II. LA NÉCESSITÉ D'UNE DÉMARCHE VOLONTAIRE GLOBALE EN FAVEUR DE L'ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES POUR ACCOMPAGNER LA MISE EN oeUVRE DU PROJET DE LOI
Les informations que votre rapporteure a pu rassembler et les auditions auxquelles elle a procédé, dans le cadre de la discussion du présent projet de loi, l'ont convaincue que les fortes inégalités qui subsistent entre les femmes et les hommes dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur ne pourraient être surmontées que par une démarche volontaire globale abordant les différents aspects de cette problématique.
Les dispositions du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche constituent en ce domaine un point d'appui précieux, particulièrement avec les compléments que lui a apportés l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa délégation aux droits des femmes.
Votre délégation apporte son plein soutien à ces améliorations.
Elle s'efforcera, par ses recommandations, à la fois de les conforter dans le courant de la discussion du texte au Sénat et, dans les domaines qui ne relèvent pas du domaine de la loi, de proposer les mesures les plus propres à garantir leur bonne application.
A. UNE AMÉLIORATION DE LA PARTICIPATION DES FEMMES À LA GOUVERNANCE DE LA RECHERCHE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Le projet de loi comporte deux séries de dispositions tendant à assurer un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes au sein de l'enseignement supérieur et de la recherche. Celles-ci tendent respectivement à la composition paritaire de trois grands organismes chargés du pilotage et de l'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi qu'à la parité dans les conseils centraux de certains établissements publics d'enseignement supérieur.
1. Une meilleure participation des femmes à la gouvernance de l'enseignement supérieur et de la recherche au plan national
Le projet de loi prévoit que, dorénavant, trois grands organismes chargés du pilotage et de l'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche seront constitués d'un nombre égal de femmes et d'hommes.
a) Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche
Le Conseil est un organisme consultatif dont l'article 13 du projet de loi élargit le champ d'intervention en complétant ses attributions actuelles, centrées sur les établissements d'enseignement supérieur, par les attributions du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, centrées sur les établissements publics de recherche. Ce dernier sera, par voie de conséquence, supprimé.
Au terme de la réforme proposée par le projet de loi, le Conseil devrait donc être chargé d'assurer la représentation de trois entités :
- les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ;
- les établissements publics de recherche ;
- les « grands intérêts nationaux », notamment éducatifs, culturels, scientifiques, économiques et sociaux.
Les représentants de ces trois entités devraient, aux termes de la nouvelle rédaction de l'article L.232-1 du code de l'éducation, être désignés de la façon suivante :
- les représentants des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel seront désignés, pour partie par les conférences composant la Conférence des chefs d'établissements de l'enseignement supérieur et, pour partie, élus par les personnels et les étudiants au sein de collèges distincts ;
- les représentants des établissements publics de recherche seront nommés, pour partie par le ministère de la recherche parmi les dirigeants de ces établissements et, pour partie, élus par les personnels ;
- les représentants des grands intérêts nationaux seront nommés par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Le dernier alinéa de l'article 13 du projet de loi précise que le décret relatif notamment aux conditions de nomination et d'élection des membres du Conseil devra fixer « les conditions dans lesquelles est assurée la parité entre les femmes et les hommes dans les listes de candidats et pour la nomination des représentants des grands intérêts » .
Votre délégation se réjouit de l'affirmation du principe de parité dans la composition d'un organe consultatif qui participe à la définition des grandes orientations de la politique nationale en matière d'enseignement supérieur et de recherche.
Elle juge particulièrement positif sur le plan symbolique l'affirmation de cette composition paritaire. Elle est cependant bien consciente que la diversité des entités représentées au sein du conseil avec leurs modes de désignation différents n'est pas de nature à faciliter la traduction concrète et effective de ce principe. Ainsi sera-t-elle attentive à l'élaboration du décret relatif à sa mise en oeuvre et à la composition du conseil qui résultera de la première application de ces nouvelles règles.
b) Le Haut Conseil de l'évaluation et de la recherche
L'article 50 du projet de loi substitue à l'actuelle Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur un Haut Conseil de l'évaluation et de la recherche.
Le Haut Conseil sera une autorité administrative indépendante principalement chargée d'évaluer les établissements d'enseignement supérieur, les organismes de recherche et l'Agence nationale de la recherche ainsi que de valider les procédures d'évaluation des unités de recherche.
Le Haut Conseil sera, aux termes du nouvel article 114-3-3 du code de la recherche, administré par un conseil de trente membres nommés par décret et comprenant autant d'hommes que de femmes .
Ces trente membres seront en majorité des chercheurs, des ingénieurs ou des enseignants chercheurs nommés par différentes instances ainsi que des personnalités qualifiées françaises et étrangères, auxquels s'ajouteront deux représentants des étudiants et deux parlementaires.
Il reviendra au décret qui sera pris en Conseil d'État de préciser le nombre et la répartition par sexe des candidats proposés par chacune des instances, autorités et associations compétentes.
Votre délégation y sera attentive.
Elle relève que, dans l'administration du Haut Conseil, le conseil est assisté d'un comité d'orientation scientifique composé de personnalités qualifiées, dont un tiers au moins étrangères, mais sans exigence particulière d'équilibre femmes-hommes.
Votre délégation le déplore et souhaite que la composition du comité d'orientation scientifique ne soit pas dispensée de l'obligation de parité .
c) Le Conseil stratégique de la recherche
L'article 53 du projet de loi crée un Conseil stratégique de la recherche chargé de proposer les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche. Placé auprès du Premier ministre, il aura pour mission d'élaborer l'agenda stratégique issu de la stratégie nationale de recherche et de suivre sa mise en oeuvre.
L'essentiel des règles qui gouverneront sa composition, ses missions et son fonctionnement relève de dispositions réglementaires. Mais le projet de loi précise cependant qu' il devra comprendre autant de femmes que d'hommes .
2. La parité dans la composition des conseils assurant la gouvernance des établissements d'enseignement supérieur
Le projet de loi introduit des dispositions favorisant la parité dans la composition des conseils qui assurent la gouvernance de certains établissements d'enseignement supérieur, et tout particulièrement des universités.
Ces conseils sont constitués du président et des personnalités extérieures nommées par différentes autorités, ainsi que de membres élus représentant les enseignants-chercheurs, les autres personnels et les étudiants.
a) Les membres élus
L'article L.719-1 du code de l'éducation dispose que, en dehors des personnalités extérieures et du président de l'établissement, les membres des conseils assurant la gouvernance des établissements d'enseignement supérieur sont élus au scrutin secret par collèges distincts et au suffrage direct.
L'article 37 du projet de loi apporte plusieurs modifications à l'organisation de ces scrutins.
La composition paritaire des listes de candidats
En premier lieu, il introduit une obligation paritaire en précisant que « chaque liste de candidats est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe » .
Cette mesure ne suffira pas à elle seule à garantir une stricte parité parmi les membres élus des conseils centraux si les têtes de liste continuent d'être majoritairement masculines. Mais elle n'en constitue pas moins une mesure forte, importante sur le plan symbolique, et qui devrait se traduire concrètement par une augmentation du nombre de femmes dans ces instances de direction.
Le mode de scrutin
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi avait prévu que l'élection des représentants des enseignants-chercheurs et celle des personnels aurait lieu au scrutin à deux tours l'élection des représentants des étudiants continuant de se dérouler, comme actuellement, au scrutin à un tour .
La délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale avait appuyé le choix du scrutin à deux tours, son rapporteur Sébastien Denaja ayant rappelé que « les simulations effectuées par le ministère [avaient] confirmé que le recours à ce scrutin à deux tours [était] plus favorable à l'objectif de parité » .
Dans un souci de simplification, et pour éviter la juxtaposition de deux modes de scrutin distincts en fonction des catégories de membres, l' Assemblée nationale , suivant sa commission des Lois, a préféré unifier le dispositif autour du scrutin à un tour .
Elle a également relevé de un à deux sièges la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête. Comme l'ont relevé les personnes auditionnées par votre rapporteure, même s'il est dicté par d'autres considérations, ce relèvement devrait avoir un effet positif sur la parité dans la mesure où, avec des listes alternées, la prime majoritaire concernera systématiquement un homme et une femme.
Même si l'on ne dispose d'aucune évaluation sur l'impact de ces deux modifications, il n'est pas illégitime de penser que leurs effets devraient plus ou moins se compenser. Ainsi, examinant le dispositif sous le seul angle de la parité, votre rapporteure ne se prononce pas en faveur du retour au dispositif initial. Mais elle invite la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication et le Sénat, lorsqu'ils aborderont la discussion de ces dispositions, à prendre en compte l'objectif de parité dans le choix qu'ils feront du mode de scrutin et de l'effectif de la prime majoritaire .
b) Les membres nommés
Le conseil d'administration et le conseil académique des établissements d'enseignement supérieur comportent en outre des personnalités extérieures .
La nomination de ces personnalités extérieures n'était, dans le projet de loi initial , assujettie à aucune obligation d'équilibre entre les femmes et les hommes. De ce fait, elle était de nature à fragiliser l'objectif d'une composition paritaire des conseils centraux.
Dans sa huitième recommandation, la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale a demandé que le mode de désignation des personnalités extérieures membres de ces conseils garantisse une stricte parité.
Cette demande a été prise en compte par la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation puis par l'Assemblée nationale. Celle-ci a adopté un article 37 bis nouveau pour compléter l'article L.719-3 relatif à la désignation de personnalités extérieures et demander que le décret qui en précise les modalités fixe également « les conditions dans lesquelles est assurée la parité entre les femmes et les hommes » . À cette fin, ce décret doit préciser le nombre et la répartition par sexe, éventuellement dans le temps, des candidats proposés par chacune des instances compétentes.
Votre délégation apporte son plein soutien à cette disposition qui contribuera à favoriser la parité au sein des conseils d'administration et des conseils académiques des établissements d'enseignement supérieur .
c) L'application de ces mécanismes aux conseils d'administration et aux conseils académiques des universités
Ces mécanismes paritaires s'appliqueront à la désignation des membres des conseils centraux des universités, pour lesquels ils semblent avoir été d'emblée conçus.
Le projet de loi procède à une modification de la formation de ces conseils : il maintient le conseil d'administration , dont il étoffe légèrement l'objectif et remplace le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire par un conseil académique qui sera à la fois délibérant et consultatif.
Le conseil d'administration
L'article 26 du projet de loi modifie l'article L.712-3 relatif aux missions du conseil d'administration, à sa composition et à la désignation de ses membres. Il augmente légèrement la dimension du conseil qui devra être comprise entre 24 et 36 membres (contre 20 à 30 actuellement).
Le conseil est constitué de membres élus et de membres nommés.
Les membres élus sont répartis en trois catégories :
- les représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés, des enseignants et des chercheurs en exercice dans l'établissement, dont la moitié de professeurs d'université et de personnels assimilés (8 à 16) ;
- les représentants des étudiants et des personnes bénéficiant de la formation continue inscrits dans l'établissement (4 à 6) ;
- les représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques et des bibliothèques (4 à 6).
Ceux-ci sont élus suivant les modalités définies par l'article L.719-1 et l'obligation de composer des listes de candidats alternant un homme et une femme leur est directement applicable.
Les membres non élus sont des « personnalités extérieures à l'établissement » . Leur nombre est fixé à huit par l'article L.712-3 du code de l'éducation, modifié par l'article 26 du projet de loi.
Ceux-ci sont actuellement nommés par le président de l'université mais le projet de loi propose de modifier en profondeur ce dispositif : en premier lieu, il propose de nommer la plupart d'entre eux avant la première réunion du conseil d'administration, de façon à ce qu'ils puissent participer à l'élection du président ; en second lieu, il répartit leur désignation entre différentes autorités :
- au moins deux représentants du monde économique et social désignés par le président du Conseil économique, social et environnemental régional ;
- au moins deux représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements, dont au moins un de la région, désigné par ces collectivités ou groupements ;
- au moins un représentant des organismes de recherche désignés par un ou plusieurs organismes entretenant des relations de coopération avec l'établissement ;
- au moins une personnalité extérieure désignée par une personne morale extérieure à l'établissement ;
- au plus deux personnes désignées par les membres élus du conseil et les autres personnalités extérieures.
L'article 37 bis nouveau renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les conditions dans lesquelles sera assurée la parité dans le collège des personnalités extérieures.
Votre rapporteure ne sous-estime pas la difficulté de la tâche. Elle relève que, dans un premier temps, la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale avait douté de la possibilité d'y parvenir, en indiquant que « selon les précisions apportées au rapporteur par le ministère [...] , cette analyse est aussi celle du Conseil d'État qui a considéré, lors de l'examen de l'avant-projet de loi, que les modalités de désignation des personnalités extérieures du conseil d'administration par différentes instances extérieures à l'établissement [...] rendent impossible le respect a priori de la parité numérique dans les conseils d'administration des universités » 3 ( * ) .
Votre délégation se montrera très attentive aux solutions mises en place par voie réglementaire, considérant que l'objectif de parité serait incomplet s'il ne s'appliquait pas aussi aux personnalités extérieures.
Le conseil académique
Ces dispositions s'appliquent également aux futurs conseils académiques des universités.
Le conseil académique regroupe les membres de deux commissions :
- la commission de la recherche , qui succède à l'actuel conseil scientifique (article L.712-5) ;
- la commission de la formation , qui succède à l'actuel conseil des études et de la vie universitaire (article L.712-6).
Le projet de loi ne modifie pas la composition de ces deux instances, fixée respectivement par les articles L.712-5 et L.712-6 :
l'article L.712-5 précise que la commission de la recherche , comprend de 20 à 40 membres ainsi répartis :
de 60 à 80 % de représentants des personnels ; le nombre de sièges est attribué, pour la moitié au moins aux professeurs et aux autres personnes qui sont habilitées à diriger des recherches, pour un sixième au moins aux docteurs n'appartenant pas à la catégorie précédente, pour un douzième au moins aux autres personnels parmi lesquels la moitié au moins d'ingénieurs et de techniciens ;
de 10 à 15 % de représentants des doctorants inscrits en formation initiale ou continue ;
de 10 à 30 % de personnalités extérieures qui peuvent être des enseignants chercheurs appartenant à d'autres établissements.
l'article L.712-6 précise que le conseil des études et de la vie universitaire, et donc, à l'avenir, la commission de la formation , comprend de 20 à 40 membres ainsi répartis :
de 75 à 80 % de représentants des enseignants chercheurs et enseignants d'une part, et des étudiants d'autre part, les représentations de ces deux catégories étant égales et la représentation des personnes bénéficiant de la formation continue étant assurée au sein de la deuxième catégorie ;
de 10 à 15 % de représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service ;
de 10 à 15 % de personnalités extérieures.
L'article 27 du projet de loi précise en outre, dans le nouvel article L.712-4 du code, que sont constituées, au sein du conseil académique , deux sections :
- la section disciplinaire ;
- la section compétente pour l' examen des questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs.
Le projet de loi initial ne donnait aucune précision sur les modalités de désignation des membres de ces sections de nature à garantir leur composition paritaire.
L'Assemblée nationale y a toutefois remédié. Elle a complété l'article 27 du projet de loi par un paragraphe V précisant que la composition de la section disciplinaire doit respecter « strictement la parité entre les femmes et les hommes » .
Elle a également complété l'article 28 du projet de loi pour préciser que le Conseil académique est composé à parité d'hommes et de femmes « lorsqu'il examine des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs, autres que les professeurs d'université » .
Consciente de l'importance du « plafond de verre » dans le déroulement de la carrière des enseignantes-chercheuses, votre délégation juge particulièrement nécessaire la composition paritaire d'une instance appelée à statuer sur des questions individuelles susceptibles d'avoir trait à leur recrutement, à leur affectation ou à leur carrière.
Elle s'étonne cependant que le traitement des questions individuelles relatives aux professeurs d'université soit dispensé de cette obligation et demande que cette exception, qui ne lui paraît pas justifiée, soit supprimée .
d) L'application aux autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel
Ces deux mesures favorables à la parité ont été manifestement conçues pour les conseils d'administration et les futurs conseils académiques des universités.
Mais elles ont vocation à s'appliquer, comme l'indique l'article L.719-1 du code aux conseils des autres « établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel » visés au titre I er du Livre septième du code de l'éducation.
Parmi ceux-ci, figurent notamment les écoles normales supérieures, les « grands établissements » (tels le Collège de France, le Conservatoire national des arts et métiers, l'École centrale des arts et manufactures, l'École des hautes études en sciences sociales, l'École nationale des chartes, l'Institut d'études politiques de Paris, l'École pratique des hautes études) et les écoles françaises de l'étranger. Ces établissements ont des règles particulières d'organisation et de fonctionnement précisées par les décrets qui les instituent et qui peuvent déroger à plusieurs dispositions du code, et notamment à l'article L.719-1.
La délégation demande au Gouvernement de procéder aux modifications qui s'imposent dans les décrets statutaires des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel pour que s'y appliquent les mécanismes garantissant la parité dans leurs instances dirigeantes, tant pour les membres élus que pour les membres nommés.
e) Les établissements d'enseignement supérieur spécialisés
Ces mécanismes paritaires n'ont vocation à s'appliquer qu'à une partie des établissements d'enseignement supérieur : ceux qui relèvent du titre I er du Livre septième du code. Ils ne concernent pas les autres établissements, et notamment les établissements d'enseignement supérieur spécialisés qui relèvent du titre V.
Cette catégorie regroupe :
- les établissements d'enseignement supérieur agricole et vétérinaire ;
- les écoles d'architecture ;
- les écoles de commerce ;
- les écoles nationales des mines ;
- les écoles supérieures militaires, et en particulier l'École polytechnique ;
- les écoles sanitaires et sociales, et notamment l'École des hautes études en santé publique ;
- l'École nationale supérieure maritime ;
- la Fondation nationale des sciences politiques ;
- les établissements d'enseignement supérieur de la musique, de la danse, du théâtre et des arts du cirque ;
- les établissements d'enseignement supérieur d'arts plastiques.
En réponse à une question de votre rapporteure, Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a indiqué, lors de son audition par la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication que ces établissements relevant de la tutelle d'autres ministères, il n'avait pas été possible d'étendre cette obligation de parité à la composition de leurs instances collégiales de gouvernance.
Quelles que soient les spécificités de ces établissements et leurs règles d'organisation et de fonctionnement, votre délégation estime qu'ils ne doivent pas être dispensés de l'exigence d'un meilleur équilibre entre les sexes dans leur gouvernance. Cette exigence, générale, doit être plus forte encore dans les établissements qui comportent une forte proportion, voire une majorité, de femmes parmi leurs étudiantes, et parfois aussi parmi leurs personnels enseignants, et dont on comprendrait difficilement que la direction reste largement masculine.
Les travaux qu'a conduits la délégation sur le thème de la place des femmes dans le secteur de la culture ont souligné les inconvénients que pouvait comporter, dans les écoles d'art, la conjonction d'un encadrement essentiellement masculin et d'une population étudiante principalement féminine.
Elle attache donc une grande importance à ce que la direction de ces établissements s'ouvre davantage aux femmes.
La délégation recommande que les établissements d'enseignement supérieur spécialisés, et en particulier les établissements d'enseignement supérieur artistiques, ne soient pas dispensés de toute obligation d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein de leurs instances dirigeantes.
f) Faire progresser la parité dans les équipes de direction et les emplois fonctionnels
Garantir la parité dans les instances dirigeantes des établissements d'enseignement supérieur et de recherche constitue une mesure forte dotée en outre d'une haute valeur symbolique. Mais une véritable égalité dans la gouvernance passe aussi par deux mesures complémentaires : une véritable mixité dans les équipes de direction ainsi que dans les emplois fonctionnels de direction (directeurs généraux des services, directeurs).
La délégation recommande que soit assurée une véritable mixité dans l'équipe de direction dont s'entoure le président d'une université, et notamment dans la désignation des vice-présidents.
La délégation recommande que soit assurée une véritable mixité dans les emplois fonctionnels de direction des établissements publics de recherche (directeurs généraux des services, directeurs, agence comptable).
3. La parité dans la gouvernance des établissements publics de recherche
Le projet de loi ne comporte aucune disposition spécifique pour garantir la parité dans les établissements publics de recherche régis par le code de la recherche et par les dispositions statutaires contenues dans les décrets qui les instituent.
Toutefois, suivant leur nature juridique, ces établissements rentrent dans le champ d'application de l'une ou l'autre des deux lois générales existantes qui garantissent une forme de parité dans la composition des instances dirigeantes des établissements publics.
a) Les établissements publics industriels et commerciaux de l'État (EPIC)
Les organismes de recherche qui ont le statut d'établissements publics industriels et commerciaux de l'État, tels le Centre national d'études spatiales (CNES), l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) sont régis par les dispositions de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle. Son article 6 prévoit que la proportion des membres du conseil d'administration ou de surveillance de chaque sexe nommés par décret - notamment représentants de l'État et personnalités choisies en fonction de leurs compétences ou de leurs connaissances - ne peut être inférieure à 40 % .
Les conseils d'administration et de surveillance de ces établissements sont également composés de représentants des salariés , élus au scrutin secret, de liste, avec représentation proportionnelle. L'article 6 de la loi du 27 janvier 2011 a complété ce dispositif pour préciser que les listes des candidats doivent être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe .
L'entrée en vigueur de cette obligation, différée dans le temps, s'impose à compter du deuxième renouvellement des conseils suivant la promulgation de la loi. Elle doit cependant atteindre 20 % lors du premier renouvellement suivant la promulgation de la loi.
Un seul conseil d'administration a jusqu'à présent fait l'objet d'un renouvellement : celui de l' ADEME , en février 2013, permettant à la proportion de femmes d'atteindre 35 % :
- représentants de l'État : trois femmes, six hommes ;
- représentants des collectivités territoriales : une femme, deux hommes ;
- collège des personnalités qualifiées : deux femmes, trois hommes ;
- représentants du personnel : trois femmes, trois hommes.
b) Les établissements publics administratifs de l'État (EPA)
Les organismes de recherche qui ont le statut d'établissements publics administratifs de l'État entrent dans le champ d'application de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'emploi titulaire (« loi Sauvadet »), dont l'article 52 dispose que « la proportion de personnalités qualifiées de chaque sexe nommées en raison de leurs compétences, expériences ou connaissances administrateurs dans les conseils d'administrations, les conseils de surveillance ou les organes équivalents de ces établissements publics ne peut être inférieure à 40 % . La proportion doit être atteinte à compter du deuxième renouvellement suivant la promulgation de la loi ; cette proportion doit atteindre 20 % au premier renouvellement suivant la promulgation de la loi » .
Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a précisé à votre rapporteure que depuis la promulgation de la loi, seul le conseil d'administration de l' Agence nationale de la recherche avait fait l'objet d'un renouvellement (en mars 2013) et que celui-ci avait abouti à une parité stricte .
Ces premiers éléments paraissent encourageants, mais votre rapporteure a cependant retiré des auditions auxquelles elle a procédé l'impression que ces dispositions étaient encore imparfaitement connues des personnels des établissements auxquels elles doivent s'appliquer.
Elle juge nécessaire un effort de classification et d'explication et souhaite que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche trace chaque année un bilan de l'application de ces dispositions .
* 3 Rapport n° 1042 (14 ème législature) de Vincent Feltesse, fait au nom de la commission des Affaires culturelles et de l'Éduction, sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, p. 283.