IV. LE REGISTRE NATIONAL DES CRÉDITS AUX PARTICULIERS : UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE
Après des débats animés au Sénat et à l'Assemblée nationale, le législateur a prévu que soit constitué un comité chargé de préfigurer la création d'un registre national des crédits aux particuliers. Dans le cadre de leurs auditions et de leurs visites sur le terrain, vos rapporteurs ont été systématiquement confrontés à des positions affirmées, diverses et souvent contradictoires, concernant le principe de la création de ce répertoire, également appelé « fichier positif ».
Il convient de rappeler ces positions afin de fournir un cadre global de réflexion à la fois sur le registre national des crédits lui-même et sur la question du crédit à la consommation et du surendettement dans son ensemble.
A. LES ARGUMENTS EN FAVEUR DU REGISTRE NATIONAL
Les principaux arguments avancés en faveur du registre national sont relatifs à des problèmes d'ordre économique et d'ordre social :
• Le registre national des crédits permettrait
de
prévenir le surendettement actif
, en limitant la
possibilité de « surconsommation » de
crédits. Si cet excès de crédits est
considéré comme directement responsable d'environ 20 % du
surendettement, cette estimation ne tient pas compte du fait que les
« accidents de la vie » ne conduisent, le plus souvent, au
surendettement que dans la mesure où une
« surconsommation » de crédits a permis de compenser
momentanément la perte de revenus. C'est principalement cet objectif de
prévention que poursuivent certaines associations, notamment les
associations familiales ou encore CRESUS, qui sont favorables au registre
national des crédits.
• En plus de réduire le nombre de dossiers de
surendettement en limitant le surendettement actif, le registre national des
crédits aurait pour avantage de
réduire le montant moyen
de dettes
des dossiers de surendettement. L'endettement moyen d'un
dossier de surendettement est ainsi de 38 800 euros, en France, au premier
trimestre de l'année 2012, contre 28 500 euros, en Allemagne,
qui dispose d'un fichier géré par le secteur privé et
15 000 euros, en Belgique, qui dispose d'un fichier géré par
la Banque centrale
65
(
*
)
.
• Le registre national des crédits permettrait
d'élargir l'
accès au crédit
. Les
critères d'octroi du crédit établis par les
établissements de crédit écartent actuellement, de
façon presque systématique, les personnes en contrat à
durée déterminée ou en intérim. En effet, les seuls
critères d'octroi fiables sont ceux relatifs aux ressources, si bien que
les établissements privilégient les personnes aux ressources
stables, indépendamment de leurs charges. Le registre national des
crédits offrirait aux établissements de crédits une
vision, fiable bien que partielle, des charges de leurs clients. On peut donc
penser qu'ils seraient ainsi plus enclins à prêter à des
personnes dont les ressources sont certes moins certaines, mais dont les
charges sont plus faibles.
• Le registre national des crédits permettrait
de
renforcer la concurrence
sur le marché du
crédit à la consommation, qui est, en France, un marché
très concentré, dominé par les grands
établissements bancaires. En effet, le registre national des
crédits permettrait aux nouveaux entrants étrangers et aux petits
établissements de crédit de développer, à moindre
coût, une connaissance de la clientèle que les grands acteurs, du
fait de la taille de leur base de données, sont aujourd'hui les seuls
à avoir. Cela explique l'opposition entre les établissements de
crédit les plus importants, qui se prononcent contre le registre
national des crédits, et les petits établissements de
crédit, qui se prononcent en faveur du répertoire. Notre
collègue Philippe Dominati avait déjà souligné que
c'était là l'intérêt le plus certain du registre
national des crédits
66
(
*
)
.
• Enfin, certains considèrent qu'il faut
créer, en France, un registre national des crédits avant qu'il ne
soit imposé par l'
Union européenne
.
En effet, il n'est pas impossible que l'Union européenne demande la
création, dans les différents États, de répertoires
de ce type, qui existent d'ores et déjà dans pratiquement tous
les États membres et permettent d'ouvrir le marché national aux
nouveaux entrants étrangers. Dans cette hypothèse, la France
aurait tout intérêt à disposer déjà de son
propre fichier, en ayant défini au préalable le cadre et les
règles dont elle souhaite qu'il soit doté, notamment en
matière de protection des données personnelles.
* 65 Données de la Banque de France, et chiffrages réalisés par CRESUS. Ces chiffres sont cependant à relativiser dans la mesure où la méthodologie de calcul diffère sensiblement.
* 66 Rapport déjà cité n° 447 de Philippe Dominati, pp. 129 et sqq.