C. LA CONFÉRENCE DE BRIGHTON (18-20 AVRIL 2012) : « BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN » ?

Si la virulence des attaques contre la Cour qui ont émaillé une certaine partie de la presse britannique et les remises en cause dont elle a fait l'objet de la part du Premier ministre David Cameron au début de l'année 2012 ont suscité, à juste titre, l'inquiétude des observateurs attachés à l'existence de la Cour européenne des droits de l'homme, la conférence qui s'est tenue à Brighton les 18, 19 et 20 avril derniers à l'initiative de la présidence britannique du comité des ministres du Conseil de l'Europe n'a constitué en définitive qu'une nouvelle étape dans la réflexion commune entamée depuis plusieurs années pour remédier aux difficultés rencontrées par la Cour. A cet égard, les propositions britanniques les plus débattues n'ont pas rencontré l'approbation d'une majorité d'États membres qui ont réaffirmé leur attachement aux principes fondamentaux de la défense des droits en Europe.

1. Les propositions britanniques

Le Gouvernement britannique a présenté, le 23 février 2012, un projet de déclaration destiné à servir de base de discussion à Brighton.

Ce dernier, tout en réaffirmant le caractère central du droit au recours individuel devant la Cour, suggérait un certain nombre de pistes d'évolution dont trois ont plus particulièrement retenu l'attention :

* le projet de déclaration proposait de renforcer le principe de subsidiarité qui fonde depuis l'origine le système européen des droits de l'homme en reconnaissant à chaque État membre « une marge d'appréciation considérable en matière d'application et de mise en oeuvre de la Convention . [...] Cette marge d'appréciation implique, entre autres, qu'il incombe aux parlements nationaux élus démocratiquement de décider comment transposer la Convention dans la législation, et à des juridictions et instances nationales indépendantes et impartiales d'appliquer la Convention dans des décisions motivées. Le rôle de la Cour est de contrôler les décisions prises par les autorités nationales pour s'assurer qu'elles restent dans les limites de cette marge d'appréciation ». Il proposait en conséquence d'inscrire expressément dans le texte de la Convention les principes de subsidiarité et de marge d'appréciation ;

* concomitamment, le projet de déclaration proposait diverses mesures destinées à renforcer l'application de la Convention par les autorités nationales (information systématique des parlements nationaux de la compatibilité des projets de loi avec la Convention notamment). Il proposait également d'encourager le dialogue entre la Cour et les autorités nationales, et de permettre aux plus hautes juridictions nationales « de soumettre un point d'interprétation de la Convention à la Cour pour avis consultatif dans le cadre d'une affaire donnée » ;

* enfin, le projet proposait qu'une requête soit désormais déclarée irrecevable « si elle est en substance identique à une question qui a été examinée par une juridiction nationale en tenant compte des droits garantis par la Convention, à moins que la Cour n'estime que : i) la juridiction nationale a manifestement commis une erreur dans son interprétation ou son application des droits reconnus par la Convention, ou ii) la requête soulève une question grave relative à l'interprétation ou à l'application de la Convention ». Le document proposait par ailleurs de ramener de six mois à deux, trois ou quatre mois le délai dans lequel une requête doit être introduite devant la Cour. La Cour aurait enfin été invitée à s'assurer que les droits garantis par la Convention invoqués dans une requête ont bien été invoqués formellement dans la procédure interne.

Le projet de déclaration évoquait également les pistes suivantes :

- élargissement du nouveau critère de recevabilité sur « l'absence de préjudice important » ;

- réflexion sur l'introduction d'une sorte d' « action de groupe » qui permettrait « à la Cour d'examiner des requêtes représentatives portant sur les violations alléguées susceptibles de toucher un grand nombre de requérants potentiels » ;

- modification du Règlement de la Cour afin « d'imposer à une chambre de prendre une décision de dessaisissement si elle considère qu'il y a lieu de s'écarter d'une jurisprudence établie » ;

- réflexion sur l'opportunité de l'introduction de nouvelles mesures ou de nouvelles sanctions pour faire pression sur les États qui ne donnent pas suite aux arrêts de la Cour dans un délai approprié. En particulier, une sanction financière aurait pu être envisagée « si le défaut d'exécution d'un arrêt entraîne un afflux de requêtes similaires devant la Cour » ;

- amélioration du recrutement des juges et modification de la limite d'âge .

A plus long terme, le projet de déclaration appelait à la constitution d'une « commission chargée de réfléchir à l'avenir de la Convention et de la Cour ». Celle-ci aurait notamment été invitée à étudier la possibilité pour la Cour de sélectionner discrétionnairement les requêtes à examiner , sur le modèle de la Cour suprême des États-Unis. Était également évoquée l'idée de « limiter le pouvoir de la Cour d'octroyer une satisfaction équitable aux requérants » (§42).

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