3. Appuyer les équipes intervenant en CEF
a) Mettre un accent particulier sur le recrutement et la formation des personnels
La prise en charge des mineurs placés en CEF représente bien souvent une gageure pour les équipes éducatives, exposés au quotidien à un risque de violence et/ou de dégradation des locaux et des biens.
Les pouvoirs publics et les associations habilitées n'ont probablement pas pris immédiatement la mesure de ces difficultés : formation et/ou expérience insuffisante, absentéisme et turn-over important, etc.
Par exemple, le CEF de Saint Venant, qui a connu cinq directeurs en six ans, a ainsi pu subir un taux d'absentéisme du personnel atteignant 60% - ce taux étant depuis retombé à près de 11% ; durant l'année 2007, les premiers éducateurs affectés au CEF de Fragny (Saône-et-Loire) ont été déstabilisés par la violence des jeunes, ce qui a entraîné un nombre important d'arrêts de maladie (14 personnes en arrêt de maladie pendant l'année 2007) 27 ( * ) ; en septembre 2009, les éducateurs affectés au CEF de Savigny-sur-Orge, dont certains sortant d'école, ont été rapidement mis en difficulté et plusieurs d'entre eux ont été placés en situation d'arrêt de travail prolongé.
Or, s'agissant de la prise en charge de mineurs déstructurés, en conflit permanent avec l'institution judiciaire et la parole des adultes, il est primordial que ces établissements puissent disposer de personnels expérimentés, convenablement formés et stables. La réussite d'une prise en charge renforcée inscrite dans la durée repose en effet avant tout sur la solidité de l'équipe éducative.
Comme l'observe M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans son rapport annuel pour 2010 : « pour beaucoup [de ces centres], les premières années de fonctionnement ont été une longue suite de conflits ou de défaillances, qui ont abouti à de fréquents changements de directeurs qui ont renforcé la discontinuité et l'absence de réel projet d'établissement comme de coordination.
« On demeure surpris que, s'agissant d'une tâche aussi délicate que la prise en charge d'enfants à la vie très chahutée, les formations initiale et continue demeurent, pour beaucoup de personnes qui travaillent dans les centres, marginales voire inaccessibles. On ne peut s'improviser éducateur et les difficultés de recrutement, bien réelles, notamment dans les centres isolés, ne doivent pas faire obstacle au maintien d'exigences précises sur ce point, hors du respect desquelles un centre ne devrait pas voir le jour, quelle qu'en soit par ailleurs la nécessité.
« Il n'est pas étonnant que, dans ces conditions, la dureté des conditions de travail soit accentuée et qu'en contrepartie, les réactions diverses de fuite (démissions, absentéisme, congés de maladie) se multiplient. L'exercice de conditions de travail aussi apaisées que possibles doit être également un objectif de ces centres et les personnes qui y travaillent doivent faire l'objet d'une écoute attentive et d'une aide autant que nécessaire (« supervision » et réunions régulières du comité de pilotage) » 28 ( * ) .
En effet, non seulement de telles difficultés mettent à mal le fonctionnement même des centres, mais elles sont également susceptibles d'entraîner un recours abusif aux moyens de contrainte physique , dont le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a montré qu'il était parfois érigé, dans les équipes les moins qualifiées, au rang de pratique éducative 29 ( * ) .
Ces éléments mettent en évidence l'impérieuse nécessité, d'une part, de n'affecter en CEF que des personnels préalablement préparés et, d'autre part, d'épauler les équipes en place.
De premières leçons commencent à être tirées de ces difficultés.
Tout d'abord, la signature de protocoles d'intervention avec les services de police ou de gendarmerie permet d'améliorer la gestion des incidents. Au quotidien par ailleurs, les bonnes relations entretenues avec ces services contribuent à soutenir et à épauler les équipes éducatives - comme cela paraît être par exemple le cas au CEF de Brignoles (voir supra ).
Par ailleurs, d'après la DPJJ, la plupart des CEF ont désormais intégré dans leur projet d'établissement des séances d'analyse des pratiques, par des intervenants extérieurs (psychiatres, psychologues), à raison d'une fois par mois minimum.
Enfin, la DPJJ a entrepris depuis quelques mois de consolider la formation offerte aux équipes intervenant en CEF. Celle-ci fait notamment valoir :
- d'une part, qu'une formation est systématiquement mise en place à destination des nouvelles équipes recrutées à l'ouverture de chaque CEF. Une session est par exemple prévue à l'automne 2011 pour préparer l'ouverture du CEF d'Epinay ;
- d'autre part, qu'à l'issue de l'organisation d'une journée de formation en juin 2009 consacrée à la professionnalisation des intervenants en CEF, la PJJ a engagé une politique de formation de tous les personnels travaillant en CEF. Fin 2011, un programme dédié de formation sera proposé à l'ensemble des personnels du secteur public et du secteur associatif habilité exerçant en CEF.
Vos co-rapporteurs ne peuvent qu'encourager cette démarche et insister pour que ces sessions de formation soient accessibles au plus grand nombre et organisées de façon pérenne.
Proposition n° 9 : Insister pour que le programme de formation proposé à l'ensemble des personnels exerçant en CEF soit rapidement mis en place. |
Au-delà, et sans nier les difficultés de recrutement que peuvent rencontrer certains CEF, vos co-rapporteurs estiment que, dans toute la mesure du possible, ne devraient être affectés en CEF que des professionnels volontaires, adhérant au projet éducatif mis en place et ayant soit reçu une formation initiale adaptée, soit bénéficiant d'une expérience professionnelle significative dans la prise en charge d'adolescents difficiles.
Proposition n° 10 : Privilégier l'affectation ou le recrutement en CEF de personnels volontaires, adhérant au projet éducatif mis en place et ayant soit reçu une formation initiale adaptée, soit bénéficiant d'une expérience professionnelle significative dans la prise en charge d'adolescents difficiles. |
b) Maintenir un taux d'encadrement élevé
Des représentants de CEF associatifs ont fait part à vos co-rapporteurs de leurs inquiétudes devant le projet de la DPJJ de faire passer le nombre de personnels exerçant en CEF associatif de 27 à 24.
A l'heure actuelle en effet, les CEF relevant du secteur public disposent de 24 ETP (équivalents temps plein), tandis que les CEF relevant du secteur associatif habilité sont quant à eux autorisés à recruter 27 ETP.
M. Jean-François Broch, secrétaire général de la CNAPE et directeur de l'association ABCD, qui gère le CEF de Saint Venant, a craint que cette diminution d'effectifs imposée ne conduise les CEF associatifs à ne plus être en mesure de respecter les prescriptions du cahier des charges des CEF, qui impose notamment une présence sur place la nuit de deux personnes dont un éducateur au moins.
Interrogé sur ce point par vos co-rapporteurs, M. Jean-Louis Daumas, directeur de la PJJ, a estimé pour sa part que la convention collective de 1966, qui régit le statut des personnels intervenant dans les CEF associatifs, n'empêcherait pas ces établissements de remplir leurs obligations. De façon plus générale, il a considéré légitime que, dans le contexte budgétaire et la maîtrise des dépenses imposés à la PJJ, des moyens équivalents soient alloués aux deux secteurs.
Au-delà de la question des effectifs théoriques affectés en CEF, plusieurs directeurs de CEF se sont inquiétés des conséquences de l'absentéisme de certains agents sur leur capacité à assurer la présence constante d'au moins deux personnes sur place. Au-delà du respect du cahier des charges, il en va également de la sécurité des personnels.
Vos co-rapporteurs estiment qu'une attention prioritaire devrait être accordée à cette question. Les services déconcentrés de la PJJ devraient en particulier veiller à limiter au maximum la durée des vacances de postes.
Proposition n° 11 : Maintenir un taux effectif d'encadrement élevé, notamment en veillant à limiter au maximum la durée des vacances de postes. |
* 27 Rapport de visite du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, 18-19 mars 2009.
* 28 Rapport précité, page 9.
* 29 Recommandations du 1 er décembre 2010 relatives aux centres éducatifs fermés de Beauvais, Sainte-Gauburge, Fragny et L'Hôpital-de-Grand, rendues publiques en application de l'article 10 de la loi n°2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté et publiées au JO du 8 décembre 2010.