3.- LES APPORTS SCIENTIFIQUES DE LA BIOLOGIE DE SYNTHÈSE
Le Groupe européen d'éthique fait observer que, pour les biologistes de synthèse, le champ de la BS ne devrait pas se limiter à ses seules applications, la BS pouvant contribuer de façon significative au progrès de la biologie en général. Le deuxième des deux exemples suivants montre même que l'apport scientifique de la BS ne se limite pas à la biologie.
Le premier exemple est tiré de l'étude déjà citée du professeur Képès « Biologie de synthèse et intégrative » . François Képès prend l'exemple du cycle circadien pour illustrer la complémentarité entre biologies systémique et de synthèse. Le rythme circadien est celui qui règle nos jours et nuits selon un cycle proche de 24 heures. Les généticiens ont découvert, il y a longtemps, les gènes et protéines impliqués dans ce rythme biologique. Cependant, l'explication scientifique du phénomène cyclique n'est pas venue des généticiens mais de modélisateurs comme Albert Goldbeter, professeur à l'Université libre de Bruxelles (Belgique), qui ont montré comment les produits de ces gènes contribuaient collectivement à un oscillateur qui règle le rythme circadien.
François Képès formule l'hypothèse qu'une entreprise confie à son ingénieur biologiste le soin de réaliser une horloge biocompatible rythmant une pompe à insuline à implanter chez un diabétique. Cet ingénieur, ayant compris les principes de l'oscillateur circadien, cherchera à les réutiliser dans un contexte différent et avec des paramètres altérés (par exemple, son cahier des charges spécifie un cycle d'une heure plutôt que 24 heures). Il va construire un modèle mathématique inspiré de celui du rythme circadien (modélisation), l'insérer dans l'ordinateur (simulation), modifier les paramètres (investigation), jusqu'à respecter le cahier des charges. Il va ensuite réaliser les constructions nécessaires par génie génétique (fabrication), puis mesurer les propriétés du système ainsi réalisé (caractérisation).
S'il mesure, entre autres propriétés, un cycle de deux heures, ce résultat expérimental va lui permettre de calibrer son modèle mathématique plus près du résultat souhaité. L'investigation par simulation va lui suggérer de rendre plus instable l'une des protéines de l'oscillateur. Il va retourner à la paillasse, modifier le code de cette protéine, puis mesurer à nouveau les propriétés du système, maintenant plus proches du but recherché. Il s'agit - dans l'approche de la BS - d'instituer une spirale d'amélioration itérative allant du modèle et de sa simulation, via la construction des objets biologiques, à la mesure de leurs propriétés.
Le second exemple illustre la contribution possible de la BS à la résolution de certains problèmes mathématiques. C'est ainsi qu'en 2009, une équipe de chercheurs du Missouri Western State University a modifié l'ADN de la bactérie E. coli , pour « créer » par ordinateur une bactérie capable de résoudre le problème mathématique dit du « chemin hamiltonien ». Ce problème pose la question de savoir s'il existe un chemin dans un réseau à partir d'un noeud de départ pour aller vers un noeud final, chaque noeud étant visité une fois.
Les chercheurs ont modifié le circuit génétique de la bactérie pour leur permettre de trouver un chemin hamiltonien dans un graphe à trois noeuds. La bactérie a ainsi résolu le problème en émettant à la fois des couleurs rouge et verte fluorescentes, dont sont résultées des colonies de couleur jaune.
RÉSOUDRE UN PROBLÈME INFORMATIQUE AVEC
LES BIO-BRIQUES :
TROUVER UN CHEMIN HAMILTONIEN
Source : document communiqué par le professeur Jean-Loup Faulon