PREMIÈRE PARTIE : POURQUOI LA PHILHARMONIE DE PARIS ?
Paris présente une offre symphonique riche et diversifiée, mais ne peut cependant rivaliser avec des villes comme Londres ou Berlin. Cette situation s'expliquerait en partie du fait de l'absence de grand auditorium dédié au répertoire symphonique, « carence » identifiée de longue date et qui fait aujourd'hui l'objet d'un relatif consensus. Selon les défenseurs du projet de Philharmonie de Paris, cette « exception française » serait préjudiciable aussi bien au public qu'aux orchestres, et doit donc être comblée par la construction d'un grand auditorium respectant les standards internationaux en termes de taille et d'acoustique.
I. UNE ABSENCE DE GRAND AUDITORIUM PRÉJUDICIABLE AU RAYONNEMENT MUSICAL DE PARIS
A. PARIS, CAPITALE SYMPHONIQUE DE SECOND RANG ?
1. Une offre symphonique riche et diversifiée...
a) Onze salles dédiées en tout ou partie au concert « classique »
Un recensement des principales salles de concert parisiennes effectué par l'association de la Philharmonie de Paris à la demande de votre rapporteur spécial enseigne que la capitale dispose de onze équipements pouvant être répartis en trois catégories :
1) quatre salles de concert à proprement parler , que sont la Salle Pleyel, la salle de la Cité de la musique, le futur auditorium de Radio France et la Salle Gaveau ;
2) cinq salles de théâtre lyrique : Opéra Bastille, Opéra Garnier, Opéra comique (Salle Favart), Théâtre du Châtelet et Théâtre des Champs-Elysées ;
3) deux lieux pluridisciplinaires accueillant de la musique de chambre : l'auditorium du Louvre et l'auditorium d'Orsay.
Ces salles offrent une jauge totale de près de 15 700 places, dont 5 213 places pour les seules salles de concert. Ces dernières offrent un volume compris entre 18 000 mètres cubes pour la Salle Pleyel et 8 000 mètres cubes pour la Salle Gaveau ( cf . tableau).
Les principales salles de concert parisiennes
* La notion de volume n'est pas opérante pour les théâtres lyriques du fait d'un espace découpé en trois volumes découplés qui se juxtaposent : la scène délimitée par un cadre de scène, le parterre, les zones sous balcons.
Source : commission des finances, d'après la Philharmonie de Paris
b) Des orchestres importants, une programmation riche
Les principaux orchestres parisiens peuvent être regroupés en quatre grandes catégories :
1) les « grandes » institutions symphoniques fortement soutenues par les pouvoirs publics que sont l'Orchestre de Paris, opérateur du ministère de la culture au sens de la LOLF et futur résident principal de la Philharmonie de Paris, l'Orchestre national de France et l'Orchestre philharmonique de Radio France, dépendants de Radio France ;
2) l'orchestre de l' Opéra national de Paris , formation spécialisée dans l'accompagnement du chant lyrique et occupant la « fosse » du Palais Garnier et de l'Opéra Bastille, mais donnant occasionnellement quelques concerts symphoniques ;
3) plusieurs orchestres de qualité , quoique moins prestigieux que les précédents, parmi lesquels l'Orchestre national d'Île-de-France (ONDIF), et les orchestres « associatifs » Colonne, Pasdeloup, Lamoureux ;
4) quelques formations dites « spécialisées » , n'occupant pas à proprement parler le champ du répertoire symphonique. Ainsi de l'Ensemble intercontemporain (spécialisé dans la musique contemporaine), de l'Ensemble orchestral de Paris (formation chambriste), des Arts florissants, des talents lyriques, du Concert d'Astrée (musique ancienne) et de l'Orchestre des Champs-Elysées (jeu sur instruments d'époque de Haydn à Mahler), ou du Cercle de l'harmonie (ensemble sur instruments d'époque spécialisé dans le répertoire de la fin du XVIII ème siècle).
Les principaux orchestres parisiens
Formation |
Statut |
Musiciens permanents |
Subventions de l'Etat en 2011 en euros |
Orchestre de Paris |
Association - opérateur de l'Etat |
119 - contrats CDI |
9 000 000 |
Orchestre national de France |
Intégré à la SN Radio France |
119 - contrats CDI |
nd |
Orchestre philharmonique de Radio France |
Intégré à la SN Radio France |
141 - contrats CDI |
nd |
Orchestre de l'Opéra national de Paris |
Intégré à l'EPIC Opéra national de Paris |
174 - contrats CDI |
nd. Le financement de cet orchestre est intégré à la subvention totale de l'établissement |
Orchestre national d'Île-de-France |
Association |
95 - contrats CDI |
2 247 000 |
Orchestre Colonne |
Association |
Effectif variable - musiciens intermittents |
102 000 |
Orchestre Pasdeloup |
Association |
Effectif variable - musiciens intermittents |
97 300 |
Orchestre Lamoureux |
Association |
Effectif variable - musiciens intermittents |
100 700 |
Ensemble intercontemporain |
Association - opérateur de l'Etat |
31 - contrats CDI |
3 862 000 |
Arts florissants |
Association |
Effectif variable - musiciens intermittents |
873 000 |
Concert d'Astrée |
Association |
Effectif variable - musiciens intermittents |
300 000 |
Talents lyriques |
Association |
Effectif variable - musiciens intermittents |
358 800 |
Orchestre des Champs-Elysées |
Association |
Effectif variable - musiciens intermittents |
740 000 |
Source : commission des finances
2. ... qui supporte néanmoins difficilement les comparaisons internationales
Malgré cette richesse du nombre de salles et de formations musicales, certains estiment que Paris n'est pas en mesure de rivaliser avec les grandes capitales européennes telles que Berlin, Londres ou Amsterdam, voire avec d'autres grandes métropoles européennes ou internationales (Los Angeles). Plusieurs rapports ont émis un tel constat. Par exemple, la Cour des comptes, dans son relevé d'observations définitives relatives à la construction de la grande salle philharmonique de la Villette, estimait que « sans être négligeable, l'offre musicale parisienne ne peut se comparer à celle d'autres capitales européennes comme Londres ou Berlin, où l'offre symphonique et opératique est beaucoup plus riche ».
De même, le rapport Larquié de 1999, comparant l'offre musicale de Paris à celle existant à Londres et Berlin, constatait déjà que « le nombre de grands orchestres symphoniques permanents (plus de 70 musiciens et plus de 50 concerts) y est supérieur : 6 à Londres, 5 à Berlin, dans un pays, l'Allemagne, où, par ailleurs, de nombreuses grandes villes, Hambourg, Cologne, Munich, Leipzig, etc... disposent elles-mêmes de plusieurs orchestres dont la qualité et la renommée se comparent largement à celles de nos orchestres (...). Les comparaisons internationales montrent que la situation parisienne ne se caractérise pas, en valeur absolue, par une pléthore de l'offre ni du nombre des formations de qualité ».
Ce constat a été confirmé, neuf ans plus tard, par le rapport Chambert-Soufi de 2008 : « l'analyse de l'offre de concerts de musique classique dans les salles de référence met en relief un niveau très nettement supérieur à Londres et Berlin qu'à Paris. Ainsi, la moyenne de concerts pour Londres et Berlin se situe à 800 contre 400 seulement pour Paris ».
Au-delà de ces indications quantitatives, votre rapporteur spécial a interrogé les représentants de la Philharmonie de Paris sur le statut et l'image de Paris , en comparaison des autres grandes capitales symphoniques du monde. Ces derniers indiquent qu'un « mouvement vers le haut est en train de s'opérer. Notamment, si la formule de "capitale symphonique" prend en compte comme critère prioritaire le nombre d'orchestres internationaux de premier rang invités, la réponse est positive ».
Les principaux atouts de Paris seraient une bonne répartition des formations invitées entre Pleyel et, de manière moins prononcée, le Théâtre des Champs-Elysées, l'attractivité de Paris auprès des grands orchestres internationaux du fait de sa renommée, du mouvement de mondialisation au sein de la musique classique qui favorise les villes prestigieuses et de la perspective de la Philharmonie qui « motive les artistes » , ainsi qu'un bassin de public important et sensible aux offres nouvelles, comme semble en attester le succès de la réouverture de Pleyel.
Pour autant, Paris souffrirait encore, en particulier, d'un marché des agents d'artistes insuffisamment développé et concentré en comparaison avec ce qui existe en Allemagne, en Angleterre et aux Etats-Unis, et de l'absence de lieux de référence dévolus à la musique symphonique.