B. LE DÉFI DE LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE À MAYOTTE

L'une des principales différences entre La Réunion et Mayotte réside dans le problème posé par la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte, cette difficulté ne se retrouvant pas dans le département de La Réunion. Cette spécificité mahoraise n'est pas sans conséquences sur les enjeux de la justice sur l'île, placée dans une situation bien plus délicate à gérer que celle de sa voisine.

1. L'importance du flux migratoire

La proximité géographique d'Anjouan et de Mayotte (distantes l'une de l'autre de seulement 70 kilomètres), les liens historiques et familiaux entre Mayotte et le reste de l'archipel des Comores ainsi que l' écart de développement constituent autant de facteurs explicatifs de l'importance des flux migratoires clandestins d'Anjouan vers Mayotte.

Certaines décisions politiques peuvent par ailleurs jouer un effet incitatif aux départs d'Anjouan. Ainsi en est-il, par exemple, de la décision prise, le 15 mars 2011, par le Gouvernement comorien de « ne plus accepter les passagers non identifiés » 4 ( * ) . Par cette décision, le Gouvernement de Moroni refusait ainsi en pratique d'accueillir ses ressortissants refoulés de Mayotte, dès lors qu'ils n'étaient pas en possession de papiers d'identité. Une telle mesure a eu pour répercussion une augmentation très significative du flux d'immigration clandestine sur Mayotte en provenance d'Anjouan.

En réaction, le Gouvernement français a alors suspendu, le 21 mars 2011, la délivrance de visa aux autorités comoriennes. A l'issue de négociations très tendues , les autorités françaises et comoriennes sont finalement parvenues à un accord, le 1 er avril 2011, sur les reconduites à la frontière et l'octroi de visas pour la France.

Il n'en reste pas moins que le désaccord latent entre la France et le Gouvernement de Moroni sur le statut de Mayotte, considérée par Anjouan comme une île comorienne sous occupation française, rend particulièrement difficile la lutte contre l'immigration clandestine dans cette zone. Une certaine « inertie » du Gouvernement de Moroni face à cette situation migratoire délicate accroît encore un peu plus le caractère épineux de cette question et ne facilite pas la conduite de la politique à mener pour endiguer le flux.

Ce flux d'immigration clandestine, précisément, reste ardu à évaluer. Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial auprès du préfet de Mayotte, alors Hubert Derache, les interventions de la police aux frontières sont quasi quotidiennes. Il s'agit en effet d'intercepter les embarcations, désignées sous le terme de « kwassas » , le plus en amont possible des côtes mahoraises. Le nombre de ces embarcations, souvent sujettes à naufrage car surchargées et ne remplissant pas les normes de sécurité habituelles 5 ( * ) , surpasse toutefois fréquemment les capacités d'intervention de la police aux frontières (PAF).

S'agissant du nombre de clandestins sur l'île, les évaluations fluctuent très largement. Certaines estiment cette population à quelques dizaines de milliers de personnes , mais d'autres, s'appuyant sur la consommation de riz à Mayotte, vont jusqu'à près de 200 000 personnes en situation irrégulière sur le territoire (pour une population officielle de 230 000 personnes environ).


* 4 Cette décision peut s'interpréter comme une « réponse négative » à la perspective de la départementalisation de Mayotte.

* 5 En cas de naufrage, il est fréquent que les passagers des « kwassas » meurent de noyade ou dévorés par les requins qui vivent dans ces eaux.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page