B. « CIRCUIT NORMATIF » : UN CONCEPT QUI MONTE À L'INTERNATIONAL
Les problématiques liées à l'application des lois sont aussi étudiées dans d'autres lieux que les enceintes nationales. Sans s'arrêter aux objectifs poursuivis par ces autres forums 41 ( * ) , il est souhaitable d'examiner leur conclusion et méthodologie afin d'élargir la présente réflexion à un examen global de l'ensemble des facteurs déterminant une application efficiente des lois.
Or il apparaît qu'au niveau européen et international, le stade de l'application de la loi est envisagé dès son élaboration, phase intrinsèquement liée à la qualité de la norme. Les processus légistiques de simplification, de codification et de consultation sont alors à l'oeuvre. Ils renvoient, ainsi que l'a souligné le Secrétaire général du Gouvernement devant votre commission sénatoriale, à des enjeux de démocratie et de sécurité juridique.
La seconde dimension du sujet a une portée en termes de responsabilité politique . Elle concerne l'efficacité et le rendement de la loi. Elle fait appel à des mécanismes d'évaluation.
Qualité et efficience de la réglementation sont les deux faces cachées de l'application des lois. Pour améliorer cette dernière, il est donc nécessaire d'examiner aussi ces phases.
L'Union européenne et l'OCDE ont ainsi entrepris de définir quelques principes dits de « réglementation intelligente ».
1. La stratégie européenne de la « réglementation intelligente »
Une étape a été franchie dans le cadre de la gouvernance réglementaire européenne en 2001, avec la publication du rapport dit Mandelkern 42 ( * ) . Il vise à améliorer le cadre réglementaire européen. À cette fin, il préconise aux États membres et aux institutions de l'Union de prendre des mesures dans le domaine des structures organisationnelles, de l'évaluation de l'impact des normes, de la consultation, de la simplification, de l'accès et de la mise en oeuvre à l'échelon national de la législation européenne 43 ( * ) .
À la suite de ce rapport, une communication de la Commission européenne a présenté en 2002, un nouveau système intégré d'évaluation de l'impact des normes, de la définition des alternatives à la réglementation ainsi que des normes minimales à respecter en matière de consultation.
L'aboutissement de cette réflexion s'est traduit par un accord interinstitutionnel de l'Union Européenne en 2003, prévoyant la mise en oeuvre d'une démarche dite « Mieux légiférer » (« Better régulation »).
En 2006, la Commission européenne a fait valoir « qu'une meilleure réglementation ne signifie pas qu'il faille plus ou moins réglementer, mais plutôt qu'il importe d'adopter une politique et un processus assurant l'excellence de la qualité de l'ensemble des réglementations ». En conséquence, il a été créé, cette même année, un Comité d'analyse d'impact de la Commission, ayant des fonctions de contrôle central de la qualité et de soutien des propositions en matière de politique et de réglementation.
Un programme d'action pour la réduction des charges administratives dans la législation communautaire a été élaboré en 2007, tendant à réduire ces dernières de 25 % d'ici à fin 2012. Cet objectif a été atteint. Corrélativement, un groupe de hauts fonctionnaires de l'Union européenne pour une meilleure réglementation a été mis en place afin de conseiller la Commission sur les questions concernant ces charges et leur simplification.
En 2010, la Commission européenne a poursuivi sa démarche par l'élaboration d'une nouvelle stratégie de soutien à la « réglementation intelligente » (« Smart regulation »). Elle a, depuis lors, renforcé son système d'analyse. Un programme de simplification est en cours 44 ( * ) . Un cycle d'évaluations des politiques réalisées à titre expérimental (les «bilans de qualité») a été lancé 45 ( * ) .
Au-delà de ces initiatives, la Commission a arrêté un programme de travail en 2012, baptisé « REFIT » 46 ( * ) , destiné à favoriser l'élaboration d'une réglementation « affûtée et performante ».
Cette nouvelle approche est justifiée par le fait que « la Commission n'est pas convaincue que la fixation d'objectifs généraux et/ou de formules quantitatives pour la gestion du corpus législatif produira les résultats recherchés. Cette gestion exige une méthode plus adaptée assortie d'une analyse des avantages et des coûts réels de manière à déterminer s'ils sont directement liés à la législation de l'UE ou aux choix opérés par les États membres pour sa mise en oeuvre. » 47 ( * )
Le nouveau programme doit, dans un premier temps, permettre de dresser l'inventaire des domaines pour lesquels un potentiel de simplification des règles et de réduction des coûts, tant pour les entreprises que les citoyens existe, « sans pour autant compromettre la réalisation des objectifs d'intérêt général ».
À ce titre, l'évaluation contribue de manière essentielle à la mise en oeuvre de cette réglementation dite « intelligente » . Le programme REFIT prévoit un renforcement du mécanisme de « bilan de qualité », adopté en 2010, en élargissant son champ d'application. La commission entend, en effet, appliquer « un principe consistant à évaluer avant d'agir ». Afin de mettre pleinement en oeuvre ce principe, elle réfléchit à réviser le système d'évaluation 48 ( * ) .
Si l'évaluation fait partie intégrante des efforts déployés par l'Union européenne, elle est apparue tout autant nécessaire dans l'enceinte de l'OCDE qui poursuit un objectif similaire de qualité de la réglementation, de son élaboration jusqu'à son application, sous le prisme de l'efficience.
Il faut du reste noter que l'application de la loi ne constitue pas, paradoxalement, la dernière étape du « circuit normatif ». Afin d'éviter que ce dernier ne se transforme en un labyrinthe, l'évaluation de la législation est, en effet, nécessaire pour garantir la transparence de ce circuit et le bien-fondé de la législation à venir.
2. La contribution de l'OCDE à la réflexion sur le « mieux légiférer »
La première déclaration concernant l'amélioration de la qualité de la réglementation formulée, dans le cadre de l'OCDE, date de 1995. Elle s'est traduite par la publication de la recommandation C(95)21/FINAL.
L'organisation a ensuite produit un rapport sur la réforme réglementaire en 1997 qui a fondé l'élaboration de principes directeurs en 2005. Ceux-ci visent à favoriser la transparence et l'efficience des marchés par l'édiction et la gestion d'une réglementation performante et de qualité.
Ces termes doivent être entendus de manière extensive, regroupant « les différents instruments permettant aux pouvoirs publics d'imposer des obligations aux entreprises et aux particuliers . [Ils] incluent les lois, les décrets et arrêtés, les textes d'application édictés à tous les niveaux de l'administration, ainsi que les règlements émanant d'organismes non étatiques ou autorégulateurs auxquels l'État a délégué des pouvoirs réglementaires » 49 ( * ) .
Ces principes ont donné lieu à de nombreux travaux 50 ( * ) au sein de l'OCDE, synthétisés dans le rapport intitulé « Politique réglementaire et gouvernance : Soutenir la croissance économique et servir l'intérêt général » de 2011.
Cette démarche s'est accompagnée d'observations factuelles effectuées par l'Organisation. À ce jour, les cadres normatifs de vingt-quatre de ses membres ont déjà été examinés ainsi que ceux de quatre États, non membres de l'Organisation, la Russie en 2005, le Brésil en 2007, la Chine en 2008 et l'Indonésie en 2012.
Un nouveau projet de recommandation a été élaboré 51 ( * ) en 2011. Après un long processus de concertation, le texte a été approuvé par le Conseil, le 16 janvier 2012. Parmi les douze recommandations du conseil de l'OCDE concernant la politique et la gouvernance réglementaires, on relève en particulier les trois préconisations suivantes :
« [...] 4. Intégrer l'analyse d'impact de la réglementation (AIR) dès le début du processus visant à formuler des projets de réglementation. Définir clairement les objectifs de politique recherchés, déterminer si l'instrument réglementaire est nécessaire et dans quelles conditions il peut être le plus efficace et le plus efficient pour atteindre ces objectifs. Réfléchir à des moyens autres que la réglementation, et faire ressortir les avantages et les inconvénients des différentes approches analysées pour établir laquelle est la meilleure
5. Procéder à l'examen systématique des réglementations importantes en vigueur au regard d'objectifs clairement définis, compte tenu notamment des coûts et avantages, afin de s'assurer que la réglementation reste à jour, justifiée, cohérente et efficace par rapport à son coût, et qu'elle répond aux objectifs de politique recherchés.[...]
9 Le cas échéant, appliquer des stratégies d'évaluation et de gestion des risques, ainsi que de communication sur les risques, lors de la conception et de l'application de la réglementation pour s'assurer de son ciblage et de son efficacité. Les organismes compétents devraient étudier les modalités d'application de la réglementation et concevoir des stratégies flexibles pour la mettre en oeuvre et la faire appliquer . »
La France doit poursuivre les efforts entrepris en termes d'évaluation en amont ( ex ante ) et les prolonger dans une perspective nouvelle d'évaluation en aval ( ex post ). Les travaux du Sénat répondent d'ailleurs en large part à la sixième recommandation de l'OCDE de « Publier régulièrement des rapports sur l'efficacité des programmes relatifs à la politique réglementaire et à la réforme de la réglementation, ainsi que sur l'efficacité des autorités publiques chargées de l'application de la réglementation. »
Cette approche qualitative de la réglementation, promue par l'OCDE, porte non seulement sur l'élaboration et l'application des normes mais également sur la mise en place d'institutions, d'outils et de processus de réglementation.
a) L'approche institutionnelle comparée aux fins d'une bonne politique réglementaire à la visée stratégique
Au titre de la bonne gouvernance et de l'efficacité de la politique réglementaire, l'OCDE préconise le soutien des instances politiques ainsi que la mise en cohérence de l'action aux moyens et aux marges de manoeuvre disponibles, l'architecture institutionnelle pouvant se décliner de différentes manières, selon la tradition juridique de chaque État.
L'OCDE a toutefois mis en lumière deux principales modalités organisationnelles.
Le premier soutien à la bonne gouvernance réglementaire et son contrôle s'est tout d'abord traduit par la mise en place d'un organisme de supervision, au sein du Gouvernement. Les États-Unis ont été ainsi les premiers à y recourir avec l'institution de l'OIRA 52 ( * ) , au sein du OMB 53 ( * ) . Cette architecture est utilisée dans une grande majorité de pays (le Canada, le Mexique, le Japon...). Elle a trouvé une expression plus récente au Royaume-Uni avec la création de la Direction de la gouvernance réglementaire (BRE). L'OCDE a jugé que celle-ci « constitue l'un des meilleurs exemples d'organe central de réglementation efficace au sein de l'OCDE ».
La direction ne produit pas de normes, mais se situe au centre d'un réseau de relations en étoile qui la relie aux différents acteurs de l'élaboration des textes, les administrations centrales, le Parlement, le National Audit Office 54 ( * ) (NAO), les autorités de contrôle national ainsi que les acteurs locaux. L'OCDE relève que de nombreux progrès sont attendus, notamment en termes de culture administrative car la BRE ne dispose pas du pouvoir de demander des comptes aux ministères, ni de les sanctionner.
En dehors d'un organisme central, la seconde modalité consiste à prévoir le contrôle de la politique réglementaire par des autorités indépendantes de l'exécutif. L'OCDE cite les Pays-Bas et la République Tchèque.
Deux expériences institutionnelles relevant de cette architecture décentralisée, allemande et australienne, méritent d'être signalées. L'Allemagne dispose depuis 2006 d'un Conseil de contrôle réglementaire qui reçoit les projets de loi et vérifie l'évaluation des coûts et les mesures proposées au regard des ressources disponibles et des objectifs de politique publique.
L'OCDE a également identifié la Commission australienne de la productivité 55 ( * ) comme étant le seul organisme parmi les pays membres qui « exerce de façon permanente des activités d'enquête et de conseil concernant les diverses questions économiques, sociales et environnementales » 56 ( * ) . Organisme indépendant mais sous mandat du Gouvernement, la commission produit des analyses et des recommandations stratégiques sur la politique réglementaire, notamment en modélisant les coûts et avantages économiques des autres options envisageables. Elle réalise ainsi une évaluation ex post des politiques publiques en toute indépendance et transparence.
Mise en oeuvre de la Better/Smart Regulation dans certains pays
Pays |
Désignation |
Objectif ou contenu
|
Institutions notables |
Etats-Unis |
Regulatory Reform |
Révision générale des législations*, analyse coût avantage, challenge* |
OIRA
|
Royaume Uni |
Better Regulation (1998), Reducing Regulation (2010) |
Principes* ; Politique expresse, AIR*, « one-in one-out »* mise en oeuvre* ; consultation |
BRE
|
Canada |
Smart Regulation (2003) |
Coordination pluri-niveaux*, dialogue international |
Treasury Board |
France |
Qualité du droit |
Qualité de la rédaction juridique* ; contenir l'inflation normative, politique des PME |
Conseil d'Etat
|
Allemagne |
Réduction de la bureaucratie |
Réduction des coûts réglementaires* |
Normenkontrollrat |
Pays Bas |
Regulatory reform |
Réduction des charges administratives*, e-company |
ACTAL |
Belgique |
Human rules |
Solutions à coût modeste privilégiant l'aspect humain |
|
Italie |
Simplification normative |
Simplification juridique |
Procedure « taglia leggi »* |
Egypte |
Regulatory Reform |
e-registry |
ERRADA |
Australia |
Best practice regulation |
Deregulation Policy* |
Productivity Commission |
Fédération
|
Regulatory Reform |
AIR |
Conseil de réforme réglementaire (à confirmer) |
Mexique |
Regulatory Reform |
Réduction des charges, pouvoir réglementaire infra national |
COFEMER |
Taïwan,
|
Regulatory Reform |
Compétitivité nationale, meilleur classement Doing Business* |
|
UE |
Better Regulation (2002)
|
RIA*, simplification de l'acquis communautaire, réduction des charges, consultation*, évaluation ex post (2010)* |
IAB, Stoiber Group |
OCDE |
Regulatory Governance |
Examens des capacités nationales |
Recommendation pour la politique réglementaire |
Banque
|
Regulatory Reform |
Amélioration du climat des affaires et de l'investissement |
Rapport Doing Business |
L'astérisque dénote une « bonne pratique ».
Source : La réglementation intelligente : un défi mondial pour les décideurs politiques par M. Charles-Henri Montin (expert au ministère des finances pour la Newsletter ERADA mai 2012).
b) Un cycle de gouvernance réglementaire en amont et en aval
L'OCDE a mis en lumière un nombre varié d'outils de gestion réglementaire, allant des mécanismes de transparence et de consultation, aux analyses d'impact ex ante et ex post .
S'agissant des études préalables, l'Organisation observe que leur utilisation a été adoptée par l'ensemble des États membres, mais le recours à ces études d'impact ex ante demeure pour la plupart un exercice formel. En effet, elle déplore qu'à peine la moitié de ces États s'assurent que les critères pertinents de l'évaluation d'impact ont bel et bien été mobilisés. La démarche généralement empruntée conduit à adopter :
- une approche proportionnelle et non systématique ;
- une évaluation des coûts par rapport aux bénéfices ;
- une considération sérieuse des alternatives.
S'agissant de l'élément déclencheur de l'étude d'impact ex ante , l'OCDE a constaté que treize États membres ont recours à un seuil . Celui-ci est de nature quantitatif et/ou qualitatif. À titre d'illustration, les États-Unis imposent une telle évaluation si la proposition de réglementation génère un coût ou bénéfice « économiquement significatif » estimé à cent millions de dollars en un an. Le Royaume-Uni complète cette démarche par l'ajout d'un critère qualitatif. Ainsi, l'étude d'impact sera nécessaire si la réglementation génère non seulement une charge administrative évaluée à cinq millions de livres, mais également des effets distributifs ou un coût sur les organismes publics ou privés.
En ce qui concerne l'évaluation ex post , l'OCDE relève que certains pays disposent de processus de révision des lois et de consultation publique afin d'envisager les modifications nécessaires des textes en vigueur.
Ce contrôle de l'application des textes peut être par ailleurs facilité par le mécanisme d'évaluation ex ante si des critères de mesure des objectifs sont prévus dans le cadre de l'étude préalable. C'est ainsi que l'Organisation a tenu en ce domaine à distinguer les Pays-Bas . Ce dernier a adopté une démarche de l'évaluation de l'impact de l'application 57 ( * ) , dès la production réglementaire, saluée comme novatrice par l'Organisation.
Néanmoins, l'OCDE constate globalement que le recours aux clauses automatiques d'évaluation ex post demeure limité. Ces dernières ont été ainsi mises en oeuvre en Australie et au Canada. De surcroît, seuls quatre pays évaluent le succès des études quant à leur capacité à faire évoluer les propositions de loi. Il s'agit des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Corée.
c) Un rôle particulier du Parlement
On ne peut qu'être particulièrement attentif aux conclusions de l'OCDE quant à la place des Parlements dans le domaine du contrôle de la qualité de la réglementation.
Il apparaît qu'au Royaume-Uni, cette mission est confiée à la Scrutiny Unit . Son examen des dépenses publiques et des performances de l'exécutif la conduisent à jouer un rôle essentiel dans l'évaluation ex post de l'efficacité des réglementations. La Suède s'est également dotée d'une Unité d'évaluation et de recherche en 2002. La Suisse met en oeuvre un « Contrôle parlementaire de l'administration » dit CPA, depuis 1991. Le Chili a récemment institué un département d'évaluation des lois de la chambre des députés.
L'OCDE observe que la qualité de ce contrôle est corrélée aux moyens alloués . Il apparaît le plus souvent que les ressources sont insuffisantes pour couvrir l'ensemble des fonctions de collecte, de recherche et d'analyse des informations. C'est pourquoi, l'Organisation préconise aux Parlements de définir les priorités de son action et de compléter éventuellement leurs efforts d'évaluation par les travaux des différents organismes d'audit et de recherche.
Pour ce qui la concerne, la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois souscrit sans réserve à cette dernière recommandation, car depuis sa mise en place effective début 2012, les moyens humains et matériels dont elle a été dotée sont restés pratiquement inchangés et ne lui paraissent pas à la hauteur des missions qu'elles assume.
Par ailleurs, si les expériences étrangères ou les standards définis par les organisations internationales ne sont pas transposables tels quels, ils fournissent pourtant des modèles souvent pertinents auxquels le Sénat devrait sans doute accorder une attention plus soutenue. Dans cette perspective, votre commission sénatoriale se propose de poursuivre activement cette réflexion comparatiste dans les mois à venir.
Examen et évaluation de la réglementation dans le cadre de l'OCDE
RAPPORT ANNUEL SUR L'APPLICATION DES LOIS -86-
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Notes : les données concernant 1998 ne sont pas disponibles pour l'Union européenne, le Luxembourg, la Pologne et la République slovaque. Cela signifie que ce graphique reprend les données de 27 pays pour 1998 et de 30 pays, ainsi que de l'UE, pour 2005-08.
* : données non disponibles avant 2005.
Source : indicateurs des systèmes de gestion de la réglementation, rapport 2009, OCDE, Paris, consultable à l'adresse : www.oecd.org/regreform/indicators
a) C. L'ÉTUDE D'IMPACT : EXERCICE SUBJECTIF OU IMPACT OBJECTIF ?
La « culture du contrôle et de l'évaluation » est encore balbutiante : entre la prise de conscience que l'évaluation contribue à renforcer la sécurité juridique et sa mise en oeuvre , les services ministériels et le Parlement ont encore un long chemin d'apprentissage à parcourir...
Dans la diversité des pistes d'amélioration de l'application des lois, les études d'impact occupent une place centrale, notamment depuis la révision constitutionnelle de 2008.
Lors du Forum sur l'application des lois organisé par la commission sénatoriale le 15 avril 2013, le Pr Guy Carcassonne avait d'ailleurs souligné à juste titre toutes les potentialités de cet instrument, aussi bien avant le vote de la loi qu'au moment de son évaluation ex post : « Les études d'impact ont déjà rendu des services réels, quoiqu'inférieurs à ce que l'on pourrait espérer. Je nourris le rêve d'une discussion législative qui porterait d'abord sur l'étude d'impact, à l'instar de ce qui se passe au Royaume-Uni avec le système des livres blancs et des livres verts. L'on s'accorderait sur les faits avant d'envisager les remèdes, et, s'ils passent par la loi, l'on s'interrogerait sur le type de loi nécessaire. Tout changerait alors dans la fabrication des normes. Un nombre substantiel de projets ne verraient plus le jour ou bien seraient très différents. Tout le reste s'en déduit. La performance normative y gagnerait en ce que les critères, contradictoirement déterminés, faciliteraient l'évaluation ex post de la loi ».
1. Accentuer le caractère « préalable » des études d'impact ex ante
a) Une réforme ambitieuse...
Le champ d'application de l'obligation constitutionnelle de joindre aux projets de loi une étude d'impact, instituée lors de la révision constitutionnelle de 2008 et mise en oeuvre par la loi organique de 2009, reste limitativement encadrée.
En effet, elle ne concerne pas l'ensemble des projets, puisqu'en sont dispensés les projets de révision constitutionnelle, ceux visant à ratifier une ordonnance sous certaines conditions, ceux de programmation des finances publiques, les projets de loi de règlement ainsi que ceux prorogeant les états de crise, et enfin les propositions de loi parlementaires.
S'agissant des amendements, l'article 15 de la loi organique précise que « Les règlements des assemblées peuvent déterminer les conditions dans lesquelles des amendements des membres du Parlement, à la demande de leur auteur, ou des amendements de la commission saisie au fond peuvent faire l'objet d'une évaluation préalable communiquée à l'assemblée avant leur discussion en séance. ».
Cette réforme affiche une ambition d'efficience législative, sur laquelle a insisté le député Jean-Luc Warsmann, rapporteur du projet de loi organique à l'Assemblée nationale : « Nous souhaitons qu'à l'avenir les lois soient moins nombreuses, mieux écrites et mieux préparées. C'est la raison pour laquelle les études d'impact sont un élément incontournable de ce texte. Loin de constituer une dissertation philosophique , ces études doivent rassembler les réponses à une série de questions factuelles . [...] »
On dénombre 209 études d'impact ainsi transmises au Parlement entre le 1 er septembre 2009 et le 30 avril 2012, réparties de la façon suivante :
Projets de loi examinés en conseil des ministres
entre le 1
er
septembre 2009 et le 30 avril 2012,
entrant
dans le champ des articles 8, 11 et 12 de la loi organique du 15 avril
2009
Source : Secrétariat général du Gouvernement
S'agissant des décrets, il n'existe pas d'obligation constitutionnelle de les assortir d'une étude d'impact, mais la loi en impose l'établissement pour les textes réglementaires relatifs aux entreprises ou aux collectivités territoriales. En effet, aux termes de l'article L. 1211-4-2 du code général des collectivités territoriales, tout projet de texte réglementaire « créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales » est soumis pour avis à la CCEN. Cette dernière doit se prononcer sur son « impact financier, qu'il soit positif, négatif ou neutre » et reçoit à cet effet « un rapport de présentation et une fiche d'impact financier faisant apparaître les incidences financières directes et indirectes des mesures proposées pour les collectivités territoriales » (article R.1213-3 du même code).
Outre un modèle de fiche annexé à la circulaire du 17 février 2011, les services disposent d'une aide à l'évaluation sur le site http://evaluation-prealable.pm.ader.gouv.fr.
En ce qui concerne les entreprises , la circulaire précitée requiert de procéder à une « analyse d'impact circonstanciée », préalablement à tout projet de texte comprenant des mesures les concernant. Cette analyse est retracée dans une fiche ad hoc .
Afin d'accompagner les ministères dans la réalisation du volet économique de ces études, l'ancienne Direction générale de la modernisation de l'État (DGME) a conçu un « outil de simulation de la charge administrative de la réglementation » sur les entreprises, appelé « OSCAR ». Cette méthodologie tend à mesurer la charge administrative des entreprises qui résulte des nouveaux textes, en termes de complexité des démarches administratives, de temps passé et de coût pour l'usager 58 ( * ) .
Enfin, une étude d'impact est également prévue en cas de création des commissions administratives à caractère consultatif. En effet, celle-ci doit être « précédée de la réalisation d'une étude permettant notamment de vérifier que la mission impartie à la commission répond à une nécessité et n'est pas susceptible d'être assurée par une commission existante » ( décret n° 2006-672 du 8 juin 2006).
Cet outil d'évaluation préalable des textes législatifs comme réglementaires doit présenter un caractère réel, complet et objectif, comme le souligne le guide légistique. Destiné à éclairer les choix, ce dernier ne doit pas se résumer à ce que le Conseil d'État avait qualifié dans son rapport de 2006 -avant la réforme- de « simple exposé des motifs qui est en réalité une justification plus ou moins argumentée du texte par le service qui l'a rédigé . ».
L'étude doit désormais éviter l'écueil de la subjectivité en apportant, une « démonstration rigoureuse de la nécessité d'un nouveau texte » par l'analyse de la « nature des difficultés à résoudre, [des] avantages et inconvénients des options possibles en fonction de l'objectif poursuivi, [l'] évaluation détaillée des conséquences qui peuvent être raisonnablement attendues de la réforme».
Objectifs des études d'impact « L'étude d'impact s'attache à fournir une évaluation préalable de la réforme envisagée aussi complète, objective et factuelle que possible. Elle ne saurait se comprendre ni comme un exercice formel de justification a posteriori d'une solution prédéterminée, ni comme une appréciation technocratique de l'opportunité d'une réforme qui viendrait se substituer à la décision politique. Il s'agit au contraire d'une méthode destinée à éclairer les choix possibles, en apportant au Gouvernement et au Parlement les éléments d'appréciation pertinents : nature des difficultés à résoudre, avantages et inconvénients des options possibles en fonction de l'objectif poursuivi, évaluation détaillée des conséquences qui peuvent être raisonnablement attendues de la réforme pour chacune des catégories de personnes concernées comme pour les administrations elles-mêmes. Cette approche permet d'apporter une démonstration rigoureuse de la nécessité d'un nouveau texte et de la proportionnalité de la réponse juridique envisagée, en vue d'assurer un bon équilibre entre les objectifs d'intérêt général qui inspirent la réforme et la prise en compte des différents intérêts particuliers en présence. » Source : Légifrance, extrait de la fiche 1.1.2 Études d'impact du guide légistique. |
b) Une démarche encadrée en six points
L'article 8 de la loi organique encadrant l'élaboration des études d'impact visent à définir une méthodologie qui se décline en six étapes :
« - le diagnostic ;
- la définition du ou des objectifs poursuivis ;
- le recensement des options possibles en dehors de l'intervention d'une règle de droit nouvelle et les motifs du recours à une nouvelle législation ;
- l'examen des différentes incidences prévisibles du dispositif envisagé ;
- les consultations menées ;
- les modalités de mise en oeuvre de la réforme » 59 ( * ) .
Celles-ci sont décrites dans des lignes directrices élaborées par le SGG. Le Conseil constitutionnel a toutefois considéré que « l'élaboration d'études particulières répondant à chacune des prescriptions [des alinéas de l'article 8 de la loi organique du 9 avril 2009] ne saurait être exigée que pour autant que ces prescriptions ou l'une ou l'autre d'entre elles trouvent effectivement à s'appliquer compte tenu de l'objet des dispositions du projet de loi en cause ». C'est pourquoi les lignes directrices précisent que « Le degré d'approfondissement de l'analyse a en outre vocation à être proportionné à l'importance des différents aspects de la ou des réformes qu'emporte le projet de loi . »
(1) L'établissement du diagnostic
La première étape de cette évaluation conduit à établir un diagnostic qui consiste à décrire la situation de référence en fait et en droit 60 ( * ) ainsi que le problème à résoudre.
Au-delà des impératifs descriptifs, il apparaît que la démarche évaluative trouve à s'appliquer dès cette première étape puisque les lignes directrices recommandent de « distinguer en quoi ce sont les règles en vigueur qui souffriraient de lacunes ou si les conditions de leur application pourraient être améliorées ou encore si les effets escomptés de la législation en vigueur se sont trouvés déformés par des paramètres extérieurs indépendants du corps de législation considéré. Les raisons de cette insuffisance sont précisées autant que possible en distinguant ce qui relèverait de la malfaçon, de la mauvaise application, du manque de moyens humains ou budgétaires ou de l'adaptation des comportements dans un sens imprévu. »
Cette instruction est au coeur du problème de l'application des lois car elle permet, en amont d'identifier les obstacles à cette dernière, à savoir les insuffisances de nature juridiques, financières ou humaines des normes édictées.
Ces préceptes tendent également à prévenir l'inflation législative en soulignant la nécessité de porter à ce stade de l'analyse une attention particulière au degré de stabilité du texte dont la modification est envisagée.
Ce constat avait été formulé par ailleurs avant même l'introduction des études d'impact par le secrétaire général du Gouvernement : « S i l'on souhaite connaître avec précision la pertinence d'une loi, cela implique la mise en place de « processus (...) destinés à évaluer le coût ou l'impact d'une loi » 61 ( * ) . C'est pourquoi, la chronologie des principales modifications de la réglementation considérée doit être établie.
RAPPORT ANNUEL SUR L'APPLICATION DES LOIS -92-
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Aide-mémoire - Contenu des études d'impact suivant le type de projet de loi
Article 8 de la loi organique de 2009 |
Tout PjL ordinaire organique |
PjL d'habilitation (art. 11, al. 2 L.O.) |
PjL de ratification art. 38 C° * |
Dispositions « non exclusives » des PLF, PLFR et PLFSS (art. 12 L.O.) |
PjL art. 53 C° (art. 11, al. 3 L.O.) |
|
al. 1 |
Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. Les documents rendant compte de cette étude d'impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d'État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent. |
X |
L'article 8 de la loi organique n° 2009-403 n'est pas applicable aux projets de loi présentés au titre de l'article 53 de la Constitution. Toutefois, le dépôt de ces projets est accompagné, conformément à l'article 11 de la loi organique de 2009 de documents précisant les objectifs poursuivis par les traités ou accords, estimant leurs conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, analysant leurs effets sur l'ordre juridique français et présentant l'historique des négociations, l'état des signatures et des ratifications, ainsi que, le cas échéant, les réserves ou déclarations interprétatives exprimées par la France. |
|||
al. 2 |
Ces documents définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation. |
X |
X |
X |
X |
|
al. 3 |
Ils exposent avec précision : |
X |
X |
X |
X |
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al. 4 |
- l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, et son impact sur l'ordre juridique interne ; |
X |
X |
X |
X |
|
al. 5 |
- l'état d'application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ; |
X |
X |
X |
X |
|
al. 6 |
- les modalités d'application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ; |
X |
X |
X |
X |
|
al. 7 |
- les conditions d'application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 C°, en Nouvelle-Calédonie et dans les TAAF, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l'absence d'application des dispositions à certaines de ces collectivités ; |
X |
X |
X |
X |
|
al. 8 |
- l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ; |
X |
X |
X |
||
al. 9 |
- l'évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l'emploi public ; |
X |
X |
X |
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al. 10 |
- les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d'État ; |
X |
X |
X |
X |
|
s'il y a lieu, les suites données par le Gouvernement à l'avis du Conseil économique, social et environnemental ; |
X |
X |
X |
X |
||
al. 11 |
- la liste prévisionnelle des textes d'application nécessaires. |
X |
X |
X |
Source : SGG.
(2) La définition des objectifs
La deuxième étape est cruciale car elle consiste à définir les objectifs poursuivis. La capacité de contrôler et d'évaluer la loi dépendra, le moment venu, de la qualité de cette rubrique .
À cet égard, les lignes directrices préconisent d' « identifier d'une part à quel(s) programme(s) annuel(s) de performance (PAP) ou quels programmes de qualité et d'efficience (PQE) ou partie de ce(s) programme(s) peuvent être articulés les objectifs de la réforme, [et] d'autre part comment s'appuyer, le cas échéant, sur les indicateurs existants (notamment ceux des rapports annuels de performance -RAP- et des PQE) ».
(3) Le recensement des options
Sous réserve que l'adoption du nouveau texte ne soit commandée par une norme supérieure, l'étape suivante conduit naturellement à recenser les options alternatives à cette nouvelle intervention normative . Ainsi les lignes directrices précisent que « s i la comparaison des options a convaincu le Gouvernement de la nécessité d'une intervention du législateur, il importe de décrire avec soin dans le document transmis au Conseil d'État et au Parlement les solutions écartées et d'analyser leurs incidences prévisibles, en recensant aussi bien celles qui pourraient être considérées comme potentiellement favorables que des incidences plus indésirables ».
Les différentes options sont de nature plus ou moins formelles, allant de la simple communication à la régulation, en passant par la déontologie ou l'incitation financière... :
- simplification des modalités de mise en oeuvre de la réglementation en vigueur ;
- effort de communication et d'information ;
- libre jeu des usagers ou opérateurs, assorti de recommandations ;
- mise en réseau d'usagers, opérateurs ou intervenants ;
- recours à la médiation ;
- encouragement à la mise en place de certifications privées par des entreprises ou des organismes professionnels agréés ;
- rédaction d'un code de bonne conduite négocié avec un secteur professionnel ou la négociation de conventions entre les partenaires ;
- incitations financières prenant la forme de subventions, voire d'incitations fiscales ;
- régulation par une autorité administrative indépendante et auto-régulation ;
- combinaison de deux ou plus des instruments qui viennent d'être évoqués ».
(4) L'examen des impacts
La quatrième étape consiste à procéder à « un effort de quantification des effets prévisibles de la réforme ». Ce dernier doit être conduit avec « rigueur et précision » et accompagné « d'une explicitation des méthodes de calcul retenues ».
Cet examen est ambitieux car les conséquences prévisibles concernent tant les effets directs qu'indirects, marchands que non-marchands, positifs que négatifs. Conformément à deux circulaires du Premier ministre publiées en 2012, les travaux d'évaluation préalable doivent être enrichis, si besoin est, d'une analyse prenant en compte la dimension des droits des femmes et de l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que du handicap. En outre, les lignes directrices précisent que « l'objectif est d'évaluer non seulement l'ampleur des effets recherchés mais aussi de cerner d'éventuels effets moins attendus voire indésirables à court, moyen ou long terme ».
Toutefois, celles-ci rappellent les limites de l'exercice en insistant sur la nature d'obligation de moyens, pesant en quelque sorte sur les services : « Il ne saurait certes être exigé d'aboutir en toute hypothèse à une prévision certaine de l'ensemble des effets recensés . Il est nécessaire toutefois de formuler un pronostic plausible et de s'appuyer, pour ce faire, sur l'ensemble des connaissances disponibles ».
Si les services disposent d'un modèle de fiche, s'agissant de l'impact des textes réglementaires sur les collectivités territoriales ou sur les PME 62 ( * ) , il n'en est pas de même pour les projets de lois. Une fiche avait été élaborée en 2009 par le SGG. Toutefois, la diversité des situations à examiner a conduit à abandonner une telle approche.
Il apparaît que tend à se dessiner un double axe d'évaluation :
- l'impact juridique de la réforme envisagée ;
- les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales de la réforme envisagée et ses conséquences sur l'emploi public.
En ce qui concerne le plan économique, l'étude doit préciser les conséquences tant macro-économiques que micro-économiques. Ainsi, elle comprend notamment, les modifications de comportements prévisibles des personnes concernées, le rôle des élasticités-prix, des effets de seuil, effets d'aubaine ou effets de substitution.
Les services doivent « prendre en compte l'effet net de la réforme en termes de charges administratives (impôt-papier) pour les entreprises (voir sur ce point, les précisions figurant sur l'extranet de l'évaluation préalable quant à l'utilisation de l'outil dit OSCAR, qui doit permettre d'aider à l'analyse), les personnes publiques elles-mêmes, voire pour les particuliers ».
Sur le plan financier, le champ d'investigation de cette estimation est particulièrement large. Il ne doit pas concerner uniquement le projet de loi mais également « l'ensemble des incidences financières éventuelles des options examinées ». De surcroît, l'impact sur le budget doit être évalué au-delà de l'année en cours, mais également sur ceux des quatre années suivantes ainsi que sur les budgets des collectivités territoriales, en précisant les éventuels transferts de charge ou modification de l'équilibre des budgets.
Sur le plan social, doivent être appréciées les incidences directes ou non des options en termes d'emploi, en mentionnant la nature de ces emplois et la catégorie des personnes concernées.
Enfin, sur le plan environnemental, l'étude vise à mettre en lumière le coût des mesures envisagées pour le climat ainsi que pour la biodiversité, avec notamment leur « coût carbone », la gestion des déchets ... 63 ( * )
(5) La liste des consultations et des décrets d'application de la loi
D'une part, l'étude doit dresser la liste des consultations obligatoires et facultatives, préalables à la saisine du Conseil d'État.
D'autre part, elle doit également établir la liste prévisionnelle des décrets nécessaires à l'application de la loi ainsi envisagée.
(6) La rédaction du cahier des charges de l'étude
Sous la responsabilité du ministre, un cahier des charges de l'étude d'impact est élaboré avec le SGG. Il permet de déterminer non seulement le calendrier de sa rédaction mais également les administrations contributrices aux travaux d'évaluation qui ne relèvent pas du ministère porteur du projet.
Le Conseil d'État ne peut être saisi que si l'étude d'impact est « jugée satisfaisante » par le cabinet du Premier ministre et le Secrétaire général du Gouvernement.
(7) Une démarche comparable à la conception européenne de l'étude d'impact, sous réserve d'une absence d'évaluation ex post
Comme il a été évoqué précédemment, les travaux du groupe consultatif de haut niveau sur la qualité de la réglementation présidé par M. Mandelkern en 2001 ont insisté sur la dimension stratégique et méthodologique de l'étude . Ses réflexions ont été développées dans le cadre de lignes directrices émanant de la Commission européenne, retracées ci-dessous :
Résumé des grandes étapes analytiques
1 |
Définir le problème |
Décrivez la nature et l'étendue du problème. |
|
Déterminez les principaux intervenants/les principales catégories concernés. |
|
Déterminez les moteurs et les causes sous-jacentes du problème. |
|
Définir le problème (suite) |
|
Celui-ci entre-t-il dans le champ de compétences de l'Union ? Satisfait-il au test de la valeur ajoutée et au test de nécessité ? |
|
Élaborez un scénario de base clair comprenant, le cas échéant, une analyse de sensibilité et une analyse des risques. |
|
2 |
Définir les objectifs |
Fixez des objectifs correspondant au problème et à ses causes profondes. |
|
Définissez des objectifs à divers niveaux, allant du général au spécifique/opérationnel. |
|
Veillez à ce que les objectifs soient cohérents avec les politiques et stratégies communautaires existantes, comme par exemple les stratégies de Lisbonne et de développement durable, et qu'ils respectent les droits fondamentaux ainsi que les grandes priorités et propositions de la Commission. |
|
3 |
Définir les principales options politiques |
Déterminez les options politiques en faisant, si nécessaire, la distinction entre les options relatives au contenu et celles concernant les mécanismes d'application (approches réglementaires/non réglementaires). |
|
Vérifiez le principe de proportionnalité. |
|
Commencez à réduire l'éventail des possibilités en examinant les contraintes techniques et autres et en effectuant des comparaisons basées sur des critères d'efficacité, de durabilité et de cohérence. |
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Dressez une liste succincte des options potentiellement valables pour les examiner plus attentivement. |
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4 |
Analyser les incidences des options |
Identifiez les impacts économiques, sociaux et environnementaux (directs et indirects) et la manière dont ils surviennent (causalité). |
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Déterminez qui est touché (y compris les personnes hors UE) et de quelle manière. |
|
Évaluez les incidences par rapport au scénario de base en termes qualitatifs, quantitatifs et monétaires. Si la quantification est impossible, justifiez. |
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Identifiez et évaluez les avantages en matière de charges administratives/de simplification (ou justifiez si cela n'est pas fait). |
|
Analyser les incidences des options (Suite) |
|
Déterminez les risques et les incertitudes des différents choix politiques, y compris les obstacles à la transposition/à la conformité. |
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5 |
Comparer les options |
Évaluez les impacts positifs et négatifs pour chaque option sur la base de critères clairement reliés aux objectifs. |
|
? Si possible, présentez les résultats globaux et détaillés. |
|
Présentez des comparaisons entre les différentes options, par catégories d'impact ou de parties prenantes affectées. |
|
Indiquez, le cas échéant, une option favorite. |
|
6 |
Décrire le suivi et l'évaluation des politiques |
Identifiez les principaux indicateurs de la réalisation des objectifs clés de l'intervention envisagée. |
|
Décrivez les grandes lignes des modalités de suivi et d'évaluation éventuels. |
Source : Lignes directrices de la Commission européenne concernant l'analyse d'impact du 15 janvier 2009.
Dans le cadre européen, l'ensemble des propositions ayant d'importantes retombées directes, telles que les droits fondamentaux 64 ( * ) , sont ainsi soumises à une analyse d'impact. S'agissant du contrôle de la qualité de cette étude, celui-ci est assuré par le comité d'analyses d'impact (IAB). Il a ainsi émis plus de sept cents avis depuis sa création en 2006.
Sa consultation est obligatoire car une proposition ne peut être soumise à la Commission pour décision qu'après avoir obtenu un avis positif du comité. L'analyse des options législatives a été également renforcée depuis l'institution d'une nouvelle direction de l'évaluation de l'impact, au sein du Parlement européen.
En ce qui concerne les principes directeurs, si la démarche française est globalement identique à celle européenne, elle s'en distingue principalement par « l'absence de prise en compte du suivi et de l'évaluation des politiques » . Le seul aspect « ex post » des études d'impact françaises réside dans l'élaboration de la liste des décrets d'application à prendre.
Il faut y voir une réelle carence méthodologique, car en l'absence d'indicateurs de suivi définis en amont, le travail postérieur d'évaluation voit sa portée réduite. Or, les réflexions initiées dès l'étude préalable sur un projet de loi doivent pouvoir être poursuivies en aval, lors de la modification de ladite loi.
c) Une pratique récente en cours d'apprentissage
(1) La montée en puissance des études
Les études d'impact constituent une avancée certaine dans la transparence et la transmission d'informations au Parlement même si cet exercice évaluatif n'a pas encore atteint le potentiel attendu , ainsi que l'a souligné notre excellent collègue M. Alain Richard lors de la table ronde du 16 avril 2013 : « Nous sommes encore dans la phase d'apprentissage de l'étude d'impact, que certains confondent encore avec un gros exposé des motifs ne mentionnant que les données de fait et d'information allant dans le sens de la loi ».
Ce constat partagé par nombre de sénateurs rejoint celui dressé en 2010 par l'OCDE dans le cadre de son étude « mieux légiférer en France ». Sur la vingtaine d'études d'impact transmises aux assemblées parlementaires « le comité relève une prépondérance donnée aux considérations juridiques par rapport à l'étude des options alternatives et de la quantification des impacts. Il souligne toutefois une amélioration de la qualité des études au fil du temps 65 ( * ) ».
(2) Un objectif d'optimisation des études de textes réglementaires en bonne voie
S'agissant des études d'impact portant sur des textes réglementaires, on donnera acte des observations positives formulées par le Secrétaire général du Gouvernement devant votre commission sénatoriale : « La norme ne doit pas être élaborée dans un bureau isolé, détachée de la réalité. Nous voulons nous servir de l'étude d'impact pour déclencher un certain nombre de procédures préalables à la rédaction des textes, afin d'aller voir sur le terrain et de réaliser des crash-tests en sollicitant l'avis des PME et des services déconcentrés sur les nouvelles normes » .
Ce constat est confirmé par l'ancien Commissaire à la simplification dans son rapport de mars 2012. Il a ainsi rendu 97,6 % 66 ( * ) d'avis favorables sur les projets de texte réglementaire, concernant les collectivités territoriales et/ou les entreprises dont il était saisi au 17 février 2012, soit un an après l'instauration de la procédure de saisine pour avis.
Nombre d'avis du commissaire à la simplification au 17 février 2012
Projets de texte |
Avis
|
Avis défavorable |
Total |
Proportions d'avis défavorables |
Collectivités territoriales |
174 |
1 |
175 |
0,1 % |
Entreprises |
224 |
5 |
229 |
2,2 % |
Mixtes |
170 |
8 |
178 |
4,5 % |
Total |
568 |
14 |
582 |
2,4 % |
Source : Premier rapport d'activité du commissaire à la simplification de mars 2013.
Selon l'ancien commissaire à la simplification ce bon résultat est principalement imputable à « l'intervention du dialogue préalable , [...] entre, d'une part, le département de la qualité du droit et le commissaire et, de l'autre, les ministères porteurs des projets en cause. L'échange, en effet, tend à ce que ces projets, avant la formalisation de l'avis du commissaire, satisfassent au mieux à l'objectif d'optimisation des charges et aux différentes exigences des circulaires du Premier ministre : qualité de l'étude d'impact, différé d'entrée en vigueur à l'une des dates communes prévues dans le cas des textes intéressant l'activité des entreprises, notice explicative à joindre lors de la publication des décrets et des arrêtés concernant les entreprises ».
Toutefois, le commissaire a nuancé son constat en indiquant que la qualité des études est « très inégale dans la première période d'application du dispositif, [et] reste encore assez variable. Certains départements ministériels ont fait de réels efforts d'amélioration en ce domaine, mais, au vu des résultats, tous ne semblent pas s'être encore essayés avec la même détermination au renforcement de leurs travaux d'étude d'impact [...] ».
On constate à ce propos que certains ministères sont plus sollicités que d'autres, comme l'indique le graphique ci-après :
Parts relatives des ministères dans les saisines
pour avis
du commissaire à la simplification
(Nombre de projets reçus au 17 février 2012)
PM = Premier ministre |
Inter. = Intérieur |
Bud. = Budget |
F.pub. = Fonction publique |
Déf. = Défense |
Eco. = Économie |
Agr. = Agriculture |
(à compter du 30 juin 2011) |
Dév. = Écologie |
Trav. = Travail, santé |
Cult. = Culture |
|
Jus. = Justice |
Educ. = Éducation |
Solid.= Solidarités |
Source : Premier rapport d'activité du commissaire à la simplification de mars 2012.
Indépendamment du nécessaire apprentissage de ce nouvel exercice, l'ancien commissaire à la simplification a relevé une différence entre les études produites au titre de l'impact sur les collectivités territoriales et celles destinées à évaluer l'effet d'un texte sur les entreprises . Il apparaît que ces dernières peuvent être améliorées. Le commissaire a observé que « trop souvent, en effet, les indications portées dans [celles-ci] laissent fortement à désirer, en termes de précision comme d'exactitude . De toute évidence, comme le commissaire à la simplification a régulièrement eu l'occasion de le vérifier par lui-même, l'outil « OSCAR », qui devrait permettre aux ministères de quantifier les charges administratives induites par leurs projets de réglementation, est sous-employé ».
Ce constat fait écho aux conclusions d'une étude diligentée par la commission européenne auprès de l'Institut Copenhagen Economics relative « Aux meilleures pratiques et aux blocages concernant le Test PME » dans vingt-et-un pays européens, parue en juillet 2011 67 ( * ) . La France appartient au groupe des pays « en retard » , disposant d'un « usage fréquent » du test, mais avec un « niveau de sophistication moyen »
Il est apparu, cependant, qu'il pourrait être remédié au sous-emploi d'Oscar grâce à sa mise à jour. Il convient de le faire évoluer vers une prise en compte des conséquences financières d'un texte plus large que la simple charge administrative. Oscar permettrait alors d'apprécier le coût de mise en conformité induite par toute nouvelle réglementation.
(3) Des études de projet de loi encore trop juridiques
S'agissant des projets de loi, le bilan est davantage contrasté que dans le domaine réglementaire . Soumises aux impératifs de l'urgence politique, de l'accès aux données, et d'un savoir-faire à construire, les études d'impact ne répondent pas totalement aux recommandations des lignes directrices du SGG, ci-dessus mentionnées.
Relevant trop souvent de l'analyse juridique, elles sont moins orientées vers les aspects économiques et financiers. Il en résulte que la comparaison du bilan « coût/avantage » du projet de loi à la lumière des options recensées n'est généralement pas approfondie.
Les alternatives au texte ne sont donc pas réellement considérées. Cette étape « survolée » ne permet pas, en conséquence, d'établir la nécessité d'élaborer un texte. Cette carence revient à poser une présomption de légiférer que vient renforcer le dépôt concomitant de l'étude d'impact et du projet de loi.
Le recours à la norme législative doit constituer la meilleure traduction d'un objectif clairement défini et non une évidence qu'on ne questionnerait pas. Or, en l'état actuel, la définition des objectifs n'est pas toujours clairement établie et développée.
d) Un procédé perfectible
Selon M. Jean-Marc Sauvet, vice-président du Conseil d'État, trois éléments permettent d'apprécier le bénéfice d'une étude d'impact sur les travaux législatifs. Tout d'abord, cette dernière « permet au Gouvernement de réfléchir en amont à l'ensemble des conséquences et implications d'une législation nouvelle ou d'un changement de législation . ». Ensuite « elle rend plus aisé le travail juridique - notamment du Conseil d'État- sur la loi ». Enfin, « elle permet une information plus complète et plus sincère du Parlement . » 68 ( * ) .
Après un peu plus de trois années d'expérience, un constat s'impose : le procédé des études d'impact est perfectible. La détermination des objectifs et des options doit être renforcée. Un pont entre la décision de légiférer et l'évaluation peut être établi dès l'étude ex ante . À cette fin, il convient, d'une part, d'impulser une culture du contrôle et de l'évaluation et d'autre part, de prendre le temps nécessaire afin de se prononcer sur les alternatives.
(1) Renforcer la dimension stratégique des études d'impact
Renforcer l'aspect stratégique des études d'impact suppose de veiller à ce que les objectifs du texte soient cohérents avec les stratégies gouvernementales mises en oeuvre par ailleurs.
Ce serait particulièrement utile dans le cadre de l'examen des lois de finances. Les études permettraient alors de garantir que le bénéfice des modifications législatives envisagées ne soit pas annulé par l'absence de prise en compte d'un autre dispositif en vigueur ou à venir, ayant un effet contraire.
En outre, il faut s'interroger sur les nécessaires aménagements de la loi dans son application. En l'absence de principe de proportionnalité des normes , toute dérogation au dispositif doit apparaître dans l'étude d'impact ainsi que l'a rappelé le Secrétaire général du Gouvernement devant votre commission sénatoriale : « Un consensus existe cependant, non pas sur une totale déréglementation, mais sur la nécessité de rédiger des lois intelligentes, c'est-à-dire adaptées aux situations des individus et des territoires. [...] Cela implique, au stade de l'étude d'impact, d'apprécier la possibilité de dérogations, de conditions d'entrée en vigueur différée et de marges d'appréciation accordées à l'autorité de décision, laquelle, pour les décisions personnelles et nominatives, reste le préfet ».
Enfin, il paraît essentiel de prévoir à l'avenir la définition d'indicateurs d'évaluation des objectifs dans les études d'impact ex ante . A l'instar des études communautaires, de tels indicateurs de suivi poseraient le cadre nécessaire à tout examen ex post du contrôle de l'application des lois.
Afin d'éviter l'écueil du formalisme qui conduit à justifier le projet de texte postérieurement à la rédaction de celui-ci, il convient de « partir de l'existant » en interrogeant les administrations contributrices sur les statistiques dont elles disposent. En effet, l'indicateur doit permettre d'anticiper raisonnablement un impact qui ne doit pas être inventé a posteriori.
Cette démarche requiert également de renforcer ce qui peut être qualifié de « coordination interservices » . Pour l'heure, si l'interministérialité a trouvé ses « coordinateurs » en la personne des secrétaires généraux (SGG, SGAE 69 ( * ) , SGDSN 70 ( * ) ...°), les relations entre services au sein d'un même ministère peuvent être source de complexité, voire d'entrave à la publication des décrets. Or, une consultation interservices (CIS) est prévue au sein de l'Union européenne, formalité inscrite dans le règlement intérieur. C'est une phase obligatoire pendant laquelle les directions intéressées doivent être consultées. Elle permet d'identifier tout impact collatéral.
(2) Impulser une culture du contrôle et de l'évaluation
Le succès des études d'impact dépend de l'émergence d'une culture administrative de l'évaluation . Dès 2001, le Rapport Mandelkern avait qualifié de « résistance culturelle », les réticences émanant des traditions d'indépendance ministérielle ou de certains responsables politiques, face à la charge bureaucratique supplémentaire que représente l'étude d'impact.
Cette observation renvoie d'une manière plus générale à la question de la simplification et de la rationalisation des lois qui passe, selon une déclaration de M. Serge Lasvignes en 2008, « par un changement culturel dans la sphère publique. La modification de la loi ne devrait plus être vécue comme une avancée mais davantage comme un inconvénient politique. Ce qui induit également un changement de mentalité des services de l'administration, pour renoncer à l'idée que leur raison d'existence réside dans la production de textes ».
En effet, l'étude d'impact requiert de la part de l'administration de développer parallèlement à son rôle de producteur de normes , solidement ancré, ainsi que l'a souligné le Secrétaire général du gouvernement, celui d'évaluateur pour lequel elle n'a pas été formée.
Cette résistance peut être levée. Ainsi que l'a souligné l'ancien commissaire à la simplification dans son rapport, la mission d'expertise « simplification et évaluation » tend à constituer une aide de qualité aux administrations dans le cadre de la réalisation de telles études. Récemment instituée au sein du conseil général économique et financier (CGEFi), cette mission fournira un appui à la mobilisation ainsi qu'à la formation des agents.
(3) Prendre le temps de l'étude
Le facteur temps constitue certainement une des plus grandes fragilités de cet instrument. Il s'agit du temps consacré par les services de l'administration pour élaborer ces études comme celui octroyé au Parlement afin de les examiner.
La promesse était pourtant ambitieuse, ainsi que l'avait indiqué le rapporteur de la loi organique lors de son examen à l'Assemblée nationale : « ces études d'impact constitueront un remède au poison instillé depuis les débuts de la Ve République : elles nous permettront de disposer, en amont des débats, de tous les éléments d'évaluation et de connaître les conséquences prévisibles qu'emportera le texte. » Cette exigence du Parlement d'être informé et de disposer du temps nécessaire à la réflexion avait été longuement débattue au sein de la commission Balladur.
En réponse à cette problématique, le regretté Professeur Guy Carcassonne a rappelé devant votre commission sénatoriale lors du Forum du 16 avril 2013 qu'il avait émis l'idée d'un débat portant sur l'étude d'impact elle-même : « Je nourris le rêve d'une discussion législative qui porterait d'abord sur l'étude d'impact , à l'instar de ce qui se passe au Royaume-Uni avec le système des livres blancs et des livres verts. L'on s'accorderait sur les faits avant d'envisager les remèdes, et, s'ils passent par la loi, l'on s'interrogerait sur le type de loi nécessaire. Tout changerait alors dans la fabrication des normes. Un nombre substantiel de projets ne verraient plus le jour ou seraient très différents. Tout le reste s'en déduit. La performance normative y gagnerait en ce que les critères, contradictoirement déterminés, faciliteraient l'évaluation ex post de la loi. Bref, l'on en finirait avec la précipitation dans laquelle on fait, mal, des textes que l'on est obligé de revoir, mal, dans la précipitation »...
Une autre alternative aurait pu également consister, d'une part, à prévoir le dépôt de l'étude plus en amont que concomitamment au projet de loi, et d'autre part, à allonger le délai de réflexion, quant à la vérification de la conformité de l'étude aux règles de la loi organique. En effet, la loi organique précise que : « la Conférence des présidents de l'assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé dispose d'un délai de dix jours suivant le dépôt pour constater que les règles fixées par le présent chapitre sont méconnues. Lorsque le Parlement n'est pas en session, ce délai est suspendu jusqu'au dixième jour qui précède le début de la session suivante ».
Une présentation séparée de l'étude d'impact et du projet de loi aurait permis d'une certaine façon non seulement d'évaluer la qualité de l'étude d'impact, outil d'aide à la décision mais également d'établir un dialogue utile et sincère entre le Parlement et l'Exécutif, quant au bien-fondé d'un nouveau dispositif législatif. Elle aurait eu, enfin, la vertu de freiner toute tentation conjoncturelle et parfois artificielle de légiférer, en réponse à une partie de l'opinion publique, parfois mal sondée.
Toutefois, disjoindre la présentation de l'étude de celle du projet de loi, représenterait une démarche si réformatrice qu'elle ne paraît pas, aujourd'hui, sérieusement envisageable. À défaut, il faut au moins insister sur la mise en oeuvre effective des outils constitutionnels garantissant la bonne information du Parlement, notamment le contrôle de la conformité des études d'impact aux normes organiques.
(4) Sanctionner la non-conformité des études d'impact
Aux termes de l'article 39 de la Constitution, le Parlement n'est pas dépourvu de moyens pour faire respecter l'obligation constitutionnelle de fournir des études d'impact de qualité.
En effet, cet article dispose que « Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours .
2. Affermir le contrôle de l'application des lois par des études d'impact ex post
Une réflexion générale sur l'application des lois ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur l'évaluation de la loi elle-même. En effet, comme les rapports de votre commission sénatoriale en apportent la preuve, la logique voudrait qu'avant de légiférer sur des matières souvent modifiées à maintes reprises, on fasse d'abord le bilan du fonctionnement réel du dispositif en vigueur ainsi que de ses résultats.
a) L'évaluation ex post prolonge et approfondit la démarche ex ante
L'exigence de procéder à une évaluation ex post du stock de réglementation figure au nombre des recommandations formulées par l'OCDE, dans le cadre de son examen de la qualité de la réglementation. Ainsi, l'Organisation fait valoir que : « Dans certains cas, la procédure officielle d'analyse d'impact ex post peut être plus efficace que l'analyse ex ante pour éclairer le débat en cours sur les politiques. Cela est probablement le cas, par exemple si les réglementations ont été élaborées suite à des pressions en faveur de la mise en oeuvre d'une réponse rapide » 71 ( * ) .
Cette évaluation peut prendre une forme institutionnelle . C'est le cas du National audit office ( NAO), de la commission des comptes publics (PAC, Public accounts committee ) au Royaume-Uni, du Congressional budget office (CBO) et du Government accountability office (GAO) aux États-Unis.
Cet exercice peut également conduire à l'insertion de clauses de réexamen ou de « revoyure » dans les dispositions législatives et réglementaires, ou à des examens systématiques ou bien encore à « des mécanismes permanents par lesquels le public peut formuler des recommandations visant à modifier des réglementations existantes ».
b) Quelle démarche ex post ?
Une piste consisterait à approfondir la démarche qui a conduit à instaurer les études d'impact ex ante par l'institution d'évaluations ex post. Ces dernières ne sont, par ailleurs, pas indissociables des premières, dans la mesure où toute appréciation de l'application d'une loi devrait s'effectuer à l'aune des objectifs fixés dans les études d'impact ex ante . Une évaluation ex post permettrait alors d'améliorer l'efficience du dispositif ou d'en corriger les effets, si les circonstances ont été modifiées, ainsi que le soulignait déjà le rapport Mandelkern, il y a plus de dix ans :
« L'évaluation ex post peut contribuer activement à la révision efficace de la réglementation existante. Correctement réalisée, elle fournit des informations précises quant à l'efficacité et à l'opportunité de la réglementation, mettant à jour les lacunes et autres insuffisances et permettant à la révision de déterminer quelle action doit être engagée, le cas échéant ».
En effet, si l'action politique vise à s'inscrire dans l'avenir, elle ne peut faire abstraction du passé. L'évaluation permettrait d'éclairer la représentation nationale ainsi que les citoyens sur l'efficience des lois votées. Cette démarche de la performance tend également à répondre à un enjeu démocratique puisqu'elle participe à la transparence et à la crédibilité du processus législatif.
Une telle approche peut être réalisée, soit de manière ponctuelle pour un texte donné, soit dans le cadre d'une procédure plus systématique.
Le législateur peut ainsi prévoir dans un texte la remise d'un rapport au Parlement tendant à dresser le bilan de la mise en oeuvre de celui-ci. À titre d'illustration, la loi sur les jeux en ligne de 2010 72 ( * ) a prévu que « dans un délai de dix-huit mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport d'évaluation sur les conditions et les effets de l'ouverture du marché des jeux et paris en ligne [est] adressé par le Gouvernement au Parlement. Ce rapport propose, le cas échéant, les adaptations nécessaires de la présente loi. Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2011 sur la mise en oeuvre de la politique de lutte contre le jeu excessif ou pathologique. Ce rapport étudie notamment les systèmes d'information et d'assistance proposés par les opérateurs de jeux ou de paris. Il propose, le cas échéant, la mise en place d'une procédure d'agrément pour ce type de structure ».
Le rapport ainsi publié a permis au-delà d'un examen de l'application de l'ensemble des articles de la loi, d'étudier son impact en matière de lutte contre le jeu excessif ou pathologique ainsi que contre la fraude et le blanchiment.
Une autre modalité d'évaluation ex post peut consister à créer un comité de suivi, à l'instar du mécanisme prévu par le projet de loi (2012-2013, n° 653) pour la refondation de l'école de la République, en cours d'examen. Son article 60 dispose que : « Un décret institue un comité de suivi chargé d'évaluer l'application de la présente loi. Ce comité, composé à parité d'hommes et de femmes, comprend notamment quatre députés et quatre sénateurs, désignés par les commissions compétentes en matière d'éducation de leurs assemblées respectives. Il transmet chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux. Ce comité doit notamment étudier la formation des enseignants et des personnels d'éducation en suivant la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation ainsi que les questions de prérecrutement et de l'évolution du concours de recrutement des enseignants ».
Dans le cadre de l'Union européenne, cette démarche évaluative une autre culture légistique, où elle est qualifiée de « rapportage ». En effet, les directives mettent essentiellement en place deux types de mécanismes d'évaluation postérieure :
- Dans un premier temps, les États membres sont chargés de remettre un rapport à la Commission sur la mise en oeuvre de la directive/décision ;
- Dans un second temps, la Commission doit produire un tel rapport devant le Parlement Européen.
Techniquement, les tournures rédactionnelles instituant de telles clauses sont variables. L'obligation de « rapporter » est, selon le cas, prévue dans un article qui lui est spécifiquement dédié, ou intégrée dans un article de « dispositions finales » ou de « mise en oeuvre ».
Tout en cherchant à approfondir la culture du contrôle et de l'évaluation, la sagesse commanderait cependant d'en limiter l'ambition, dans un premier temps tout ou moins, pour éviter de tomber dans un nouveau formalisme lourd et improductif, le critère déclencheur pouvant être qualitatif (selon l'enjeu du texte) ou quantitatif (les conséquences financières du texte, le nombre de personnes concernés, le nombre ou la fréquence des modifications antérieures du texte, etc...).
Enfin, la conception d'une évaluation ex post requiert de disposer de critères de suivi du texte, préalablement définis dans le cadre de l'étude d'impact ex ante . Un pas dans cette direction a été déjà été réalisé dans le cadre budgétaire. En effet, la loi organique relative aux lois de finances adoptée en 2001 a prévu l'élaboration d'objectifs et d'indicateurs pour chacun des programmes des missions budgétaires.
* 41 Les démarches présentées ci-après dans le cadre de l'Union européenne et de l'OCDE sont généralement justifiées au titre de l'efficience et de la performance économique. Mais la volonté d'améliorer la qualité de la réglementation dépasse un tel objectif. Elle participe avant tout à la sécurité juridique, pilier de toute démocratie.
* 42 Rapport du Groupe consultatif de haut niveau sur la qualité de la réglementation, présidé par M. Mandelkern du 13 novembre 2001.
* 43 Selon ce rapport, les principes directeurs d'une mise en oeuvre conforme et efficace de la réglementation sont la nécessité, la proportionnalité, la subsidiarité, la transparence, la responsabilité, l'accessibilité et la simplicité.
* 44 Cf . COM(2012) « Un programme de simplification pour le CFP 2014-2020 ».
* 45 Ce programme porte, dans le domaine environnemental, sur la politique de l'Union en ce qui concerne l'eau douce et dans le domaine social, sur l'information et la consultation des travailleurs. La réception des véhicules à moteur, la législation dans le domaine de la chaîne alimentaire et la politique relative au marché aérien intérieur font également l'objet de bilans.
* 46 Regulatory Fitness and Performance Program .
* 47 Cf . Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Pour une réglementation de l'UE bien affûtée » SWD(2012) 423 final.
* 48 « Le processus d'évaluation pourrait être élaboré en même temps que la politique elle-même et contenir de meilleures modalités de contrôle et d'établissement de rapports . » Il convient également de mentionner que l'article 318 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) impose une nouvelle obligation pour la Commission, de soumettre au Parlement européen ainsi qu'au Conseil, un rapport d'évaluation des finances de l'Union, fondé sur les résultats obtenus.
* 49 Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires de 2012.
* 50 À titre d'illustration, afin de mettre en oeuvre le principe préconisant d'étudier les effets des réglementations sur la concurrence, le Comité de la concurrence a élaboré un instrument d'évaluation de la concurrence qui a été adopté en 2007 Cf. DAF/COMP(2007)5. Cet instrument a été suivi d'une recommandation sur l'évaluation d'impact sur la concurrence en 2009 : [C(2009)130] visant à évaluer les règles qui limitent indûment la concurrence afin de formuler d'autres normes permettant d'atteindre les mêmes objectifs avec moins d'effets dommageables sur la concurrence. Des travaux ont été également réalisés par le Comité de la politique à l'égard des consommateurs afin de permettre d'évaluer les problèmes des consommateurs et d'élaborer d'autres approches réglementaires. Un Guide pour le développement des politiques de consommation a été publié à cet effet en 2010.
* 51 Il a été rédigé par le Comité de la politique de la réglementation après un processus approfondi de consultation publique et de la participation des comités.
* 52 The Office of Information and Regulatory Affairs.
* 53 The Office of Management and Budget of the The White House.
* 54 Le NAO donne un avis externe, technique, concret et indépendant sur la qualité de la gestion de la réglementation.
* 55 Productivity Commission.
* 56 Cf . le rapport de l'OCDE intitulé « Regulatory policy and Governance Supporting economic growth and serving the public interest.»
* 57 Practicability and Enforcement Impact Assessment .
* 58 Selon Jean-Baptiste Avrillier, alors chef de la mission « méthode assurance qualité des projets » au service Projets de la DGME, «l' un des avantages majeurs d'Oscar est d'amener les porteurs de projets de lois à se poser des questions sur les contraintes qu'une nouvelle démarche engendre pour les usagers : combien d'entreprises vont être impactées, combien de temps devront-elles passer pour la mettre en place, quel sera son coût ?... Avec Oscar, l'administration est obligée de faire un travail de projection, en prenant en compte le point de vue de l'usager. Une démarche qui jusqu'à présent n'était pas spontanée dans l'administration. [...] Cette méthodologie repose sur la décomposition d'une démarche administrative en étapes (préparation, réalisation, traitement, clôture) ainsi que la simulation du temps passé par l'usager pour répondre à chacune d'elles. Ce travail est également réalisé du côté de l'administration, ce qui permet aux décideurs d'avoir une vision complète de la charge administrative du projet de loi. »
* 59 Source : Lignes directrices pour l'élaboration des études d'impact.
* 60 Les lignes directrices précisent notamment que l'étude doit faire référence à l'état du droit européen ou international.
* 61 http://www.modernisation.gouv.fr/index.php?id=250
* 62 Voir annexe à la circulaire du 17 février 2011.
* 63 Les lignes directrices proposent de s'interroger de la manière suivante : « Existe-t-il dans le projet de loi des mesures qui auront une incidence sur les territoires ? Existe-t-il dans le projet de loi des mesures qui auront une incidence sur la mobilité des personnes ou des marchandises ? Existe-t-il dans le projet de loi des mesures qui auront une incidence sur le niveau de production des entreprises des secteurs primaire ou secondaire » ?
* 64 Cf. Operational Guidance on taking account of Fundamental Rights in Commission Impact Assessments du 6 mai 2011 SEC(2011) 567 final.
* 65 Cf . Rapport de l'OCDE Mieux Légiférer en France citant le premier rapport du CEC (n° 2094 du 19 novembre 2009, présenté par MM. Claude Goasguen et Jean Mallot) sur les critères de contrôle des études d'impact. Cette première mission résulte de l'introduction, à l'article 146-5 du Règlement de l'Assemblée nationale, de la faculté ouverte aux présidents des commissions permanentes saisies au fond d'un projet de loi ou au Président de l'Assemblée de demander au CEC de donner un avis sur la conformité des études d'impact aux règles organiques.
* 66 Saisi au 17 février 2012 de 692 projets de texte réglementaire concernant les collectivités territoriales ou/et les entreprises, il avait examiné 636 d'entre eux et avait rendu 582 avis, considérant que 54 projets n'appelaient pas d'avis de sa part.
* 67 Cf . Site de l'IFRAP. http://www.ifrap.org/Mise-en-place-d-un-Test-PME-Francois-Hollande-doit-tenir-parole,12711.html.
* 68 Cf . Groupe de travail Assemblée nationale - Sénat sur la qualité de la loi : jeudi 6 mai 2010 audition de Jean-Marc Sauvet, vice-président du Conseil d'État en présence de M. Warsmann, président de la commission des lois et de M. Hyest, président de la commission des lois du Sénat.
* 69 Secrétariat général des affaires européennes.
* 70 Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
* 71 Cf . Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaire 2012.
* 72 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.