b) Créer un droit d'information et un droit de préférence pour les salariés
Les reprises d'entreprises par les salariés sont parfois empêchées par le caractère parcellaire et tardif de l'information qui leur est délivrée concernant l'avenir de leur société :
- l'information est parcellaire car elle n'est obligatoire que dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Le droit d'information des salariés découle en effet des dispositions du code du travail relatives au comité d'entreprise (Titre II du Livre III). L'information sur les modifications dans l'organisation économique ou juridique de l'entreprise est plus spécifiquement visée à l'article L. 2323-19 de ce code. Aux termes de cet article, le comité d'entreprise est « informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ainsi que lors de l'acquisition ou de la cession de filiales au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce. (...) Il [l'employeur] consulte également le comité d'entreprise lorsqu'il prend une participation dans une société et l'informe d'une prise de participation dont son entreprise est l'objet lorsqu'il en a connaissance » ;
- l'information est tardive car elle est bien souvent délivrée par l'employeur lorsque la définition de son projet de cession se trouve à un stade proche de sa conclusion ou qu'il se trouve dans une impasse.
Ce défaut d'information est non seulement regrettable du point de vue des salariés, mais aussi du point de vue des entreprises et de leurs propriétaires car il est vraisemblable que des opportunités de transmissions rapides et économiquement pérennes sont gâchées du fait du manque de communication entre salariés et dirigeants. Selon des chiffres transmis par la fédération de SCOP, les propriétaires d'une entreprise envisagent en priorité une transmission familiale, puis une transmission à un concurrent, voire à un tiers ; ils ne pensent à la solution d'une transmission aux salariés que dans 11 % des cas. Pourtant, in fine , ce sont 32 % des transmissions qui se font à leur profit. Il existe donc un décalage entre les réalités économiques et sociologiques de la transmission d'entreprise et les représentations que s'en font les acteurs concernés.
Votre rapporteur estime donc qu'il serait utile d'instaurer l'obligation, pour le dirigeant et/ou l'associé majoritaire d'une société, d'informer de manière précoce ses salariés de son intention de céder son entreprise . Ce droit, précisons-le, serait un droit d'information qui n'engagerait pas les cédants du point de vue de la conclusion de leur projet. Une telle information serait cependant importante pour les salariés, car elle leur donnerait le temps d'envisager de se porter repreneurs et de définir une proposition de reprise pertinente.
Au-delà de ce droit d'information, votre rapporteur considère qu'il est souhaitable d'aller jusqu'à instituer un droit de préférence au profit des salariés , à savoir que la loi devrait imposer que tout projet de cession soit notifié aux salariés et que ces derniers, à réception de la notification, disposent d'un certain délai pour faire part de leur intention de se porter repreneurs et présenter une offre de reprise. Le non-respect de ce droit de préférence entraînerait la nullité de la cession intervenue avec un tiers en violation du droit des salariés.