B. AUDITIONS DES RAPPORTEURS
Lecture : les questions figurant en italique sont celles que les rapporteurs ont adressées à l'avance aux personnes auditionnées. Les autres questions et interventions des rapporteurs figurent entre crochets.
NB : les comptes rendus ne sont pas exhaustifs. Ils sont validés par les personnes auditionnées.
1. Olivier Mora, ingénieur agronome, chercheur à l'INRA
27 mars 2012
Olivier Mora présente l'exercice « Les Nouvelles ruralités à l'horizon 2030 » sur la base d'une projection sont dont extraites les vues ci-après. Au cours de cette présentation, il insiste sur l'importance des relations entre villes et campagnes et le système qu'elles forment ensemble pour conduire une scénarisation concernant les espaces ruraux. Ce travail a été conduit sur deux ans.
A noter que le scénario n° 4 met l'accent sur le rôle des villes intermédiaires, dont le rôle apparait comme fondamental pour l'avenir des territoires ruraux.
2. Jean-Louis Cazaubon, vice-président de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA)
11 avril 2012
La difficulté d'engager une réflexion prospective sur l'agriculture française provient de sa diversité. On peut en distinguer trois sortes :
1) la production de biens alimentaires destinés à l'industrie agro-alimentaire ;
2) les exploitations de taille plus réduite, marquées par une dimension entrepreneuriale, qui transforment et élaborent leurs produits;
3) les exploitations agricoles intermittentes ou annexes, correspondant à une pluri-activité des exploitants, dont la valeur ajoutée économique ne leur permet pas d'en vivre exclusivement mais qui contribuent grandement à l'entretien de l'espace rural et souvent créent des paysages sur lesquels repose l'activité touristique.
Le projet des chambres d'agriculture est d'assurer la pérennité et le développement harmonieux de ces trois types d'agriculture.
La PAC est la seule politique européenne autonome. Ses enjeux sont d'ordre stratégique, politique et économique. L'objectif de la PAC doit être celui de la compétitivité et de la garantie des revenus contre la volatilité des prix. La mise en place d'un mécanisme de régulation est impérative.
L'avenir de l'agriculture dépend de la transmission des exploitations, de l'attractivité des revenus et de la pérennité de ses ressources.
Les techniques doivent être actualisées en permanence et la recherche en matière agricole est indispensable.
Concernant la PAC, il se trouve que les zones défavorisées doivent être révisées à partir de critères uniquement physiques, ce qui risque d'exclure certains territoires français qui bénéficient actuellement des mesures de soutien correspondant à ce zonage.
La fonction de l'agriculture consiste en la production et en la fourniture d'aménités diverses. La production se scinde elle-même en productions alimentaires, et non alimentaires, ces dernières débouchant sur la fourniture d'énergie, ou de matériaux (pour remplacer, par exemple, certains dérivés du pétrole).
Aujourd'hui la PAC n'oriente plus la production, ses subventions sont proportionnelles à la surface. L'APCA n'a pas non plus de « religion » sur ce que l'agriculture doit produire, aliments ou énergie, voire matériaux. J'appelle l'attention sur le développement d'agro-carburants, de la seconde, voire de la troisième génération. Bien sûr nous gardons à l'esprit qu'il faut nourrir 7 milliards d'individus, qui seront bientôt 9 milliards.
Gérard Bailly - L'agriculture a beaucoup d'injonctions à satisfaire, qu'on songe aux problèmes fonciers, à la biodiversité, à l'écologie, au développement durable ou à la production d'énergie : biomasse, biocarburants, photovoltaïque....
Jean-Louis Cazaubon - Les débouchés, il faut les prendre, sinon d'autres les prendront. Il est déplorable de faire de la jachère financée par les fonds européens alors que ces terres pourraient travailler. Dans le projet de la commission européenne pour la réforme de la PAC, l'« aide verte » est conditionnée par la mise en jachère de 7 % des terres agricoles, ce qui est beaucoup trop... La rémunération des mesures agro-environnementales (MAE) correspond à un surcoût, mais par rapport à quoi ? Malheureusement, il n'est pas question de rémunérer le travail existant, sauf pour la filière biologique.
Renée Nicoux - Un revenu, sur une base contractuelle, devrait être versé au titre des aménités...
Jean-Louis Cazaubon - Sur un autre plan, les espaces Natura 2000 paraissent compatibles avec les pratiques préexistantes puisqu'elles n'ont pas empêché de préserver les espèces qu'on y a trouvées... Il faut dénoncer les « ultras » de l'environnement qui font par exemple l'apologie de l'ours.
Gérard Bailly - Il est parfois renoncé à certains élevages avec la multiplication des attaques de loup et de lynx...
Jean-Louis Cazaubon - L'agriculture, qui occupe 500 000 agri-culteurs, fait vivre en réalité 3,5 millions de personnes employées dans des filières amont et aval. Les « filières territorialisées » occupent 107 000 exploitants qui vendent tout ou partie de leur production en circuits de proximité. La question est de savoir si ces filières pourront être soutenues par les fonds structurels FEDER et FSE pour mettre en place de véritables projets de développement économiques générateurs d'emplois et de valeur ajoutée pour les territoires.
Concernant les ressources, le stockage de l'eau va s'avérer primordial surtout si le réchauffement se poursuit. La question du foncier posera celle d'un nécessaire équilibre social et territorial.
Concernant le réchauffement climatique, l'agriculture peut réduire ses émissions et améliorer le stockage du carbone, les surfaces herbeuses le permettent, mais uniquement si elles sont pâturées. Des mécanismes d'assurance seront peut-être souhaitables - ils existent déjà ailleurs - surtout s'il n'existe pas de mécanisme de régulation des prix. Par ailleurs, les productions de sources énergétiques constitueront une piste (granules de bois...).
Gérard Bailly - Quelle « posologie » préconiser pour que l'agriculture française présente, selon vos critères, un visage satisfaisant en 2040 ?
Jean-Louis Cazaubon - Les stratégies doivent différer selon les régions et les types d'agriculture. Le solaire doit gagner les toits, pas les terres ! Il faut savoir que les usines de la filière agro-alimentaire s'installent soit sur les lieux de production, soit sur les lieux de consommation. Il convient d'encourager l'installation sur les lieux de production sur tout le territoire afin d'éviter des concentrations dans certains secteurs et des déserts dans d'autres régions.