b) Le rapport du BIOS Centre de la London School of Economics
Le BIOS Centre est un centre de recherches de sciences humaines et sociales spécialisé dans les sciences du vivant, rattaché à la London School of Economics. Il a publié, le 20 mai 2011, un rapport intitulé : « The transnational Governance of synthetic Biology, Scientific uncertainty, cross-borderness and the «art» of governance ».
Son objet est de proposer, sur la base de l'analyse des 40 rapports publiés sur la BS au cours des sept dernières années, une approche radicalement nouvelle des problèmes qui y sont examinés, dont la question d'une gouvernance de la BS permettant de tirer parti des bénéfices tout en limitant les risques. Dans cette perspective, le rapport se fonde sur le principe selon lequel les régimes de gouvernance effectifs de la BS doivent aborder l'incertitude scientifique inhérente à toute recherche, mais majorée dans un domaine aussi complexe, évolutif et peu prédictible que la BS.
Les auteurs indiquent d'ailleurs que de nombreux impacts futurs de la BS, comme d'autres biotechnologies émergentes, sont non seulement difficiles à prédire, mais parfaitement inconnus. Cela tient à ce que la BS peut être considérée en elle-même comme une source de risques émergents, un domaine scientifique dont les retombées peuvent être appréciées comme potentiellement significatives sans pour autant être comprises ni évaluées. Les options de la gestion des risques ne peuvent ainsi être développées de façon fiable.
Sur ce point, le rapport cite à titre d'exemple la question de l'application à la BS de l'évaluation des risques liés aux OGM. Dans ce cas, les approches existantes sont largement basées sur la comparaison entre le nouvel organisme modifié et son équivalent naturel et se concentrent sur les attributs de l'organisme receveur/parent, l'organisme donneur et le vecteur utilisé pour le transfert de l'ADN. Mais si les composantes génétiques individuelles ou des génomes entiers peuvent à l'avenir être conçus à l'aide de l'ordinateur et synthétisés chimiquement, les notions de receveur et d'organisme donneur seront-elles encore pertinentes ?
La BS ne se limite d'ailleurs pas à la modification d'organismes naturels, mais pourrait s'étendre aussi à la construction de nouvelles formes de vie. Certains produits comme les cellules minimales pour lesquelles il n'existe pas de point de comparaison naturel présentent de nouveaux défis, en ce qui concerne la caractérisation du risque.
Le rapport souligne toutefois que, même si la source de toutes les parties de l'organisme synthétisé est connue et si tout nouveau circuit génétique est compris, il reste difficile de prédire si ce nouvel organisme se verra doté de propriétés émergentes inattendues. Se référant à l'analyse de la nouvelle évaluation des risques en biologie, les auteurs considèrent que les trois catégories de risques identifiés par la Royal Society s'appliquent à la BS. Il s'agit des risques naturels (par exemple la maladie), le risque inattendu (par exemple les découvertes effectuées par la recherche à usage dual) et la transformation délibérée en armes des agents biologiques.
Dans ce contexte, le rapport estime que la voie la plus pertinente pour aborder la question des incertitudes scientifiques liées à la BS devrait consister, pour les autorités de régulation, à utiliser l'état de l'art des connaissances scientifiques, tout en étant conscientes de leurs limites et de leur possible remise en cause par des connaissances à venir. Il serait donc insuffisant de s'en tenir aux seuls référents connus par la BS, comme les OGM, pour lesquels une réglementation existe déjà.
Enfin, une approche par les seules sciences exactes paraît, elle aussi, réductrice. Par son effet de rupture possiblement fort, la BS est susceptible d'induire de nouveaux comportements sociaux, qui susciteraient des modèles économiques ainsi que des impacts sanitaires et environnementaux inédits.
Les évaluations doivent donc intégrer les effets indirects, différés et cumulatifs à long terme de la BS sur la santé, l'environnement, les terres agricoles, l'alimentation et ce, à une échelle mondiale, compte tenu du caractère transfrontalier des développements réalisés. Il s'agit pour les auteurs du rapport d'une nouvelle dimension, qui impose aux autorités de régulation de ne plus se reposer sur la seule connaissance scientifique mais sur la construction de ce que le rapport appelle la résilience de la société face à ce qui n'est pas connu, en provoquant constamment la réflexion chez tous les acteurs.
La nouvelle méthode d'évaluation des risques en faveur de laquelle plaide le rapport de BIOS - « The transnational Governance of synthetic Biology, Scientific uncertainty, cross-borderness and the «art» of governance » - soulève la question de l'opportunité du dialogue public.
Si, à juste titre, le rapport souligne l'importance du rôle que doivent jouer les autorités de régulation dans l'organisation d'un tel dialogue, on peut se demander si les auteurs du rapport ne sous-estiment pas les difficultés à susciter la résilience de la société, surtout en ce qui concerne un sujet émergent et aussi complexe que la BS.