E. EXCLURE DU BÉNÉFICE DU CIR LES DÉPENSES DE R&D CONCERNANT LES INTERVENTIONS SUR LES MARCHÉS FINANCIERS
Le programme de François Hollande prévoit la « remise en cause d'avantages fiscaux excessifs », pour un montant global de 1,2 milliard d'euros, concernant notamment l'« utilisation du CIR en matière financière » 132 ( * ) . Par ailleurs, François Hollande a annoncé, le 5 mars 2012, une réforme du CIR consistant à le recentrer « sur les entreprises qui en font le meilleur usage ».
L'enjeu est essentiellement symbolique, le CIR perçu par les banques et les assurances étant de moins d'une centaine de millions d'euros (soit moins de 2 % du CIR).
Certes, en 2009, notre collègue député Gilles Carrez, alors rapporteur général, a publié un rapport d'information 133 ( * ) comprenant un tableau transmis par le Gouvernement, selon lequel le CIR aurait bénéficié en 2007 pour 18,6 % aux banques et aux assurances. Toutefois, comme on l'a indiqué, ce taux correspondait en réalité en quasi-totalité aux holdings industriels 134 ( * ) .
En particulier, le CIR ne concerne que les dépenses de R&D. Si cela inclut, notamment, les mathématiques innovantes sous-jacentes à certains logiciels, la conception de logiciels, ne constituant pas nécessairement de la R&D, n'est pas en tant que telle éligible au CIR. De même, comme le souligne l'économiste Bruno van Pottelsberghe, « les efforts d'innovation requis pour introduire de nouveaux produits financiers ne sont pas inclus dans les statistiques de R&D » (ce qui explique le faible niveau des dépenses de R&D du Luxembourg) 135 ( * ) .
L'exclusion du bénéfice du CIR des dépenses de R&D concernant les interventions sur les marchés financiers - par exemple le « trading haute fréquence » - pourrait être justifiée par un triple argument :
- l'impact du CIR sur les dépenses de R&D est dans ce cas probablement modeste, le coût de la recherche étant peu significatif par rapport aux gains attendus ;
- l'impact de la R&D en matière financière sur le PIB est incertain (il dépend en particulier du caractère plus ou moins déstabilisateur pour les marchés des technologies concernées), et ne peut en tout état de cause être évalué sur la base des études économétriques disponibles (qui concernent l'industrie) ;
- d'un point de vue plus « politique », dans le contexte économique actuel l'éligibilité au CIR des dépenses concernées est difficile à faire admettre à l'opinion, ce qui nuit à la légitimité du CIR.
Le ministère du budget s'interroge sur le caractère opérationnel d'un tel dispositif. En effet, comme il l'indique au rapporteur spécial, il « serait en pratique difficile à appliquer puisque l'expertise nécessaire pour discerner au sein de la R&D celle qui aboutirait à de telles applications n'est pas facilement disponible. Les seuls experts capables d'une telle analyse sont souvent en relations d'affaires avec des entreprises du secteur financier, ce qui poserait la question des conflits d'intérêt ».
Cet argument est toutefois à « double tranchant ». Si les experts ne sont pas en mesure de déterminer si des travaux de R&D ont ou non pour objet d'intervenir sur les marchés financiers, ils ne sont probablement pas non plus en mesure de distinguer la R&D de la simple innovation. Si le problème fondamental est que le CIR est impossible à contrôler dans le cas des banques et assurances, le plus simple serait peut-être d'exclure ces branches de son bénéfice.
* 132 Les autres avantages fiscaux figurant sous cette rubrique concernent la prime de partage des profits et le mécénat (source : document interne au parti socialiste rédigé pendant la campagne présidentielle et partiellement publié par la presse).
* 133 Rapport d'information n° 1794 (XIIIe législature), Assemblée nationale, 2 juillet 2009.
* 134 Cf. en particulier le rapport du MESR au Parlement d'avril 2011, page 17.
* 135 Bruno van Pottelsberghe, « Europe's R&D : Missing the Wrong Targets ? », Intereconomics, juillet-août 2008) (traduction par la commission des finances).