N° 685

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) à la suite d'une mission effectuée du 6 au 14 septembre 2010 par une délégation chargée d' étudier la politique familiale et la protection de l' enfance au Québec ,

Par Mmes Muguette DINI, Brigitte BOUT, M. Alain GOURNAC, Mmes Claire-Lise CAMPION, Christiane DEMONTÈS et Isabelle PASQUET,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Milon , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, Anne-Marie Payet , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Roselle Cros, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, M. Jean-Louis Lorrain, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, André Villiers.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Même si la France peut s'enorgueillir d'une politique familiale aux résultats reconnus, il est toujours utile de porter le regard sur la façon dont d'autres, à l'étranger, traitent de problématiques dont les grands traits sont largement partagés : soutenir la natalité, aider les familles aux revenus modestes, répondre aux besoins de garde des enfants ou, plus généralement, faciliter la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

A cet égard, la province du Québec a fait montre, sur la décennie écoulée, d'un volontarisme politique remarqué dont votre commission des affaires sociales a souhaité mesurer les premiers effets et, le cas échéant, tirer les enseignements. C'est la raison pour laquelle sa délégation, conduite par Muguette Dini, présidente, et dont Brigitte Bout, Alain Gournac, Claire-Lise Campion, Christiane Demontès et Isabelle Pasquet étaient membres, s'est rendue à Québec puis à Montréal en septembre dernier.

Afin de repousser l'horizon d'un déclin démographique annoncé et d'adapter la réponse des pouvoirs publics aux besoins nouveaux des familles, le Gouvernement québécois a en effet mis en oeuvre, à partir de 1997, un ambitieux programme de soutien aux familles assis, pour l'essentiel, sur trois piliers : réforme des allocations familiales, subventionnement massif des systèmes de garde d'enfants et adoption d'un régime provincial d'assurance parentale. Or, au vu des premiers résultats obtenus en termes de bien-être social comme d'efficacité économique, il semble bien que la province se soit dotée d'un panier équilibré de services et de prestations financières.

La province du Québec se distingue encore, depuis l'adoption de sa loi sur la protection de la jeunesse en 1977 et au fil de ses révisions successives, par un régime de protection des enfants en danger qui mérite un examen approfondi tant il paraît concilier avantageusement intérêt de l'enfant et respect de l'autorité parentale. Ce système est en particulier marqué, depuis 2006, par l'instauration de délais maximaux de placement au-delà desquels une solution de vie pérenne pour l'enfant doit avoir été trouvée, évitant ainsi les allers-retours permanents entre famille biologique et famille d'accueil.

Quant au système de justice pénale pour adolescents, issu d'une loi fédérale mais appliqué par chaque province, celui-ci appelle aussi certaines observations dans la mesure où l'accent y est mis sur le recours à des mesures et sanctions extrajudiciaires, sur la responsabilisation des auteurs d'infractions et sur la recherche d'une participation accrue des victimes au processus de réparation.

*

La délégation tient à remercier les services des consulats de France à Québec et à Montréal pour leur aide précieuse dans l'élaboration de son programme de travail et leur contribution décisive à la bonne organisation de ses déplacements. Elle exprime sa profonde gratitude à l'ensemble de ses interlocuteurs québécois, parlementaires, membres du Gouvernement, fonctionnaires, magistrats, travailleurs sociaux, pour l'accueil très chaleureux qui lui a été réservé et la parfaite information qu'ils ont su lui procurer.

I. UNE POLITIQUE FAMILIALE DYNAMIQUE AUX PREMIERS RÉSULTATS CONVAINCANTS

Confronté à des tendances démographiques particulièrement négatives au cours de la décennie 1990, le Québec a fait le choix d'investir massivement dans la politique familiale en retenant trois mesures-phares : la consolidation des prestations monétaires en direction des familles, le développement rapide d'un réseau de garde d'enfants à contribution financière réduite ainsi que la création d'un régime spécifique de congé parental.

A. UN INVESTISSEMENT MASSIF POUR RÉPONDRE AU DÉFI DÉMOGRAPHIQUE

1. Le constat : une démographie déprimée et des changements sociétaux marqués

En l'espace de seulement dix ans, le nombre des naissances recensées au Québec a chuté de plus du tiers , passant de 98 000 naissances par an en 1990 à 72 000 en 2000. Il a suivi l'érosion continue de l'indice synthétique de fécondité 1 ( * ) , d'abord brutale entre 1957 et 1971 - plus de quatre enfants par femme à moins de deux, soit en-deçà du seuil de remplacement des générations -, puis régulière tout au long des années 1970 et 1980, pour atteindre son point le plus bas en 1987 (1,36 enfant par femme).

Parallèlement, le vieillissement de la population accroît la pression sur le système de retraite québécois, le nombre des personnes en âge de travailler pour chaque personne âgée de plus de soixante-cinq ans - soit l'âge normal de la retraite au Québec 2 ( * ) - étant passé de huit en 1966, date d'entrée en vigueur du régime de rentes du Québec, à quatre en 2010, voire deux en 2040 selon les dernières projections disponibles 3 ( * ) . Quant à l'incidence du vieillissement sur les dépenses de santé, celui-ci pourrait se traduire par une hausse de près de 30 % du coût des soins d'ici à 2030 4 ( * ) .

Au-delà de ces préoccupations démographiques et budgétaires, il est aussi apparu nécessaire d'adapter la structure des prestations monétaires et l'offre de services à la diversification des modèles comme des trajectoires familiales : mouvance des liens conjugaux, complexification des configurations familiales - familles monoparentales, recomposées, homoparentalité, etc. -, présence accrue des femmes sur le marché du travail et des pères dans la vie du foyer, entre autres.


* 1 Somme de l'ensemble des taux de fécondité par âge pour une année donnée ; l'indice, aussi dénommé indicateur conjoncturel de fécondité, indique le nombre moyen d'enfants que mettrait au monde chaque femme d'une génération fictive pendant sa vie féconde - soit de quinze ans à quarante-neuf ans - avec les taux de fécondité par âge identiques à ceux observés l'année considérée (source : Insee).

* 2 Dans les faits, le retrait du marché du travail s'effectue en moyenne à soixante-deux ans pour les hommes et soixante et un ans pour les femmes.

* 3 Constats et enjeux concernant le système de retraite québécois, Régie des rentes du Québec (août 2010).

* 4 Vieillissement et coûts de santé : des chiffres qui obligeront à réfléchir, Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale (mars 2011).

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