2. Lever les freins à la constitution de groupes coopératifs

Les SCOP peuvent constituer des groupes de sociétés en prenant des participations majoritaires dans des filiales dotées d'un statut de sociétés « classiques ». Cela leur permet de s'engager dans les opérations de croissance externe qu'elles jugent utiles à leur développement. Cependant les groupes qui se constituent de cette manière ne sont pas à proprement parler des groupes coopératifs. Les règles de gouvernance et de partage des bénéfices caractéristiques de la coopération ne s'exercent en effet que dans la coopérative « mère ». Cette dernière se trouve en fait, par rapport à ses filiales dans une relation exclusivement patrimoniale.

Sans remettre en question la possibilité pour les SCOP qui le souhaitent de croître dans cette logique typiquement capitaliste, on doit cependant s'interroger sur les moyens de favoriser la création ou le renforcement de liens d'une autre nature entre les SCOP, des liens qui reposeraient sur la coopération. La coopération, qui est un principe organisant les relations à l'intérieur de chaque société coopérative, n'est en effet pas vouée à y rester « enfermée » : elle peut aussi devenir un principe d'organisation des relations économiques entre coopératives.

a) Concilier prééminence de la personne et renforcement des liens capitalistiques à travers des filiales coopératives

Si les SCOP peuvent prendre des participations dans des sociétés coopératives, en particulier dans d'autres SCOP, les règles statutaires et fiscales propres aux sociétés coopératives font cependant obstacle à une prise de contrôle majoritaire. Comme cela a été rappelé précédemment, la loi institue un double verrou :

- un verrou au niveau de la détention des droits de vote par les associés non coopérateurs, puisque ces derniers ne peuvent posséder plus de 35 % des droits de vote (ou 49 % si au nombre de ces associés figurent des sociétés coopératives) ;

- un verrou (fiscal) au niveau de la détention du capital, puisqu'une SCOP dont plus de la moitié du capital est détenu par un associé extérieur perd son régime fiscal spécifique.

Ces règles strictes encadrant les relations patrimoniales susceptibles de se nouer entre SCOP sont nécessaires au respect des principes fondamentaux de la coopération, rappelés au début de ce rapport. Dès lors qu'on autoriserait systématiquement la constitution de liens capitalistiques majoritaires entre coopératives, on remettrait en effet en question la prééminence de la personne sur le capital.

On peut observer toutefois que, ponctuellement , le strict respect de ces règles peut faire obstacle au développement des synergies entre SCOP et brider leur développement. Deux SCOP, sans vouloir renoncer définitivement à leur auto-gestion coopérative, peuvent en effet avoir intérêt à renforcer momentanément leurs liens capitalistiques pour réaliser certains projets. C'est pourquoi, sans bafouer les principes intangibles de la coopération, on doit réfléchir à la possibilité d'instaurer des dérogations, limitées dans le temps et dans leur objet, aux règles qui plafonnent la part du capital et des droits de vote que peut détenir une SCOP dans une autre .

Ce faisant, on ne ferait que poursuivre dans une voie d'ores et déjà explorée par le législateur. En effet, les articles 25 et 26 bis de la loi de 1978 disposent que, pendant un délai de dix ans, une SCOP peut continuer à bénéficier du régime fiscal propre aux SCOP même si son capital est détenu à plus de 50 % par une autre SCOP. Cette dérogation momentanée à la règle qui limite le poids des associés extérieurs dans le capital d'une SCOP permet ainsi à une SCOP de bénéficier d'un apport momentané de capital exogène. C'est une souplesse qui peut être utile, dans le cadre d'une opération de reprise par exemple, lorsqu'on sait les difficultés que rencontrent parfois des coopératives à se financer.

On pourrait envisager d'assouplir un peu plus ce régime dérogatoire en autorisant momentanément la SCOP participante à bénéficier de droits de vote proportionnels à sa détention de capital . Elle serait alors majoritaire dans le capital et dans les droits de vote. Dans la rédaction actuelle de la loi de 1978 en effet, une SCOP peut détenir pendant dix ans la majorité du capital d'une autre SCOP mais pas la majorité des droits de vote . Une modification de l'article 25 de la loi de 1978 serait donc nécessaire pour autoriser les statuts d'une SCOP à écarter momentanément le plafond de 49 % fixé par l'article 3 bis de la loi de 1947 16 ( * ) .

Un tel renforcement des liens entre SCOP devrait également s'accompagner d'une modification du statut des associés extérieurs lorsque cet associé est une SCOP participante. En effet, dans le cadre de l'article 29 de la loi de 1978, le statut d'associé extérieur est précaire, puisqu'il permet à tout moment à l'assemblée générale une exclusion par simple décision, non motivée et prise à la majorité simple, de remboursement de capital. Or, il serait absurde de prévoir, dans le cadre d'une dérogation momentanée, un renforcement du poids de la SCOP participante tout en maintenant son statut d'associé précaire. D'où la nécessité d'écarter le droit d'exclusion du capital de la SCOP participante pendant la période, au plus de dix ans, où elle est majoritaire.


* 16 On s'orienterait alors vers une rédaction de l'article 25 de ce type : « Une société coopérative ouvrière de production peut participer au capital d'une autre société coopérative ouvrière de production. Dans ce cas, les statuts de la société dans laquelle est prise la participation peuvent prévoir que la société participante dispose dans ses assemblées générales d'un nombre de voix proportionnel au capital détenu sans que la limite visée à l'article 3 bis de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération s'applique ».

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