II. POUR UNE AGRICULTURE FRANÇAISE TOURNÉE VERS L'EXPORT
A. OBSERVATIONS SUR LES CONTRAINTES À L'EXPORT DANS L'AGROALIMENTAIRE
1. Les procédures douanières et sanitaires
Certaines procédures sont connues pour être lourdes et vos rapporteurs spéciaux ont voulu vérifier ce qu'il en était en interrogeant systématiquement sur ce point les entreprises rencontrées lors de leurs déplacements.
a) Les douanes, bon élève face au défi de l'export
Il en est résulté que les services des douanes font, d'après les professionnels, un bon travail d'accompagnement du commerce international . Outre la mise à disposition gratuite de statistiques détaillées, la DGDDI informe les entreprises des démarches à accomplir pour exporter et surtout s'inscrit dans une démarche de simplification, d'allègement des formalités déclaratives et de dématérialisation des procédures douanières .
Ces efforts de simplification ont été salués par de nombreuses entreprises. Par exemple, le statut déjà opérationnel d' « exportateur agréé » permet aux entreprises européennes exportatrices de bénéficier d'un régime simplifié en termes de formalités administratives.
Partant de ce constat, vos rapporteurs spéciaux invitent à faire de la DGDDI une partie prenante à part entière du dispositif de soutien à l'export (recommandation n° 8) . Il convient donc de l'associer à l'équipe de France de l'export.
b) La lourdeur et la complexité des certifications sanitaires
A l'inverse, des entreprises se sont plaintes des contraintes imposées par les services sanitaires et vétérinaires de la direction générale de l'alimentation (DGAL) sur notre propre sol . Ces contraintes viennent s'ajouter à celles rencontrées à l'étranger 28 ( * ) , qui peuvent parfois s'apparenter à du protectionnisme déguisé et qui nécessitent de lever les obstacles sur les marchés étrangers, en utilisant sans ménagement nos instruments européens de défense commerciale ( cf. supra ).
Selon l'objet de la règle sanitaire, trois fondements différents dans le droit international justifient les procédures de certification :
- le « codex alimentarius » 29 ( * ) (ou codex alimentaire) ;
- l'office international des épizooties 30 ( * ) (OIE) ;
- et la convention internationale pour la protection des végétaux 31 ( * ) (CIPV).
Les trois fondements internationaux des procédures de certification
Source : DGAL
Selon la catégorie de produit, la certification à l'exportation peut donc être vétérinaire, sanitaire et/ou phytosanitaire . Les certifications sont délivrées aux entreprises, qui ont préalablement dû se soumettre à une procédure d'agrément en tant qu'établissement exportateur et satisfaire à cette condition. Certaines entreprises ont également pu se plaindre de la longueur des délais d'obtention des agréments 32 ( * ) . Mais les exportateurs ont surtout déploré la complexité et la lourdeur des procédures de certification.
Les contraintes que nos administrations imposent à nos exportateurs sont, certes, la contrepartie de l'ambition française de disposer des produits alimentaires les plus sûrs du monde , mais en dépit de cet objectif ambitieux, vos rapporteurs spéciaux estiment possible de simplifier les procédures sur le terrain.
Le constat semble, en effet, assez partagé : les procédures de certification sanitaires, phytosanitaires et vétérinaires sont lourdes et freinent le dynamisme de nos entreprises . Dans certains cas, elles peuvent même encourager ces dernières à aller exporter à partir d'autres États de l'Union Européenne . Votre rapporteur spécial Joël Bourdin a relevé qu'au départ du port du Havre, les marchandises exportées ne devaient pas quitter l'entrepôt pendant 48 heures après la demande de certification, et qu'en cas d'erreurs ou de difficultés, les produits ne pouvaient pas être déplacés parce que les containers sur le terminal portuaire ne sont pas accessibles aux services vétérinaires.
Schéma simplifié des procédures de certification vétérinaires
Source : DGAL
Vos rapporteurs spéciaux recommandent face aux plaintes des exportateurs concernant les contraintes imposées par ces certifications de revoir les modalités de délivrance des certificats . Le site Exp@don, géré par FranceAgriMer 33 ( * ) , propose aujourd'hui des modèles de certificat et informe des exigences des pays tiers. À ce sujet, la mise à jour en temps réel des informations nécessaires représenterait un progrès notable.
Les services de la DGAL procèdent sur le terrain à différents contrôles : vérification des exigences du pays tiers, vérification du certificat et de ses annexes (bon modèle de certificat, complétude des informations requises), vérification du fabricant (validité de l'agrément sanitaire et de l'agrément pour l'export pour certains pays tiers), vérification des mentions sanitaires, y compris les justificatifs. La délivrance du certificat sanitaire, sur papier sécurisé, est soumise à la condition des tampons aux emplacements requis et à la signature en bonne et due forme du vétérinaire officiel, là aussi à un emplacement précis du certificat.
Toute erreur ou demande de certification incomplète conduit à un rallongement des délais de traitement et de délivrance des certificats . Ainsi les erreurs les plus fréquentes sont les suivantes : absence de la fiche de demande de certificat ou fiche incomplète, utilisation d'un mauvais modèle de certificat (exemple : pour expédier de la viande de porc, un certificat produits laitiers est utilisé, mais aussi utilisation d'un certificat « générique » (EC 560) au lieu d'un certificat spécifique quand il existe ou, encore, utilisation d'un certificat adapté mais pas dans la bonne version en cours à un moment donné), certificat mal complété (exemple : la partie « abattoir » a été remplie au lieu de la partie « atelier de transformation », autre exemple : les codes ISO ou les numéros d'agrément des fabricants sont absents ou faux) ou incomplet (exemple : pour les produits laitiers, l'origine du lait matière première doit être mentionnée), absence d'annexes ou annexes mal complétées, absence de justificatifs (exemple : absence d'attestation de santé animale) ou justificatifs inadéquats (exemple : attestation de traitement thermique ne répondant pas au traitement exigé par le pays tiers), inadéquation entre les dates sur les rapports d'analyses et les dates sur les certificats (confusions fréquentes entre la date de prélèvement, la date d'analyse et la date de communication du résultat), durée de validité dépassée, mauvais « document vétérinaire commun d'entrée » (DVCE), transmission seulement d'une partie de ce dernier ou, encore, de tous les DVCE reçus récemment sans trier parmi eux ceux qui correspondent aux produits pour lesquels est demandée la certification. Le problème est loin d'être marginal : en Seine-Maritime, 20 à 25 % des demandes initiales de certificat sanitaire sont actuellement incomplètes ou erronées et exigent des demandes complémentaires de la part du service instructeur . Les services déconcentrés de la DGAL rappellent donc régulièrement aux exportateurs l'importance de présenter des demandes de certification complètes et correctes.
Des entreprises ont, enfin, souligné des différences de fonctionnement et d'exigence entre les services déconcentrés de la DGAL dans les départements . Selon le département traitant la demande de certificat sanitaire à l'exportation, les demandes de l'administration ne seraient pas les mêmes. Dans certains cas seraient demandés des pré-certificats et pas dans d'autres, de même les certificats de salubrité ou certains documents d'accompagnement ne seraient pas toujours exigés.
Outre la mise à jour en temps réel du site Exp@don et l'harmonisation des attentes de l'administration au niveau des départements (par le bas et pas par le haut ) , vos rapporteurs spéciaux préconisent de simplifier le plus possible les procédures de certification sanitaires et vétérinaires , en dématérialisant toutes les étapes de la procédure qui peuvent l'être (recommandation n° 9) .
Bien entendu, si les procédures de certification sanitaires et vétérinaires doivent à l'évidence être simplifiées et dématérialisées, cette simplification maximale devra se faire dans le respect des règles internationales et européennes .
2. La question des couvertures assurantielles
a) L'offre de garanties publiques gérées par la Coface
Par ailleurs, l'attention de vos rapporteurs spéciaux a été appelée sur les difficultés rencontrées par certaines entreprises en termes de couverture assurantielle .
Une telle situation perdure en dépit de l'offre gérée par la direction des garanties publiques de la Coface, et qui concerne cinq dispositifs : l'assurance-crédit principalement, qui permet de couvrir le risque de défaut de paiement, que la raison soit politique ou commerciale, mais aussi l'assurance risque exportateur (qui permet de couvrir le risque pris par les banques en cas de défaillance d'un exportateur), l'assurance change , l'assurance investissement (réservée à la couverture du risque politique) et, enfin, l'assurance prospection .
b) L'assurance-crédit insuffisamment tournée vers les PME
L'assurance-crédit représente à elle seule 60 des 80 milliards d'euros du total des encours de ces garanties publiques , mais elle profite surtout à de gros contrats, une trentaine d'entreprises concentrant plus des trois quarts du total des encours .
La Coface semble donc peu tournée vers les PME et faiblement réactive . Ainsi, des entreprises ayant essuyé des refus ont indiqué à vos rapporteurs spéciaux avoir dû recourir à des compagnies d'assurance étrangères, néerlandaises en particulier. Dans ce contexte, les garanties publiques gérées par la Coface doivent être repensées en profitant du lancement de la Banque publique d'investissement (BPI), qui prend la suite d'Oséo, lequel avait, par ailleurs, tendance à doublonner la Coface pour certains de ses dispositifs. Réduire les doublons et simplifier l'offre destinée aux entreprises est là aussi nécessaire : il est donc pertinent de s'interroger sur le maintien au sein de la Coface des activités de sa direction des garanties publiques , qui ne représentent qu'une part de l'activité de cette entreprise.
* 28 Aux termes de l'article 2.1 de l'accord SPS sur les règles sanitaires et phytosanitaires, pris dans le cadre de l'OMC, le protectionnisme agricole est bien encadré par des normes de droit international : « les membres ont le droit de prendre les mesures sanitaires et phytosanitaires qui sont nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux à condition que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les dispositions du présent accord ».
* 29 Il s'agit d'un programme commun de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) consistant en un recueil de normes, codes d'usages, directives et autres recommandations relatifs à la production et à la transformation agroalimentaires qui ont pour objet la sécurité sanitaire des aliments, soit la protection des consommateurs et des travailleurs des filières alimentaires, et la préservation de l'environnement.
* 30 L'OIE, créée en 1924, est l'organisation mondiale de la santé animale, chargée d'améliorer la santé animale dans le monde. Elle a ainsi pour missions prioritaires la transparence de la situation sanitaire mondiale, l'excellence scientifique, la solidarité internationale et le rôle des services vétérinaires, la sécurité du commerce international des animaux et de leurs produits, la sécurité sanitaire des aliments et, enfin, le bien-être animal.
* 31 Cette convention a pour objet :
- de protéger l'agriculture durable et de renforcer la sécurité alimentaire mondiale en luttant contre la dissémination des organismes nuisibles ;
- de protéger l'environnement, les forêts et la biodiversité contre les organismes nuisibles ;
- de créer des possibilités de développement économique et commercial grâce à la promotion de mesures phytosanitaires harmonisées reposant sur la science ;
- de renforcer les capacités phytosanitaires qui permettront aux Etats membres de réaliser les précédents objectifs.
* 32 Les délais ne dépendent pas, il est vrai, que des services de l'administration française : les pays tiers imposent parfois de longs délais de traitement aux demandes d'agrément. Pour mémoire, dans le secteur de la viande, Hénaff est la seule entreprise française à être agréée à l'export vers les Etats-Unis.
* 33 https://teleprocedures.franceagrimer.fr/Expadon/Accueil.aspx