DEUXIÈME PARTIE QUELLE POLITIQUE DE FINANCES PUBLIQUES EN 2012, 2013 ET AU-DELÀ ?
I. LES PRINCIPES D'UNE POLITIQUE DES FINANCES PUBLIQUES RESPONSABLE
A. LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE LA FRANCE
1. Respecter les engagements de la France
a) Le fond du problème : une crise de confiance entre les principaux acteurs de la zone euro
Indépendamment du jugement que l'on peut porter sur une éventuelle « frilosité » de l'Allemagne ou de la BCE, force est de constater que certains Etats n'ont pas démontré leur volonté de réduire leur déficit s'ils n'y sont pas contraints par les marchés.
• En août 2011, le gouvernement de Silvio Berlusconi est revenu sur son engagement à mettre en oeuvre certaines mesures en « échange » de l'extension du SMP.
• Plus récemment, l'Espagne a annoncé que son déficit public a été stable en 2011, à environ 9 points de PIB, alors que jusqu'à la fin de 2011 son gouvernement affirmait que l'objectif de 6 points de PIB serait atteint.
Si le respect de l'objectif fixé pour 2011 aurait vraisemblablement entraîné une récession, le « dérapage » du déficit provient en quasi-totalité non de la moindre croissance, mais du fait que l'Espagne n'a pas fait les efforts demandés, en laissant notamment les finances de ses communautés autonomes déraper.
Le 12 mars 2012 l'Eurogroupe a fixé la trajectoire de solde à 5,3 points de PIB en 2012 et 3 points de PIB en 2013. Le 10 juillet 2012, le Conseil a reporté l'objectif du retour à un équilibre inférieur à 3 points de PIB à 2014.
La trajectoire de solde public de l'Espagne : prévision et exécution
(en points de PIB)
Source : Commission européenne, documents indiqués
• Enfin, les élections législatives en Grèce des 6 mai et 17 juin 2012 ont montré les difficultés politiques de ce pays à mettre en oeuvre les réformes prévues par un programme d'ajustement dont la rationalité économique est d'ailleurs discutable.
b) Le respect par la France de ses engagements, une nécessité pour renforcer la confiance et sortir de la crise
Dans ces conditions, il ne serait pas imaginable que la France ne respecte pas ses engagements.
On peut certes discuter, d'un point de vue économique, de la nécessité de ramener le déficit à 3 points de PIB en 2013, plutôt, par exemple, qu'en 2014 ou qu'en 2015. Il ne serait par ailleurs pas absurde que les Etats de la zone euro s'entendent pour raisonner en termes de solde structurel plutôt que de solde effectif.
Il n'en demeure pas moins que le seuil de 3 points de PIB est inscrit dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et que la France s'est engagée à respecter l'échéance de 2013. Ne pas le faire susciterait une crise de confiance majeure vis-à-vis de l'Allemagne, empêchant toute avancée institutionnelle, sans laquelle aucune sortie de crise n'est possible. L'ensemble de la zone euro serait immédiatement sanctionnée par les marchés, peut-être de manière irrémédiable.
2. Les implications pour la France des nouvelles règles budgétaires européennes
a) Les nouveaux textes
Divers textes, déjà adoptés, ou en cours de discussion, modifient considérablement la gouvernance des finances publiques de la zone euro, et par conséquent le cadre de la politique de finances publiques de la France.
Pour une présentation détaillée de ces différents textes, le lecteur est invité à se reporter au rapport de notre ancienne collègue Nicole Bricq, alors rapporteure générale, sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2012 29 ( * ) .
(1) Le « Six pack »
En novembre 2011 ont été adoptés six textes de droit communautaire dérivé, communément appelés « paquet gouvernance » (ou « Six pack »), dont trois réforment le pacte de stabilité.
Le pacte de stabilité : quelques rappels Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) prévoit notamment, dans le protocole n° 12 au traité sur l'Union européenne (TUE) relatif aux déficits excessifs, que les Etats de l'Union européenne ne doivent pas avoir de déficit public supérieur à 3 points de PIB et une dette publique supérieure à 60 points de PIB. Il comprend deux volets : - un volet dit « préventif » ; - un volet dit « correctif ». Le volet préventif a pour base juridique l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif à la coordination des politiques économiques, et le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 30 ( * ) . Ce règlement concerne l'ensemble des Etats, que leur déficit soit ou non supérieur à 3 points de PIB. Dans sa rédaction initiale, il prévoyait essentiellement que les Etats, qui devaient poursuivre un « objectif budgétaire à moyen terme » conforme aux « grandes orientations économiques » définies par le Conseil, transmettaient chaque année à la Commission européenne un programme de stabilité (un programme de convergence pour ceux n'appartenant pas à la zone euro). Il ne prévoyait aucune sanction. Le volet correctif a pour base juridique l'article 126 du TFUE, relatif aux déficits excessifs, et le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 31 ( * ) . Il prévoit, pour les Etats ayant un déficit public supérieur au seuil de 3 points de PIB, diverses procédures pouvant, le cas échéant, déboucher sur des sanctions. Dans la rédaction initiale de ce règlement, le seuil de dette de 60 points de PIB n'était pas pris en compte pour l'imposition éventuelle de sanctions. |
Les six textes du « Six pack » sont présentés par l'encadré ci-après.
Le paquet gouvernance (« Six pack ») Réforme du pacte de stabilité Règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en oeuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro Règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques Règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs Autres sujets Règlement (UE) n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro Règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques Directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres |
Le « Six pack » prévoit notamment une règle, communément appelée « règle d'or » - bien qu'il ne s'agisse pas de la « règle d'or » au sens où on l'entendait jusqu'alors dans le domaine des finances publiques 32 ( * ) -, selon laquelle, schématiquement, les Etats ayant ramené leur déficit public sous le seuil des 3 points de PIB doivent réduire leur déficit structurel d'au moins 0,5 point de PIB par an tant qu'ils n'ont pas atteint leur objectif de solde structurel à moyen terme (OMT) 33 ( * ) .
L'une des principales autres novations du « Six pack » est, dans le cas des seuls Etats de la zone euro, la mise en place de nouvelles sanctions , qui seraient imposées dans le cadre d'une nouvelle procédure, dite de « majorité qualifiée inversée ».
Le principe de la majorité qualifiée inversée est que la proposition de sanction proposée par la Commission est adoptée, sauf si le Conseil décide du contraire à la majorité qualifiée. Les Etats disposent toutefois en pratique de diverses possibilités de blocage (en particulier, le vote à la majorité qualifiée inversée s'applique seulement si le Conseil le décide préalablement à la majorité qualifiée « ordinaire »).
Le tableau ci-après synthétise les différentes étapes du processus de sanction.
Les sanctions prévues par le « Six
pack » de novembre 2011, dans le cas
des seuls Etats de la zone
euro (règlement (UE) n° 1173/2011)
Déclenchement de la sanction |
Sanction |
Adoption |
Volet préventif |
||
Décision du Conseil établissant l'absence d'action en réponse à une recommandation du Conseil sur la base de l'article 121(4) du TFUE 34 ( * ) |
Dépôt portant intérêt (en principe 0,2 % du PIB) |
Vote à la majorité qualifiée inversée |
Volet correctif |
||
Décision du Conseil sur la base de l'article 126(6) du TFUE (existence d'un déficit excessif) 35 ( * ) , seulement si les Etats membres ont déjà versé un dépôt portant intérêt (en cas de non-conformité avec les dispositions du volet préventif) ou en cas de violation particulièrement grave des règles |
Dépôt ne portant pas intérêt (en principe 0,2 % du PIB) |
Vote à la majorité qualifiée inversée |
Décision du Conseil sur la base de l'article 126(8) 36 ( * ) du TFUE (absence d'action suivie d'effet en réponse à la recommandation de corriger le déficit excessif sur la base de l'article 126(7) 37 ( * ) ) |
Amende (en principe 0,2 % du PIB) |
|
Décision du Conseil sur la base de l'article 126(11) 38 ( * ) du TFUE (absence d'action effective en réponse à la mise en demeure de corriger le déficit excessif sur la base de l'article 126(9) 39 ( * ) ) |
Amende (0,2 % du PIB+composante variable) |
Vote à la majorité qualifiée « ordinaire » |
Source : d'après les textes indiqués
Les Etats en situation de déficit excessif sont donc désormais sous forte contrainte. En effet, si le Conseil décide (à la majorité qualifiée « ordinaire ») qu'ils n'ont pas adopté d'« action suivie d'effet » pour se conformer à ses recommandations, ils se voient en principe imposer une amende de 0,2 point de PIB à la majorité qualifiée inversée.
(2) Le TSCG, signé mais pas ratifié
A ces six textes s'ajoute le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en Europe (« TSCG »), signé au début du mois de mars 2012.
Ce traité prévoit notamment que les Etats doivent se doter de normes de droit interne, de préférence constitutionnelles, transposant la « règle d'or » prévue par le « Six pack ».
Ce traité n'a pas encore été ratifié par la France.
(3) Le « Two pack », en cours de discussion
En outre, deux projets de règlement (le « Two pack ») sont actuellement en cours de discussion.
L'un des deux textes prévoyait initialement une disposition analogue à celle précitée du TSCG, qui a été supprimée, pour éviter un « doublon ».
Ce texte prévoit également :
- la publication au plus tard le 15 avril, en même temps que le programme de stabilité, d'un « plan budgétaire à moyen terme » 40 ( * ) ;
- un calendrier budgétaire commun, avec la publication au plus tard le 15 octobre des « projets de lois budgétaires relatives aux administrations publiques » (c'est-à-dire des PLF et des PLFSS) et d'un « projet de plan budgétaire pour l'année suivante », au sujet duquel la Commission européenne « adopte, si nécessaire, un avis (...) le 30 novembre au plus tard », cet avis étant ensuite examiné par l'Eurogroupe ;
- l'obligation de construire les PLF et PLFSS en fonction de « prévisions macroéconomiques indépendantes » ;
- l'institution d'un « conseil budgétaire indépendant », chargé d'évaluer la mise en oeuvre des règles.
b) 2013 : ramener le déficit sous le seuil des 3 points de PIB en 2013 (volet « correctif » du pacte de stabilité)
Dans un premier temps, dans le cadre du volet « correctif » du pacte de stabilité, la France doit ramener son déficit sous le seuil de 3 points de PIB au plus tard en 2013.
Comme on l'a vu, depuis décembre 2011, les Etats en déficit excessif peuvent se voir imposer (à la majorité qualifiée inversée) une amende de 0,2 point de PIB, si le Conseil décide (à la majorité qualifiée ordinaire) qu'ils n'ont pas pris « d'action suivie d'effet » pour mettre fin à leur déficit excessif dans le délai prévu.
La Commission européenne peut à tout moment recommander au Conseil de prendre une telle décision.
c) Les années ultérieures : respecter les nouvelles exigences du droit communautaire
(1) Selon le volet « préventif » du pacte de stabilité : atteindre un objectif à moyen terme proche de l'équilibre en réduisant le déficit structurel d'au moins 0,5 point de PIB par an
• Dans un second temps, dans le cadre du volet « préventif » du pacte de stabilité (qui comprend depuis décembre 2011 la possibilité de sanctions), la France devra poursuivre un objectif à moyen terme (OMT) , défini en termes de solde structurel , et qui devra être compris entre - 1 point de PIB et un excédent .
Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'UEM (dit « TSCG »), signé au début du mois de mars 2012, prévoit quant à lui que cet objectif doit être compris entre - 0,5 point de PIB et l'excédent .
Concrètement, les OMT sont fixés par les Etats dans leurs programmes de stabilité. Ainsi, le programme de stabilité d'avril 2012 indique que « l'objectif de moyen terme (OMT) au sens des engagements européens de la France est de revenir à l'équilibre structurel des comptes publics ».
Les Etats doivent se rapprocher de cet objectif d'au moins 0,5 point de PIB par an ( plus de 0,5 point de PIB si leur dette est supérieure à 60 points de PIB).
C'est cette règle que le TSCG oblige à transposer à un niveau supra-législatif.
• Cette règle s'accompagne d'exigences identiques, pour le même montant en points de PIB, dans le cas de l'effort structurel .
On rappelle que l'effort structurel correspond à la part de l'évolution du déficit découlant de l'action discrétionnaire du Gouvernement. Il s'agit, schématiquement, de la somme de l'évolution du ratio dépenses/PIB potentiel et des mesures nouvelles sur les recettes 41 ( * ) . La différence par rapport à l'évolution du solde structurel est que ce dernier peut fluctuer spontanément du fait des variations de l'élasticité des recettes au PIB.
Le règlement 1466/97 n'utilise pas l'expression d'effort structurel , mais exige que « l'augmentation annuelle des dépenses ne dépasse pas un taux inférieur à un taux de référence pour la croissance potentielle du PIB à moyen terme », ce dernier taux correspondant à l'évaluation de la croissance potentielle par la Commission européenne , « sauf si ce dépassement est compensé par des mesures discrétionnaires en matière de recettes ». Toutefois cela correspond à la définition de l'effort structurel 42 ( * ) . Dans son rapport préalable au présent débat d'orientation des finances publiques, le Gouvernement appelle cette règle la « règle de dépense nette des mesures nouvelles en recettes ».
• Il n'est toutefois pas précisé si les deux critères d'évolution du solde structurel et d'effort structurel sont ou non cumulatifs . Autrement dit, le critère d'effort structurel atténue-t-il la règle, ou la renforce-t-il ?
En particulier, il n'est pas indiqué si un Etat qui ne respecterait pas le critère d'évolution du solde structurel en raison d'une élasticité des recettes au PIB inférieure à 1 serait réputé respecter la règle, dès lors qu'il remplirait le critère d'effort structurel.
(2) Le critère de dette (volet « correctif » du pacte de stabilité) devrait être satisfait grâce à la réduction du déficit et à la croissance du PIB
Même quand elle aura ramené son déficit sous le seuil des 3 points de PIB, la France continuera d'être soumise au volet « correctif » du pacte, à cause de sa dette publique, supérieure à 60 points de PIB.
En effet :
- elle devra, en moyenne sur les trois dernières années pour lesquelles ce chiffre est disponible, réduire le ratio dette/PIB d'un vingtième de la part au-dessus de 60 points de PIB 43 ( * ) ;
- cette règle ne jouera pas tant qu'elle n'aura pas mis fin à son déficit excessif (ce qui devrait être le cas en 2013). Au cours des trois années suivantes (soit en principe jusqu'en 2016), le Conseil pourra fixer des objectifs moins contraignants 44 ( * ) , ce que le programme de stabilité d'avril 2012 interprète comme signifiant que pendant cette période de trois ans, « il reviendra à l'État concerné de montrer qu'il sera respecté dès sa première année d'entrée en vigueur effective » (soit en principe 2017).
Cette règle sera probablement respectée en « régime de croisière » . En effet, la dette publique devrait culminer à environ 90 points de PIB en 2013 et 2014. L'écart par rapport au seuil de 60 points de PIB ne devrait donc jamais dépasser 30 points de PIB, ce qui correspond à une diminution exigée de 1,5 point par an au maximum. Or, depuis 1990, l'année 2010 est la seule à avoir vu le PIB en valeur augmenter de moins de 2,5 % en moyenne les trois années précédentes. Il en découle que le solde public minimal nécessaire pour satisfaire la règle est de - 0,8 point de PIB avec une dette de 90 points de PIB, et - 1,5 point de PIB avec une dette de 60 points de PIB, comme le montre le tableau ci-après.
Le solde public minimal nécessaire pour satisfaire la règle de dette
(en points de PIB)
* Si l'on excepte les récessions de 1993 et 2009, depuis 1990 la croissance en valeur n'a jamais été inférieure à 2 %. Par ailleurs, depuis 1990, l'année 2010 est la seule à avoir vu le PIB en valeur augmenter de moins de 2,5 % en moyenne les trois années précédentes. La règle de dette s'appréciant en moyenne sur trois ans, c'est ce dernier taux qu'on retient ici.
Source : calculs de la commission des finances
Autrement dit, en « régime de croisière », c'est-à-dire avec un niveau de déficit proche de l'équilibre, la France devrait respecter la règle de dette .
Toutefois, comme on le verra ci-après, si la croissance du PIB est de 1,5 % à partir de 2014, et si le Gouvernement ne réalise pas d'effort supérieur à celui actuellement prévu, le ratio dette/PIB risque de ne pas diminuer aussi rapidement en 2014-2016 que l'exige le pacte de stabilité. Il existe donc un risque de constater en 2017 que la France n'aura pas rempli ses obligations 45 ( * ) .
Cependant l'article 2 du 1467/97, tel qu'il résulte du règlement 1177/2011 du 8 novembre 2011, précise que « l'exigence concernant le critère de la dette est également considérée comme remplie si les prévisions budgétaires établies par la Commission indiquent que la réduction requise de l'écart se produira au cours de la période de trois ans couvrant les deux années qui suivent la dernière année pour laquelle les données sont disponibles ». Autrement dit, il suffirait que l'on anticipe le respect de la règle sur la période 2016-2018, ce qui, compte tenu du niveau auquel aura alors été ramené le déficit, devrait être le cas .
3. Soutenir la croissance
Lors de la campagne pour la récente élection présidentielle, François Hollande a souligné que les déficits publics ne pourraient être réduits de manière satisfaisante sans politique de soutien de la croissance.
Cette nécessité a été reconnue le 25 avril 2012 par Mario Draghi, président du conseil des gouverneurs de la BCE, qui a déclaré, devant le Parlement européen, qu'il était en faveur d'un « pacte de croissance » (« growth compact ») 46 ( * ) .
Un plan en faveur de la croissance a été annoncé par le Conseil européen le 29 juin 2012. Ce plan comprend, outre des réformes structurelles qui feront sentir leur effet à long terme 47 ( * ) , un plan de 120 milliards d'euros (soit environ 1 point du PIB de l'Union européenne), destiné à soutenir la croissance à court terme.
Le plan de 120 milliards d'euros annoncé le 29 juin 2012 « Il est indispensable de stimuler le financement de l'économie. Un montant de 120 milliards d'euros (équivalant à environ 1 % du revenu national brut de l'UE) est mobilisé en faveur de mesures de croissance à effet rapide : - Le capital versé de la Banque européenne d'investissement (BEI) devrait être augmenté de 10 milliards d'euros, l'objectif étant de renforcer ses fonds propres et d'accroître d'un montant de 60 milliards d'euros sa capacité totale de prêt, ce qui permettra de libérer jusqu'à 180 milliards d'euros d'investissements supplémentaires, à répartir dans l'ensemble de l'Union européenne, y compris les pays les plus vulnérables. Le Conseil des gouverneurs de la BEI devrait prendre une décision dans ce sens de manière à ce qu'elle entre en vigueur au plus tard le 31 décembre 2012. - La phase pilote des obligations liées à des projets devrait être lancée immédiatement, de façon à générer des investissements supplémentaires pouvant aller jusqu'à 4,5 milliards d'euros en faveur de projets pilotes portant sur des infrastructures essentielles dans les domaines des transports, de l'énergie et du haut débit. À condition que le rapport intermédiaire et l'évaluation de la phase pilote soient positifs, le volume de ce type d'instruments financiers pourrait être accru dans tous les pays à l'avenir, en vue notamment de soutenir le mécanisme pour l'interconnexion en Europe. - Le cas échéant, et dans le respect des règles de dégagement, les États membres ont la possibilité, conformément aux dispositions et pratiques existantes, de collaborer avec la Commission afin d'utiliser une partie de leur dotation en fonds structurels pour partager le risque de prêt supporté par la BEI et fournir des garanties de prêt dans les domaines de la connaissance et des compétences, de l'utilisation efficace des ressources, des infrastructures stratégiques et de l'accès au financement pour les PME. Des moyens des fonds structurels ont été réaffectés en faveur de la recherche et de l'innovation, des PME et de l'emploi des jeunes, et 55 milliards d'euros supplémentaires seront consacrés à des mesures destinées à dynamiser la croissance au cours de la période actuelle. Il conviendrait de renforcer encore le soutien aux PME, notamment en veillant à ce qu'elles aient plus facilement accès aux fonds de l'UE. Les États membres ont également la possibilité d'envisager des réaffectations dans les limites de leurs enveloppes nationales, conformément aux règles existantes et en coopération avec la Commission. - L'action du Fonds européen d'investissement devrait être renforcée, notamment en ce qui concerne ses activités dans le domaine du capital-risque, en liaison avec les structures nationales existantes. » Source : conclusions du Conseil européen du 29 juin 2012 |
Certes, ce soutien à la croissance ne correspond pas à proprement parler à une politique de « relance » : alors que les Etats de la zone euro réduisent leur déficit public, une relance budgétaire est par définition impossible. Il s'agit simplement de faire réaliser davantage de prêts par la BEI et de ralentir légèrement la diminution du déficit public de l'Union européenne.
L'impact sur le PIB de 2012 devrait être peu significatif, en raison du délai nécessaire à la mise en oeuvre des mesures concernées.
Le calendrier pour les années suivantes n'est pas précisé, mais ces mesures pourraient s'étaler sur, par exemple, deux années. En supposant un multiplicateur budgétaire de 1 au niveau de l'Union européenne, cela correspondrait à une augmentation du PIB d'environ 0,5 point en 2013, puis 1 point en 2014, qui s'atténuerait ensuite progressivement.
Bien que modeste, l'impact de ces mesures serait donc significatif.
Par ailleurs, on peut supposer que cet impact sera proportionnellement plus important pour les Etats en difficulté, qui pourraient bénéficier de davantage de fonds structurels et de prêts de la BEI.
Tous ces points restent cependant à préciser.
Les « mesures de croissance à effet
rapide » annoncées le 29 juin 2012
(mesures faisant partie
du « Pacte pour la croissance et l'emploi »)
(en milliards d'euros)
Montant |
Entrée en vigueur |
|
Augmentation de la capacité de prêt de la BEI |
60* |
« Le Conseil des gouverneurs de la BEI devrait prendre une décision dans ce sens de manière à ce qu'elle entre en vigueur au plus tard le 31 décembre 2012 ». |
Phase pilote des obligations de projet (transports, énergie, haut débit) |
4,5 |
Lancement immédiat |
Fonds structurels |
55 |
« au cours de la période actuelle » |
Total |
120 |
* Pour une augmentation du capital de 10 milliards d'euros.
Source : d'après les conclusions du Conseil européen du 29 juin 2012
4. Préserver la relation privilégiée avec l'Allemagne
Il n'y aura pas de sortie de crise sans mesures à court terme et à long terme.
Certains commentateurs se sont plu à opposer à ce sujet la France et l'Allemagne, censées être favorables respectivement à des mesures exclusivement à court terme ou à long terme. Les reproches sont généralement adressés à l'Allemagne. Toutefois, un article du Wall Street Journal voyait le 24 juin 2012 dans la France « le principal obstacle à une solution à la crise de l'euro » 48 ( * ) , en raison de son refus supposé de toute union politique, voire de toute conditionnalité de l'aide.
De tels propos n'ont en réalité guère de sens, ne serait-ce que parce qu'aucun Etat n'a le moyen juridique d'imposer à l'Allemagne une solution dont elle ne voudrait pas. Plus fondamentalement, les intérêts de la France et de l'Allemagne sont les mêmes, et une rupture entre les deux Etats rendrait toute sortie de crise impossible. Il est par ailleurs bien évident qu'aucun Etat membre ne peut sérieusement envisager de laisser la zone euro s'effondrer, ou de mettre en place un « droit de tirage » des Etats mal gérés sur les Etats bien gérés.
La chancelière allemande et son ministre des finances ont ainsi explicitement souligné que les décisions du conseil européen du 29 juin 2012 étaient conformes aux principes de l'Allemagne.
* 29 Rapport n° 390, 21 février 2012.
* 30 Règlement relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.
* 31 Règlement visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.
* 32 Au sens strict, l'expression « règle d'or » désigne, dans le domaine des finances publiques, l'idée que le solde structurel courant devrait être équilibré.
* 33 Qui, dans le cas de la France, correspond à l'équilibre structurel, selon le programme de stabilité d'avril 2012.
* 34 « 4. Lorsqu'il est constaté, dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 3, que les politiques économiques d'un État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations visées au paragraphe 2 ou qu'elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire, la Commission peut adresser un avertissement à l'État membre concerné. Le Conseil, sur recommandation de la Commission, peut adresser les recommandations nécessaires à l'État membre concerné. Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider de rendre publiques ses recommandations. »
* 35 « 6. Le Conseil, sur proposition de la Commission, et compte tenu des observations éventuelles de l'État membre concerné, décide, après une évaluation globale, s'il y a ou non un déficit excessif. »
* 36 « 8. Lorsque le Conseil constate qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise en réponse à ses recommandations dans le délai prescrit, il peut rendre publiques ses recommandations. »
* 37 « 7. Lorsque le Conseil, conformément au paragraphe 6, décide qu'il y a un déficit excessif, il adopte, sans délai injustifié, sur recommandation de la Commission, les recommandations qu'il adresse à l'État membre concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné . Sous réserve des dispositions du paragraphe 8, ces recommandations ne sont pas rendues publiques. »
* 38 « 11. Aussi longtemps qu'un État membre ne se conforme pas à une décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut décider d'appliquer ou, le cas échéant, de renforcer une ou plusieurs des mesures suivantes : -- exiger de l'État membre concerné qu'il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d'émettre des obligations et des titres ; -- inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'État membre concerné ; -- exiger que l'État membre concerné fasse, auprès de l'Union, un dépôt ne portant pas intérêt, d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé ; -- imposer des amendes d'un montant approprié. Le président du Conseil informe le Parlement européen des décisions prises. »
* 39 « 9. Si un État membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre l'État membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation. En pareil cas, le Conseil peut demander à l'État membre concerné de présenter des rapports selon un calendrier précis, afin de pouvoir examiner les efforts d'ajustement consentis par cet État membre. »
* 40 La différence entre les plans budgétaires à moyen terme et les programmes de stabilité n'apparaît pas clairement à la lecture du texte.
* 41 L'article 5 du règlement 1466/97 précise que pour l'application de la règle, « les dépenses globales n'incluent pas les dépenses d'intérêt, les dépenses liées aux programmes de l'Union qui sont intégralement couvertes par des recettes provenant de fonds de l'Union et les modifications non discrétionnaires intervenant dans les dépenses liées aux indemnités de chômage ».
* 42 Le règlement 1466/7 précise en outre que « pour déterminer si des progrès suffisants ont été accomplis en vue de la réalisation de l'objectif budgétaire à moyen terme, une évaluation globale est effectuée en prenant pour référence le solde structurel et en y intégrant une analyse » d'effort structurel.
* 43 Plus précisément, un rapport dette/PIB de plus de 60 points de PIB « est considéré comme diminuant suffisamment et s'approchant de la valeur de référence à un rythme satisfaisant (...) si l'écart par rapport à la valeur de référence s'est réduit sur les trois années précédentes à un rythme moyen d'un vingtième par an, à titre de référence numérique fondée sur les changements survenus au cours des trois dernières années pour lesquelles les données sont disponibles » (nouvelle rédaction de l'article 2 du règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs).
* 44 « Pendant une période de trois ans à compter de la correction du déficit excessif, l'exigence relative au critère de la dette est considérée comme remplie si l'État membre concerné réalise des progrès suffisants vers la conformité, tels qu'évalués dans l'avis formulé par le Conseil sur son programme de stabilité ou de convergence » (nouvelle rédaction de l'article 2 du règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs).
* 45 Sur ce point, se référer au b du 4 du A du II ci-après.
* 46 Le 24 mai 2012, il a précisé lors d'une conférence qu'un tel pacte devrait selon lui reposer sur trois piliers : une vision claire de l'avenir de la zone euro à l'horizon d'une dizaine d'années ; des réformes des marchés des biens et services et du marché du travail ; des investissements publics, en particulier grâce à la Banque européenne d'investissement.
* 47 Qualité de la dépense publique, restructuration du secteur bancaire, ouverture de la concurrence dans le secteur des entreprises de réseau, lutte contre le chômage, modernisation de l'administration publiques, approfondissement du marché unique mise en place d'ici 2015 d'un « marché unique numérique fonctionnant correctement », réduction de la charge réglementaire au niveau de l'UE et au niveau national, achèvement complet du marché intérieur de l'énergie d'ici 2014, politique en faveur de la R&D...
* 48 Simon Nixon, « France Is Main Obstacle to a Euro Solution », Financial Times, 24 juin 2012.