3. La répartition des compétences et les difficultés d'installation de l'OFII
En pratique, l'OFII reprend à l'identique les missions de l'ANAEM, avec quatre modifications majeures :
- une compétence générale en matière d'accueil et d'intégration des étrangers durant les cinq premières années de leur séjour en France ; ainsi, l'OFII prend également en charge la formation linguistique des étrangers non primo-arrivants (hors CAI), autrefois assurée par l'ACSÉ ;
- l'abandon de la compétence en matière d'expatriation , c'est-à-dire de l'emploi des Français à l'étranger ; cette compétence est reprise par Pôle Emploi ;
- la prise en charge, à partir du 1 er janvier 2010, du premier accueil des demandeurs d'asile ;
- la validation, à partir du 1 er juin 2010, des visas de long séjour valant titres de séjour .
Trois principales difficultés ont été identifiées lors de la création de l'OFII ou suite à cette dernière.
La première a concerné la détermination des missions et, partant, des services référents de l'ACSÉ devant faire l'objet du transfert . Une approche par publics avait été initialement retenue, puisqu'il s'agissait de regrouper au sein de l'OFII les actions d'intégration pour les immigrés installés sur le territoire depuis moins de cinq ans. Cependant, cette ligne de partage s'est révélée, en pratique, difficile à établir, d'autant plus que les partenaires associatifs n'opèrent pas une telle distinction au sein des populations immigrées. En définitive, la répartition des crédits budgétaires, entre les programmes 104 « Immigration et accès à la nationalité française », auquel correspond l'OFII, et 147 « Equité sociale et territoriale et soutien », auquel correspond l'ACSÉ, s'est ainsi opérée par domaines d'intervention .
Cette répartition par blocs de compétence entre les missions de l'OFII et celles restant dévolues à l'ACSÉ ne semble pas optimale et manque de lisibilité. Ainsi, dans un rapport de 2010 sur « Les femmes dans les dispositifs d'accueil et d'intégration des immigrés », la Cour des comptes a-t-elle estimé que « la logique de la réforme n'a pas été poussée à son terme : fondée en principe sur une approche par publics, la reconfiguration des missions du ministère chargé de l'immigration et de l'intégration et de l'ACSÉ a été effectuée en pratique par domaines d'intervention », ce qui en limite la cohérence du point de vue du public.
Une répartition des compétences par thèmes d'action peu lisible
Domaines d'intervention du ministère chargé de l'immigration et de l'OFII |
Domaines d'intervention de l'ACSÉ |
Apprentissage de la langue française |
Accès aux droits et aux services publics |
Accès à la citoyenneté et partage des valeurs de la République |
Actions de prévention et de lutte contre les discriminations, de promotion de l'égalité et de la diversité |
Accès à l'emploi et soutien à la création d'activités |
Accès à la santé et aux soins |
Accès au logement de droit commun |
Actions culturelles |
Amélioration des conditions de vie et de logement au sein des foyers de travailleurs migrants |
Source : Cour des comptes, rapport 2010 sur « les femmes dans les dispositifs d'accueil et d'intégration des immigrés »
La deuxième difficulté, qui se serait manifestée sans la fusion mais s'est trouvée exacerbée par cette dernière, est la contrainte du respect du plafond d'emploi en réduction constante . Il s'agit, selon l'objectif fixé par la programmation triennale et en lois de finances successives, de passer de 890 ETPT en 2009 (année du transfert de l'ACSÉ) à 835 ETPT à la fin de l'année 2011, tout en intégrant les 60 agents (31 seulement, en définitive) issus de l'ACSÉ. Cet objectif législatif est, notamment, rappelé par le Ministre de l'Immigration dans sa lettre de mission au Directeur général de l'ANAEM, le 10 novembre 2008.
Enfin, le Haut Conseil à l'intégration a relevé un dernier problème lié au rapprochement entre les services de l'ACSÉ et de l'ANAEM. Selon le Haut conseil, la création de l'OFII aurait justifié un désinvestissement de l'ACSÉ des politiques d'intégration , qui sont pourtant l'un des aspects essentiels de la politique de la ville. On peut en effet regretter que les dispositifs de droit commun, au premier rang desquels ceux relatifs à la politique de la ville ou à la culture, ne s'impliquent pas davantage dans les politiques d'immigration et d'intégration. La compétence de l'OFII ne couvre effectivement que les étrangers dans les cinq premières années de leur arrivée en France, ce qui exclut un nombre important d'étrangers parfois installés de longue date sur le territoire et ayant un réel besoin de formation, notamment linguistique. Le Haut Conseil à l'intégration chiffre ainsi à 400 000 le nombre de femmes qui pourraient bénéficier de cours de français hors du champ de l'office.
Le CAI et les actions d'intégration financées par l'OFII ne sauraient suffire : ils constituent un sas d'entrée qui doit être prolongé par des actions de plus long terme , notamment au vu des objectifs très limités qu'ils se fixent, en particulier en termes de niveau de langue (voir infra ).