N° 287

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 janvier 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' enquête de la Cour des comptes relative au Centre national pour le développement du sport (CNDS),

Par M. Jean-Marc TODESCHINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; M. Philippe Dallier, Mme Frédérique Espagnac, MM. Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Jean Germain, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.

Mesdames, Messieurs,

En application des dispositions de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), votre commission des finances, par une lettre de son président Philippe Marini, en date du 21 novembre 2011, a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur le Centre national de développement du sport (CNDS) , opérateur principal du programme « Sport » .

Cette demande a résulté de l'initiative de votre rapporteur spécial qui, comme il l'a développé dans son dernier rapport budgétaire 1 ( * ) , s'interrogeait à la fois sur la définition des missions de cet établissement public et sur le caractère optimal de sa gouvernance . Les fortes fluctuations de la trésorerie du CNDS au cours des derniers exercices méritaient également un éclairage particulier. Il s'agit là de questions essentielles à propos d'un opérateur au coeur de la politique nationale du sport et dont le budget dépasse les crédits du programme « Sport » lui-même.

Le rapport d'enquête de la Cour des comptes, ci-joint en annexe, a été reçu par votre commission des finances le 6 décembre 2011. Il a donné lieu, le 24 janvier 2012, à une audition « pour suite à donner ». Celle-ci a mis en présence :

- la Cour des comptes représentée par MM. Patrick Lefas, président de la troisième chambre, Pascal Duchadeuil, président de section, Serge Barichard, conseiller référendaire, et Walid Benaabou, auditeur ;

- le ministère des sports, représenté par MM. Gérald Darmanin, directeur de cabinet du ministre, Pierre Messerlin, directeur-adjoint de ce cabinet, et Richard Monnereau, directeur des sports

- le CNDS, représenté par M. Julien Nizri, directeur général, et Mme Francine Mary, directrice des affaires financières ;

- le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), représenté par M. Jean-Jacques Mulot, trésorier ;

- et la direction du budget, représentée par Mme Marie-Astrid Ravon, sous-directrice.

Selon l'usage, cette audition a été ouverte à la presse et au public. On en trouvera reproduit, ci-après, le compte rendu intégral.

* *

*

Etablissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé des sports, le CNDS a été créé par le décret n° 2006-248 du 2 mars 2006 2 ( * ) pour prendre, en partie, la suite du Fonds national pour le développement du sport (FNDS). Au plan budgétaire, il est rattaché au programme 219 « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Ses missions, couvrant un champ très vaste, consistent à contribuer au développement de la pratique sportive par le plus grand nombre , favoriser l'accès au sport de haut niveau et l'organisation de manifestations sportives, promouvoir la santé par le sport, améliorer la sécurité des pratiques sportives et la protection des sportifs et renforcer l'encadrement de la pratique sportive 3 ( * ) .

L'enquête menée par la Cour des comptes correspond au relevé d'observations définitives sur sa gestion au cours des exercices 2006 à 2010.

Elle présente le CNDS comme un établissement public globalement bien organisé et géré , doté de procédures solides dans l'ensemble, notamment pour ce qui concerne l'instruction des dossiers de subventions.

Néanmoins, elle met l'accent sur le grand nombre de priorités qui s'imposent à cet opérateur, ce qui n'est pas le gage d'une affectation optimale des ressources.

Surtout, elle exprime des inquiétudes , à la fois sur le suivi des engagements hors bilan du CNDS et sur les charges supplémentaires que l'Etat fait peser sur lui, qui entraînent une certaine confusion et pourraient, dans un terme qui se rapproche, menacer son équilibre financier.

Le présent rapport développe l'ensemble de ces éléments.

I. UN JEUNE ÉTABLISSEMENT PUBLIC GLOBALEMENT SUR DE BONS RAILS

A. UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC ENCORE RELATIVEMENT NEUF

1. L'origine et l'organisation du CNDS

Le Centre national pour le développement du sport (CNDS) est un établissement public à caractère administratif (EPA) placé sous la tutelle du ministre chargé des sports.

Il s'agit d' un établissement récent, dont la création a été rendu nécessaire par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ( LOLF ). En effet, jusqu'en 2005, les actions aujourd'hui portées par le CNDS l'étaient (depuis 1979) par un compte d'affectation spéciale, le Fonds national de développement du sport (FNDS). Comme Philippe Marini, alors rapporteur général de votre commission des finances, l'avait constaté 4 ( * ) , ce fonds constituait un cas unique, dans l'ensemble des départements ministériels, « d'externalisation étendue dans un compte spécial du Trésor des dépenses d'une politique publique ». Or, les dispositions de l'article 21 de la LOLF (entrées en vigueur le 1 er janvier 2006) selon lesquelles les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées par des « recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées » ne rendaient plus possible la poursuite des opérations du FNDS, celui-ci étant principalement financé par un prélèvement sur les sommes misées sur les jeux de la Française des Jeux, sans rapport avec ses actions. En outre, une partie des dépenses du FNDS était de même nature que celle inscrites au budget du ministère, ce qui entrait en contradiction avec le principe budgétaire de spécialité et la vocation d'un compte d'affectation spéciale.

L'article 53 de la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005) a donc procédé à la clôture du FNDS et prévu des recettes pour l'établissement public devant lui succéder ( cf. infra ).

Quant au CNDS lui-même, il a été créé par le décret n° 2006-248 du 2 mars 2006 5 ( * ) pour prendre, en partie, la suite du Fonds national pour le développement du sport (FNDS).

Ses missions et ses ressources seront détaillées ci-après.

L'établissement public dispose d'un conseil d'administration composé, outre son président, de vingt membres :

- dix administrateurs ayant un lien fort avec l'Etat (le ministre chargé des sports, le ministre chargé du budget, le directeur des sports, quatre représentants du ministre chargé des sports et trois personnalités qualifiées nommées par le ministre chargé des sports) ;

- sept administrateurs liés au mouvement sportif (le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), cinq représentants du mouvement sportif nommés par le ministre chargé des sports après désignation par le président du CNOSF et une personnalité qualifiée nommée par le ministre sur proposition du président du CNOSF) ;

- trois administrateurs représentants de collectivités territoriales , nommés par le ministre chargé des sports.

Le président du CNDS (actuellement Raymond-Max Aubert) est nommé par décret du Premier ministre pris sur le rapport du ministre chargé des sports après avis du président du CNOSF pour une durée de quatre ans renouvelable une fois. Les délibérations sont adoptées à la majorité des voix avec voix prépondérante du président du conseil d'administration en cas d'égalité. Le directeur général, l'autorité chargée du contrôle financier et l'agent comptable de l'établissement assistent aux séances du conseil d'administration avec voix consultative.

De plus, sur le terrain, le CNDS dispose de « commissions territoriales », composées de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et du mouvement sportif de niveau régional et de niveau départemental.

2. Ses missions

Aux termes de l'article R. 411-2 du code du sport, le Centre national pour le développement du sport a pour missions, dans le cadre des orientations générales fixées par le ministre chargé des sports, de :

- contribuer au développement de la pratique du sport par le plus grand nombre ;

- favoriser l'accès au sport de haut niveau et l'organisation de manifestations sportives ;

- promouvoir la santé par le sport ;

- améliorer la sécurité des pratiques sportives et la protection des sportifs ;

- renforcer l'encadrement de la pratique sportive.

Ce même article précise que le CNDS « exerce ces missions par l'attribution de concours financiers, sous forme de subventions d'équipement ou de fonctionnement » :

- au CNOSF ;

- aux associations sportives ;

- aux collectivités territoriales ou à leurs groupements ;

- aux organismes assurant le fonctionnement des antennes médicales de prévention du dopage ;

- aux associations et groupements d'intérêt public qui interviennent dans le domaine des activités physiques et sportives.

En outre, le décret n° 2012-474 du 11 avril 2012 vient de compléter ces missions afin que le CNDS contribue au financement des projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir le championnat d'Europe de football de 2016 ainsi que des équipements connexes permettant le fonctionnement de celles-ci. Il est précisé qu'à cette fin, il peut conclure des conventions de subventionnement avec toute personne morale de droit public ou privé.

3. Ses ressources
a) Des taxes affectées

Les produits du CNDS proviennent presque intégralement de ressources fiscales que lui ont affectées des lois de finances.

Il s'agit :

- du prélèvement « historique » sur les mises des jeux de la Française des jeux (à l'exception des paris sportifs), qui alimentait déjà le FNDS 6 ( * ) . L'affectation au CNDS du produit de ce prélèvement, dont le taux est de 1,80 % , a été plafonné à 173,8 millions d'euros par l'article 46 de la loi de finances pour 2012 ;

- de la contribution sur la cession à un éditeur ou un distributeur de services de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives, dite « taxe Buffet » 7 ( * ) . Son taux est de 5 % du montant des encaissements. Le plafond de l'affectation de cette ressource au CNDS par l'article 46 de la loi de finances pour 2012 s'élève à 43,4 millions d'euros ;

- d'un prélèvement sur les sommes misées sur les paris sportifs organisés et exploités par la Française des jeux ainsi que sur les paris sportifs en ligne 8 ( * ) , dont le taux s'élève à 1,8 % à compter de 2012. Là encore, cette ressource a été plafonnée à 31 millions d'euros par la dernière loi de finances ;

- enfin, d'un prélèvement complémentaire de 0,3 % effectué de 2011 à 2015 sur les mises des jeux de la Française des jeux (à l'exception des paris sportifs) 9 ( * ) . Ce prélèvement complémentaire est plafonné à 24 millions d'euros par an . Ce produit vise explicitement à financer des projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir l'Euro 2016 de football ainsi que des équipements connexes permettant le fonctionnement de celles-ci.

Au total, les ressources prévisionnelles affectées au CNDS s'élèvent à 272,2 millions d'euros pour 2012 , réparties selon le schéma ci-après. Il s'agit d'un montant supérieur aux crédits du programme « Sport » (255,4 millions d'euros).

Répartition prévisionnelle des recettes fiscales affectées au CNDS en 2012

Source : loi de finances pour 2012

b) L'évolution de ces recettes dans le temps

Comme la Cour des comptes le souligne dans son enquête, le niveau des recettes et des dépenses du CNDS a connu plusieurs phases dans le temps :

- tout d'abord, une montée en puissance de 2006 à 2008 , tant en recettes (+ 33,83 %) qu'en dépenses (+ 37,59 %) ;

- puis une forte diminution des recettes (- 22 %) comme des dépenses (- 12,7 %) en 2009 , du fait de la fin du plan national de développement du sport (PNDS, voir ci-après) ;

- en 2010 , les recettes (231,6 millions d'euros) et les dépenses (252,4 millions d'euros) ont de nouveau sensiblement progressé , sous l'effet principalement de la nouvelle ressource liée aux paris sportifs pour les recettes et, surtout, d'une volonté d'augmenter de façon significative les dépenses ;

- enfin, depuis 2011 , la prise en charge par le CNDS des engagements financiers de l'Etat destinés à aider la construction et la rénovation des stades devant accueillir l'Euro 2016 de football a entraîné une nouvelle augmentation des moyens octroyés à cet établissement public, pour aboutir à la situation décrite précédemment.


* 1 Rapport général n° 107 (2011-2012, Tome III, annexe 29).

* 2 Codifié aux articles R. 112-2 et R. 411-2 à R. 425-1 du code du sport.

* 3 Article R. 411-2 du code du sport.

* 4 Rapport général n° 99 (2005-2006), Tome II, volume 1, commentaire de l'article 38 (devenu l'article 53 de la loi de finances pour 2006).

* 5 Codifié aux articles R. 112-2 et R. 411-2 à R. 425-1 du code du sport.

* 6 Premier alinéa de l'article 1609 novovicies du code général des impôts.

* 7 Article 302 bis ZE du code général des impôts.

* 8 Article 1609 tricies du code général des impôts.

* 9 Dernier alinéa de l'article 1609 novovicies du code général des impôts.

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