b) De multiples intervenants aux actions diverses mais encadrées
Les actions de réduction des risques en direction des usagers de drogues ont le plus souvent été initiées par le secteur associatif. Sont évidemment impliquées de grandes associations de lutte contre les maladies infectieuses, telles Aides, SOS-Hépatites, Sidaction ou Act-Up, mais aussi des organisations comme Médecins du Monde ou SOS-Drogue International, des associations résultant d'initiatives locales, dans lesquelles sont impliqués des personnels soignants, comme Gaïa Paris ou Espoir Goutte d'Or, ou encore des associations dites « d'auto-support » des usagers de drogues, comme Asud, qui toutes ont été entendues par la mission d'information.
Le paysage de la réduction des risques est aujourd'hui très hétérogène et varié. Les intervenants sont aujourd'hui multiples : ils vont de l'officine de pharmacie et du médecin de ville à l'établissement médico-social, en passant par des associations dites « de première ligne » qui n'ont pas toutes souhaité rejoindre le dispositif médico-social, considéré par certaines comme trop contraignant ou inadapté aux actions qu'elles mènent, en milieu festif par exemple.
La multiplicité des intervenants ne doit cependant pas laisser penser que le secteur de la réduction des risques serait celui d'une expérimentation permanente. Il recouvre des actions en réalité structurées et désormais encadrées, notamment en raison de la mise en place des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, établissements médico-sociaux qui peuvent être gérés par des associations ou des établissements de santé. On en comptait, en avril 2010, 133, qui doivent en outre répondre aux conditions fixées par le référentiel national des actions de réduction des risques datant de 2005 (180 ( * )) .
Les modalités d'intervention de ces centres, si elles ont résulté d'initiatives souvent associatives et informelles, sont aujourd'hui relativement homogènes. Les diverses actions qu'ils peuvent mener sont en effet limitativement énumérées par l'article R. 3121-33-1 du code de la santé publique.
En pratique, ainsi que l'a indiqué l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (181 ( * )) , plus de neuf de ces structures sur dix proposent un espace d'accueil et de repos, une mise à disposition de boisson et nourriture et un accès téléphonique ou à internet ; plus d'un centre sur deux propose également un espace laverie et sanitaire. Mais un très grand nombre d'entre eux - près d'un centre sur deux - développe aussi des interventions mobiles « hors les murs », en espace festif notamment, ce qui leur permet d'entrer en contact avec des personnes ne fréquentant pas les structures spécialisées. D'après l'observatoire, on pouvait également noter, en 2008, le développement de programmes d'intervention en milieu pénitentiaire, assurés par trente-deux centres.
Les actes réalisés par les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues sont d'abord l'écoute, qui revêt des formes très variées - accueil dans la structure fixe, visite, échange dans la rue ou autour d'un stand de promotion des risques en milieu festif, par exemple -, et représentait 575 000 contacts en 2008. Au-delà du soutien et du réconfort qu'ils procurent aux usagers de drogues, ces contacts sont aussi l'occasion de mener des actions d'information sur les comportements les moins risqués et d'éducation à la santé.
Les centres jouent également un rôle important en matière de mise à disposition et de récupération de matériel de prévention. Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, ils ont distribué plus de 3,8 millions de seringues en 2008, soit par le biais d'automates, soit en délivrant directement des trousses ou des seringues à l'unité. Mais sont également diffusés des tampons alcoolisés, des flacons d'eau, des filtres ou des cupules stériles ou, dans une moindre mesure, du matériel pour fumer ou inhaler des produits comme la cocaïne, l'héroïne ou le crack .
Suivent les soins médicaux et infirmiers, au nombre d'environ 101 000 actes la même année, et qui recouvrent non seulement des soins de première nécessité mais aussi des actes de dépistage, de vaccination et de traitement contre les maladies infectieuses. Enfin, dans une très moindre proportion, les centres mènent des actions en matière d'accès aux droits, de logement et d'hébergement des usagers de drogues ainsi que de réinsertion professionnelle.
La politique de réduction des risques repose également sur un autre pilier, celui des traitements de substitution aux opiacés, c'est-à-dire la méthadone et la buprénorphine haut dosage, dérivés d'opiacés pouvant être prescrits par un médecin et délivrés par les officines de pharmacie. Ces traitements permettent d'éviter, chez les personnes dépendantes, le symptôme de manque, en présentant de moindres risques sanitaires que l'héroïne (les risques de surdoses sont amoindris). Ils n'ont pas, non plus, les mêmes effets psychoactifs que celle-ci. Leur prescription et leur délivrance par les intervenants du système de soins permettent en outre aux dépendants aux opiacés de ne plus centrer toute leur vie autour de la recherche et de la prise du produit, ce qui doit leur permettre d'atteindre, à terme, une stabilisation psychosociale et faciliter leur retour à une vie « normale ».
Le secteur de la réduction des risques se caractérise donc par des initiatives multiples, progressivement structurées dans le champ médico-social. Cette diversité ne doit pas cacher l'unité de la démarche poursuivie qui consiste, prioritairement, à améliorer l'état de santé des usagers de drogues, considéré comme un enjeu de santé publique. Sur ce point, le constat est celui d'avancées encourageantes.
* (180) Décret n° 2005-347 du 14 avril 2005 approuvant le référentiel national des actions de réduction des risques en direction des usagers de drogue et complétant le code de la santé publique.
* (181) Matthieu Chalumeau, Les CAARUD en 2008, analyse nationale des rapports d'activité ASA-CAARUD, Observatoire français des drogues et des toxicomanies, Focus juillet 2010.