2. Le facteur humain
Au-delà des indispensables protections contre les forces naturelles ou industrielles, la sécurité des installations nucléaires suppose aussi d'anticiper les perturbations potentielles induites par les interactions avec l'environnement humain. Ces perturbations d'origine humaine peuvent résulter soit de défaillances involontaires de l'organisation, soit d'actes agressifs intentionnels.
a) Le suivi des conditions de travail
Le pilotage de toute installation nucléaire doit intégrer en permanence deux contraintes : l'exigence de sûreté maximale, condition du droit à poursuivre l'activité, et l'optimisation de la disponibilité, condition de la rentabilité.
La sûreté, dont l'exploitant est le premier responsable, est indispensable au maintien de la confiance du public dans cette filière ; la disponibilité justifie économiquement la supériorité du nucléaire sur les autres sources de production d'électricité.
Ce double objectif impacte le travail des équipes, qui doivent constamment concilier respect des procédures et contrainte de temps. Il en résulte une tension et une fatigue, qu'il convient de surveiller pour éviter une baisse de vigilance et un risque de défaillance.
La qualité des conditions de travail constitue de ce fait un paramètre de la sûreté des installations. Et c'est là toute la justification de la compétence d'inspection du travail qui est reconnue à l'Autorité de sûreté nucléaire, dans les centrales nucléaires, par l'article 57 de la loi TSN .
Le contrôle exercé à ce titre par l'ASN concerne le respect de la réglementation du travail, la santé, la sécurité et la qualité de l'emploi des salariés d'EDF, de ses prestataires ou sous-traitants. Il est pratiqué lors de la construction, l'exploitation et le démantèlement des centrales nucléaires.
C'est dans ce cadre que l'ASN, suite à une enquête détaillée, a informé le parquet d'une sous-déclaration d'accidents sur le chantier de l'EPR par l'exploitant ou ses sous-traitants.
Dans les installations nucléaires autres que les centrales d'EDF, où l'ASN n'a pas directement cette compétence, elle veille néanmoins à mener son contrôle de sûreté en bonne intelligence avec les services de l'inspection du travail, ne serait-ce qu'au titre d'une nécessaire coordination dans le domaine de la radioprotection.
b) La protection contre les actes de malveillance
Le risque d'actes de malveillance existe vis à vis des installations nucléaires, comme à l'encontre de toute installation stratégique. Cependant, comme l'a rappelé Claude Birraux lors de l'audition publique du 24 mai, il serait pour le moins paradoxal d'indiquer quelles atteintes terroristes sont, ou peuvent être, envisagées et quelles parades sont prévues : « Il faut être totalement naïf, ou totalement de mauvaise foi, pour penser que cette question puisse être traitée publiquement. Il est, en tout cas, hors de question que le prochain rapport de l'Office comporte un manuel du terrorisme nucléaire pour les nuls ».
A l'occasion de la présentation de l'étude de faisabilité, le 14 avril, Christian Bataille avait indiqué que « l'impératif de transparence n'oblige en rien à élaborer publiquement un mode d'emploi à l'attention des terroristes », mais que les travaux de la mission, et en particulier l'audition du 24 mai, relative à la protection du coeur et des circuits critiques des réacteurs, permettrait de « mesurer les conséquences potentielles, d'un point de vue fonctionnel, de tous les types de sinistres pouvant affecter les installations nucléaires, qu'ils soient d'origine naturelle ou humaine ».
En tout état de cause, toute installation nucléaire est protégée par des portiques de sécurité et des procédures d'accès, ainsi que par des dispositifs de détection d'intrusion, comme vos rapporteurs l'ont appris lors de leur visite à la centrale de Gravelines, où des clandestins ont été découverts à l'intérieur d'un camion.
Lors de l'audition du 24 mai, M. Jean-Marc Miraucourt a en outre rappelé qu'une « centrale est automatiquement mise à l'arrêt en cas de déviation de n'importe quel paramètre affectant la sûreté, ce qui vaut aussi bien pour des défaillances matérielles que pour des causes humaines. Un arrêt d'urgence du réacteur se produit ainsi en cas d'action inappropriée : une cinquantaine de cas sont enregistrés chaque année ».