II. COMMENT RENFORCER LE COUPLE FRANCO-ALLEMAND ?

A. UNE VOLONTÉ POLITIQUE COMMUNE

1. La force du compromis franco-allemand

La France et l'Allemagne restent, de manière privilégiée, les deux pays qui peuvent entraîner l'ensemble européen et lui ouvrir des perspectives. La preuve en est que, lorsqu'ils cessent de le faire, personne ne prend le relais.

S'il existe ainsi une capacité d'entraînement propre au couple franco-allemand, c'est bien sûr en raison d'une réconciliation qui symbolise à bien des égards la construction européenne ; mais c'est surtout parce que ces deux pays voisins constituent le point de rencontre d'un grand nombre d'aspects différents, voire opposés, de l'identité européenne : du côté de la France, les dimensions atlantique et méditerranéenne, l'influence latine, la tradition de l'État-nation centralisé ; du côté de l'Allemagne, le rayonnement vers Nord et l'Est, l'influence de la Réforme, le fédéralisme associé à une forte unité culturelle, la tradition du « capitalisme rhénan ». L'ensemble franco-allemand est ouvert sur tous les espaces maritimes européens, et il touche à toutes les aires culturelles et linguistiques de l'Europe. Ainsi, un rapprochement des deux pays prend naturellement une dimension qui les dépasse, car il suppose une synthèse d'une large part de la diversité européenne.

L'axe franco-allemand ne doit donc pas être vécu par les autres États membres comme une posture dominatrice. Ce n'est pas une sorte de condominium. Son intérêt pour l'Europe naît au contraire du fait que les deux partenaires sont très différents, et même ont spontanément tendance à se retrouver aux antipodes l'un de l'autre. Un compromis franco-allemand a donc de bonnes chances d'ouvrir des voies pour l'Europe entière.

C'est parce qu'ils sont différents que les deux pays sont complémentaires. L'axe franco-allemand n'a pas pour objet de faire se ressembler ces deux pays, même si l'on peut considérer qu'une convergence apparaît inéluctable sur certains aspects fondamentaux comme le rapprochement des systèmes fiscaux et sociaux ou le respect des grands équilibres budgétaires.

Cette situation particulière confère aux deux pays une responsabilité spécifique. Une convergence franco-allemande est le meilleur moyen de favoriser une large convergence européenne.

C'est pourquoi nous devons retrouver le chemin des initiatives communes susceptibles d'entraîner l'ensemble de nos partenaires, car c'est d'abord le moteur franco-allemand qui permet à l'Europe d'avancer.

Dans ce but, nous ne devons pas craindre un débat approfondi sur les questions qui peuvent diviser. Mais il y a un préalable qui doit toujours être respecté. La discussion doit se dérouler dans un climat de confiance et d'ouverture réciproques. La modération dans l'expression publique est indispensable. Les couples Giscard-Schmidt ou Mitterrand-Kohl se sont toujours tenus à cette règle. C'est tout particulièrement nécessaire dans le cas des mesures à prendre pour sortir de la crise de la dette au sein de la zone euro et pour permettre à l'Europe de retrouver le chemin de la croissance.

Là également, les positions des deux pays ne sont pas spontanément convergentes, loin de là. Mais c'est plus que jamais vers eux qu'on se tourne pour inspirer des solutions. Il faut souligner que, à elles deux, l'Allemagne et la France représentent 46 % du PIB de la zone euro. De plus, les données économiques et géographiques font qu'une cohérence franco-allemande est indispensable pour éviter une fracture Nord/Sud au sein de cette zone. Si la France échouait à rétablir ses finances publiques, cette fracture serait inéluctable.

2. Éviter les « faux procès »

On ne doit pas de faux procès à nos amis allemands. L'Allemagne a admis les interventions de la Banque centrale européenne (BCE) sortant d'une stricte orthodoxie ; elle a accepté des délais plus longs pour permettre aux États membres concernés de rétablir leur situation budgétaire ; les récentes négociations sociales en Allemagne ont abouti à une augmentation des salaires qui pourra donner un peu d'air à la croissance en Europe. On peut assurément souhaiter que l'Allemagne soit plus allante sur l'Union bancaire. Mais il revient à la France, de son côté, de conduire les réformes structurelles indispensables pour restaurer sa compétitivité et assainir ses finances. C'est la condition de notre crédibilité.

Le moteur franco-allemand doit repartir. Lors de sa conférence de presse du 16 mai 2013, le Président de la République a indiqué que sans le couple franco-allemand, l'Europe ne peut avancer. On peut espérer que ce soit le signe qu'une nouvelle étape va s'ouvrir après une année de relations parfois difficiles. La rencontre du 30 mai entre le président de la République et la chancelière a abouti à un document commun qui se voulait la contribution franco-allemande en vue du Conseil européen de juin. C'est un signe supplémentaire dans le sens d'un réchauffement des relations bilatérales .

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