3. Olivier Piron, inspecteur général de l'équipement
28 juin 2012
Le mot « campagne » est récent, il correspond au regard des gens qui habitent en ville. Le territoire métropolitain est une unité : campagnes et villes travaillent ensemble. Traiter séparément les villes et les campagnes conduit à passer à côté des problèmes.
Les zones urbaines denses (plus de 5000 habitants et une densité résidentielle brute supérieure à 2500 habitants) ont perdu du poids démographique depuis 1968 (elles représentent moins de 10 % de l'augmentation démographique métropolitaine dans cette période). On urbanise désormais par les campagnes. Même la croissance démographique naturelle des campagnes est devenue positive.
Dans les zones denses de province, la moitié du parc de logement est constitué de résidences principales occupées par une seule personne (étudiants, personne âgées...). Les familles vont de préférence dans la partie non dense des territoires (ex. périurbain lié aux métropoles régionales). En effet les familles vivent au sol, ont besoin d'espace (trajet école domicile, aires de jeu...).
Corrélation entre le pourcentage d'immigrés (personnes nées étrangères à l'étranger) entre 25 et 54 ans et les conditions de logement dans la commune de résidence. La densification des villes a lieu en entassant les immigrés.
Le logement n'est pas un produit hors-sol. On prévoit la construction de 70 000 logements par an dans le grand Paris, sans dire où. La déclinaison par communes publiée n'est pas crédible.
En définitive, nécessité de densités pas trop fortes : vers 4 000 habitants au km 2 . Toute construction complémentaire risque de peser sur le confort spatial de tout un chacun, dès lors que le rythme de construction dépasserait la simple compensation du desserrement annuel de la population ainsi que le remplacement d'immeubles démolis ou désaffectés, soit 1 % en moyenne nationale.
L'économie aussi a besoin d'espace. Le Grenelle II a dit qu'il fallait diminuer l'occupation des sols, ce qui interdirait à une commune de se « réveiller ».
La densification est une notion pertinente pour le tertiaire, radicalement fausse pour le reste des activités et besoins.
Les activités économiques se desserrent spontanément (ex. des Monts d'Arrée où le bas coût des logements permet des salaires plus bas).
On a ainsi besoin d'espace, qui se trouve dans les campagnes.
D'après une typologie INSEE de 1996, les « pôles urbains » sont des unités urbaines de plus de 5 000 emplois. Les communes « périurbaines » sont celles dont au moins 40 % des actifs travaillent dans le pôle ou dans l'aire urbaine correspondante. Elles constituent une couronne périurbaine. Et lorsqu'au moins 40 % de ces actifs travaillent dans plusieurs aires urbaines, sans qu'aucune n'en attire plus de 40 %, la commune est dite « multipolarisée ». Les « pôles ruraux » étaient, dans ce contexte, des unités urbaines dotées de 1 500 à 5 000 emplois, et non compris dans des couronnes périurbaines. De 1999 à 2008, les pôles urbains ont grandi par eux-mêmes moins vite que la moyenne. Ils n'ont accueilli que 40 % de la population complémentaire alors que leur poids était de 60 %. Depuis, l'INSEE a supprimé la catégorie des pôles ruraux de sa typologie. Or, si le rural disparaît dans la nomenclature INSEE, la ruralité, elle, résiste, par exemple dans la législation.
Comment ne pas consommer trop de terres agricoles ? L'utilisation du terme « consommer » n'est pas innocente. Noter qu'en 2000, l'agriculture et la forêt utilisent 83,7 % de l'espace.
Les départements ont été depuis toujours des machines à transférer du « cash », ce sont des caisses de péréquation vers les communes, qui doivent avoir les moyens d'exister.
Les CAUE (conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) sont de qualité inégale.
Importance, en matière d'emploi des territoires, de voir ce qui doit être intangible pour des raisons patrimoniales ou autres, et de laisser « respirer » le reste.
La complémentarité ville-campagne se construit naturellement. Le rural est porté par les retraités et le tourisme ainsi que par le coût moins élevé de la construction. Il est largement peuplé par une population ouvrière ; la crise et la pauvreté renforcent le poids du monde rural.