Mme
Maboula Soumahoro, Maître de
conférences
Invitée-témoin sur l'initiative d'un Black
History Month en France
Mme Françoise Vergès . - Mme Maboula Soumahoro est maître de conférences au département d'anglais de l'université de Tours François-Rabelais et Associate Professor, Africana Studies au Bard College Prison Initiative . Elle a aussi pris l'initiative d'un Black History Month en France en février dernier.
Mme Maboula Soumahoro . - Au mois de février de cette année s'est tenu à Rennes et à Paris le premier Black History Month français, ensemble de manifestations culturelles initié aux États-Unis en 1926 où il s'agit d'une véritable institution, aujourd'hui reprise par plusieurs autres pays. L'initiative française que Pierre-Marie Boisseau m'a proposée s'est déroulée en trois temps. Tout d'abord, nous avons mis à l'honneur les Black Panthers en invitant Mme Kathleen Cleaver, première femme à avoir intégré les instances dirigeantes de ce parti, puis nous avons demandé à trois artistes de partager avec le public leur vision de l'identité. Enfin et surtout, nous avons organisé une table ronde sur la question noire avec un public venu extrêmement nombreux. L'immense succès de cette manifestation nous a posé des problèmes d'organisation, mais l'édition 2013 est déjà en préparation.
Le Black History Month français est devenu indispensable car il répond à un besoin de reconnaissance et de connaissance de l'ensemble de la population de notre pays. Qu'il soit question pour les uns de reconnaissance ou pour d'autres de culture, dans les deux cas, il est impératif de lever le voile sur des périodes encore trop méconnues de notre histoire commune. En outre, cette manifestation doit devenir réellement française, il conviendra d'en franciser le nom, ne serait-ce que pour ne plus avoir peur de prononcer le mot « noir ». Nous devons intégrer cette reconnaissance et mise en valeur de cette histoire des Noirs de France et Noirs en France à notre propre calendrier. Nous avons notre propre histoire que nous devons regarder en face et assumer avec courage. À la suite de la loi de 2001 et en particulier de son article 1 er , il faut joindre les actes à la parole républicaine.
Il s'agit aussi d'accepter l'idée que l'entrée dans la modernité, dont la République est issue, s'est accompagnée de processus de racialisation fortement hiérarchisants et fondamentalement inégalitaires dont les effets perdurent aujourd'hui encore, notamment dans les imaginaires et les rapports sociaux, politiques et économiques. En d'autres termes, il est temps de corriger. Il est temps de réparer. Prenons connaissance et reconnaissons l'histoire afin de mieux la dépasser et afin de mieux la vivre au présent de manière décomplexée. Il est temps de donner véritablement corps à notre idéal universaliste. Devenons enfin Français de façon libre, égale et fraternelle. C'est une question de justice. Je vous remercie. ( Applaudissements .)