétisation des contenus d'information pour accélérer l'émergence de modèles économiquement viables sur Internet ; garantir l'accès de tous , quelle que soit la forme de la presse, imprimée ou numérique, à une information diversifiée . De plus, il entend généraliser les conventions-cadres avec les principaux titres de presse et renforcer les engagements souscrits par les éditeurs (un malus sera ainsi introduit pour les éditeurs ne respectant pas les bonnes pratiques professionnelles).
La réforme s'articule autour de quatre piliers :
- le maintien du taux super réduit de TVA de 2,1 % pour l'ensemble des familles de presse écrite bénéficiant actuellement de ce taux . En contrepartie, celles-ci devront continuer à participer au financement solidaire du système de distribution de la presse caractérisant la filière depuis l'après-guerre. Par ailleurs, le Gouvernement a affirmé son souhait d'abaisser le taux de TVA des services de presse en ligne, mesure dont la mise en oeuvre sera soumise aux aléas des négociations avec les autorités européennes 22 ( * ) ;
- la réorientation des aides directes en faveur de la modernisation : la gouvernance du fonds stratégique du développement de la presse sera ouverte à des personnalités extérieures spécialistes de la transition numérique. Surtout, la priorité sera accordée aux projets mutualisés et technologiquement innovants ;
- la poursuite de la réforme de la diffusion de la presse ;
Les principales mesures prévues pour réformer la diffusion de la presse La réflexion sur la complémentarité entre modes de diffusion, portage, postage et vente au numéro est lancée dès à présent pour une mise en oeuvre à l'issue des « accords Schwartz » entre l'Etat, La Poste et la presse. Afin de préparer la transition, il est mis un terme au moratoire sur l'aide postale décidé en 2009 . Le renchérissement progressif du transport postal qui en découlera pour la presse sera déterminé selon les équilibres entre familles de presse dégagés lors des accords Schwartz ; L'aide au portage sera réformée dans son calcul afin de favoriser le portage multi-titres et cibler plus efficacement les situations dans lesquelles l'aide s'avère pertinente ; L'Etat continuera à apporter son concours pour pérenniser l'activité de Presstalis et soutenir les kiosquiers. Source : communiqué de presse du Conseil des ministres du 10 juillet 2013 |
- une meilleure prise en compte de la dimension sociale du secteur, et notamment de la situation des vendeurs colporteurs de presse et des photojournalistes.
La question du statut et de la rémunération de ces derniers constitue en effet une problématique délicate, à laquelle nos collègues membres de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sont particulièrement sensibilisés. Ainsi, Françoise Laborde déclarait, au cours de l'audition du 18 septembre : « s'agissant des aides ciblées, nous avons récemment fait un déplacement au festival Visa pour l'image de Perpignan. Or, les journaux télévisés utilisent des clichés photographiques qu'ils ne rémunèrent pas, contrairement à la presse écrite. Il y a donc un vrai problème pour les photos-reporters. Nous aimerions donc que certaines aides ciblées puissent également bénéficier aux photographes ».
Si les mesures annoncées vont dans le bon sens, elles demeurent insuffisantes, en particulier en ce qui concerne la question du taux de TVA. A cet égard, votre rapporteur spécial regrette que le Gouvernement n'ait pas pris la décision d'harmoniser sans attendre les taux de TVA respectivement applicables à la presse écrite et à la presse en ligne . En effet, le maintien du taux de TVA à 19,6 % pour la presse en ligne paraît contradictoire avec la volonté de favoriser la transition de la presse vers le numérique et son adaptation aux mutations technologiques, pourtant fondamentales pour l'avenir du secteur. Par ailleurs, votre rapporteur spécial relève que le Gouvernement n'a pas fait preuve de la même frilosité en ce qui concerne l'alignement du taux de TVA applicable au livre numérique sur celui applicable au livre papier, alors que le risque de contentieux communautaire est tout aussi avéré. Votre rapporteur spécial s'interroge donc sur ce manque de cohérence dans la politique gouvernementale .
De surcroît, votre rapporteur spécial estime que le maintien du taux de TVA super réduit au bénéfice de l'ensemble des familles de presse devra s'accompagner de contreparties réelles. De ce point de vue, la « contrepartie » évoquée, selon laquelle celles-ci « devront continuer à participer au financement solidaire du système de distribution de la presse caractérisant la filière depuis l'après-guerre », ne semble guère contraignante. Votre rapporteur spécial appelle donc de ses voeux des engagements précis et concrètement mesurables en la matière .
Enfin, votre rapporteur spécial fait sienne l'appréciation de la Cour des comptes, selon laquelle les mesures annoncées par le Gouvernement « traduisent davantage la volonté de procéder à des ajustements ou à des réorientations dans le cadre des dispositifs existants que celle de revoir les fondements même des aides à la presse » , ce qui, à l'évidence, n'est pas suffisant.
Votre rapporteur spécial observe par ailleurs que les annonces faites par la ministre de la culture et de la communication ont reçu un accueil mitigé de la part des bénéficiaires des aides . Si le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) a salué « la justesse de la vision, et l'équilibre des orientations retenues » 23 ( * ) , le syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL) comme le syndicat national de la presse spécialisée (FNPS) se sont montrés beaucoup plus critiques, « regrettant des décisions budgétaires fondées sur une logique comptable susceptible d'entraîner des distorsions de concurrence dommageables » 24 ( * ) . Par ailleurs, la baisse du soutien public au transport postal de la presse écrite, évolution nécessaire mais douloureuse, suscite de fortes tensions entre le groupe La Poste et les éditeurs de presse sur la répartition du surcoût à payer.
* 22 Sur ce point, le communiqué de presse du Conseil des ministres indique que « l'intensification des échanges avec nos partenaires européens et la Commission européenne pour que cette dernière intègre les services de presse en ligne dans la réouverture des discussions sur la directive relative à la TVA qu'elle doit proposer avant la fin de l'année permettra une décision formelle en 2014 ».
* 23 Source : Agence France presse.
* 24 Source : Agence France presse.