2. Les limites de la conversion aux objectifs environnementaux
Votre délégation a constaté que la conversion au développement durable, si elle profite au secteur économique et notamment aux exportations, est plus difficile à mettre en oeuvre sur le plan domestique.
Le Président du Comité présidentiel pour la croissance verte a expliqué que, si la population réagit de manière très favorable aux politiques environnementales, la mise en oeuvre concrète des programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre prend du retard.
La Corée s'est fixé un objectif de réduction de 30 % de ses émissions de gaz à effet de serre en 2020, mais ce chiffre ne peut être comparé à l'objectif européen de réduction des émissions de 20 %. La cible européenne correspond en effet à une baisse en valeur absolue par rapport aux émissions en 1990, alors que l'objectif coréen prend pour référence les émissions qu'entrainerait en 2020 un scénario de « développement normal » ( business as usual ), susceptible d'interprétations. Le Président du Comité présidentiel a considéré que cela correspondrait à une baisse en valeur absolue de 5 % par rapport à 2005, soulignant qu'il s'agissait déjà d'un objectif ambitieux dans un pays dont le développement a été fondé sur un secteur manufacturier fortement émetteur.
Par ailleurs, la croissance verte inclut en Corée un gigantesque projet d'aménagement des quatre grands fleuves du pays, lancé par le président Lee Myung-bak, pour un coût estimé à 13 milliards d'euros. Ces travaux ont pour but d'exploiter le potentiel hydro-électrique de ces cours d'eau, de les dépolluer et de mieux gérer leur débit, tout en créant des espaces verts et de loisir sur les berges. Ce projet générera également une importante activité économique. Or l'impact des travaux (dragage, construction de digues, rectification des cours d'eau, suppression de marécages) sur l'équilibre écologique des rivières et sur la qualité de l'eau potable soulève des inquiétudes importantes au sein de la population et des associations, inquiétudes que le Président du Comité présidentiel a jugées sans fondement.
Enfin, la promotion de la croissance verte permet aussi à la Corée, de manière indéniable, d'améliorer son image environnementale dans le monde.
Le Gouvernement a mis en place en 2010 un Institut global pour la croissance verte (Global Green Growth Institute), dont le conseil d'administration réunit de nombreuses personnalités mondiales, afin de diffuser dans le monde le modèle de la croissance verte. Cet organisme, qui collabore notamment avec le Danemark, a l'ambition de devenir une organisation internationale de plein exercice. Son action est orientée en particulier vers les pays en développement dans lesquels l'Institut étudie des potentiels de développement économique à faible émission de carbone, en partenariat public-privé.
S'agissant des émissions de gaz à effet de serre, la mise en place d'un système d'échange de permis d'émission prend quelque retard. Annoncé en 2009 afin de soutenir le secteur de l'économie verte et prévue initialement en 2013, il ne devrait pas être installé avant le 1 er janvier 2015. Les groupes industriels ont mis en cause son coût, qu'ils évaluent à 12 milliards de dollars lorsque les permis seraient intégralement payants. Or, 95 % des permis devraient être donnés gratuitement pendant les premières années ; en Europe, 90 % des quotas ont été distribués gratuitement lors de la phase 2008-2012 du système communautaire d'échange de quotas et la majorité des quotas seront payants à partir de 2013.
Il convient enfin de rappeler que le protocole de Kyoto n'a pas inclus la Corée du Sud dans les pays dits « de l'Annexe 1 », c'est-à-dire ceux auxquels étaient assignés des objectifs précis de diminution des émissions de gaz à effet de serre. Si cette exception était justifiée en 1992 par la différence de niveau de développement entre la Corée du Sud et les grands pays industrialisés, il pourrait être utile, à l'occasion des négociations actuelles sur le système qui suivra le protocole de Kyoto, d'étudier si un changement de régime ne serait pas nécessaire pour un pays qui, par sa production comme par son niveau de vie, a désormais rejoint les pays occidentaux.