4. Mieux connaître pour mieux soigner
Les addictions ne sont pas un phénomène nouveau. Pourtant, le corps médical semble parfois démuni pour les prendre en charge et même, dans certains cas, pour les repérer.
a) Renforcer la formation en addictologie des professionnels de santé
Ainsi que l'a souligné le professeur Michel Le Moal (171 ( * )) , l'addictologie est, en France, apparue relativement récemment, avec quinze ans de retard sur les États-Unis. Cette discipline étant récente, elle est relativement ignorée des personnels de santé qui se trouvent, de ce fait, moins bien armés pour prendre en charge les dépendants.
Ce point a été souligné par de nombreux intervenants auprès de la mission d'information. Ainsi en a-t-il été du docteur Jean-Pierre Daulouède, psychiatre addictologue, responsable de mission Réduction des risques à Médecins du Monde, que la mission d'information a pu rencontrer lors d'un déplacement à Bordeaux. Le docteur Patrick Romestaing a lui aussi jugé que « la formation initiale des médecins déjà en activité, en matière de toxicomanies comme de santé publique en général, [était] indigente. Quant à la formation continue sur le sujet, elle concerne surtout les praticiens qui, de par leur lieu d'exercice ou leurs relations professionnelles, ont été amenés à prendre en charge des patients toxicomanes et s'intéressent à cette patientèle particulière » (172 ( * )) . Mme Annie Podeur, directrice générale de l'offre de soins, a pour sa part insisté sur la nécessité d'offrir des formations pluridisciplinaires dans le champ du développement professionnel continu pour parvenir à une diffusion des bonnes pratiques allant du dépistage précoce au suivi postérieur au sevrage, en passant par l'accompagnement et le traitement lui-même (173 ( * )) .
Le constat du besoin en une formation adéquate pour prendre en charge les usagers de drogues a également été mis en évidence par Mme Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, qui a estimé que « pour commencer, il faudrait une sensibilisation plus poussée au cours des études et un effort supplémentaire de formation. Mais en matière de toxicomanie, les choses évoluent terriblement vite. Une formation presque récente peut ne plus être valable. Il faut donc des formations très organisées pour les confrères qui le souhaitent ou qui sont confrontés aux toxicomanies, en liaison avec tous les réseaux, associations, instituts de formation et partenariats » (2) .
Certes, des efforts ont été accomplis, notamment dans le cadre du plan de prise en charge et de prévention des addictions pour la période 2007-2011 qui prévoyait la création d'une filière d'addictologie grâce à la constitution de pôles d'addictologie dans les centres hospitalo-universitaires. La discipline d'addictologie a par ailleurs été créée, par arrêté, sous forme d'option inscrite dans sept sous-sections de la filière de formation médicale universitaire (174 ( * )) . Le plan prévoyait également l'acquisition de compétences en addictologie dans le cadre de la formation médicale continue, en particulier pour les médecins généralistes, les médecins scolaires et les médecins du travail.
Mais les objectifs fixés n'ont été que partiellement atteints. Seule une quinzaine de centres hospitaliers universitaires a une activité d'enseignement et de recherche en addictologie. Cette situation n'est pas dépourvue de conséquences car, comme l'a observé le professeur Michel Reynaud (175 ( * )) , faute de formations cohérentes, la prise en charge peut ne pas reposer sur les meilleures stratégies validées. Il semble donc aujourd'hui nécessaire de mener une action volontariste pour améliorer la formation initiale et continue des médecins en addictologie , et ainsi le repérage précoce et le traitement des addictions, en poursuivant la structuration de la filière universitaire dans cette discipline.
* (171) Audition du 2 mars 2011.
* (172) Audition du 9 mars 2011.
* (173) Audition du 8 juin 2011.
* (174) Arrêté du 25 octobre 2006 modifiant l'arrêté du 29 juin 1992 fixant la liste des sections, des sous-sections et des options ainsi que le nombre des membres de chaque sous-section des groupes du Conseil national des universités pour les disciplines médicales et odontologiques.
* (175) Audition du 11 mai 2011.