4. Le dispositif de défiscalisation n'est pas adapté à l'hôtellerie
La défiscalisation a permis un développement important du parc hôtelier antillais.
Comme le relevait ainsi M. Miguel Laventure en 1997 à propos de la Guadeloupe, « la (...) « loi Pons » a permis d'accroître fortement le parc hôtelier qui a augmenté de 92 % entre 1986 et 1995 » 47 ( * ) . L'ensemble des personnes rencontrées par votre rapporteur dans les deux départements antillais , et notamment les socioprofessionnels, ont souligné l'utilité de la défiscalisation .
Pour autant, votre rapporteur ne peut que relever que la défiscalisation a eu des effets pervers importants dans l'hôtellerie , à l'exemple des « ventes à la découpe » de structures hôtelières, évoquées par Mme Cécile Felzines dans son rapport de 2007, par M. Jean-Paul Octave ou encore par notre collègue Serge Larcher, lors de leur audition par votre rapporteur.
Comme l'indiquait un rapport de 2006 sur l'impact de la défiscalisation, « les résultats dans l'hôtellerie sont contrastés » 48 ( * ) .
Ce constat a été confirmé par le récent rapport d'une mission d'assistance à la Polynésie française, qui s'est intéressée à l'impact de la défiscalisation locale dans l'hôtellerie.
Ce rapport met en évidence que « la défiscalisation permet de baisser le prix d'une chambre d'hôtel (...) de 9,6 à 13 %, en supposant que l'impact de la défiscalisation soit entièrement répercuté sur le coût de production de la chambre, sans effet de marge. Mais la demande est faiblement sensible à cette baisse du prix de la chambre puisque celle-ci n'induit que 5 % de nuitées supplémentaires. ». En conclusion, la mission a estimé que « la défiscalisation locale ne paraît pas pouvoir être considérée comme un instrument efficace de développement du secteur hôtelier » 49 ( * ) .
Votre rapporteur est conscient depuis longtemps des effets pervers de la défiscalisation et n'en est donc pas un défenseur acharné.
Il partage le point de vue exprimé lors de son audition par M. Bruno Magras, président de la collectivité de Saint-Barthélemy : la défiscalisation est une forme de subvention et ne peut que déstabiliser l'économie réelle.
Votre rapporteur est partisan d'une « défiscalisation choisie » : il a ainsi été à l'origine, avec notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances de notre Haute assemblée, de l'article 41 de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) qui permet à l'assemblée territoriale de Wallis-Et-Futuna, au conseil général de Mayotte, aux conseils territoriaux de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, au congrès de la Nouvelle-Calédonie et à l'assemblée de la Polynésie française d'exclure certains secteurs d'activité du bénéfice de la défiscalisation.
Votre rapporteur considère en effet que la défiscalisation n'a pas été conçue comme un outil de développement durable du tourisme.
Cette analyse est aujourd'hui assez largement partagée. Comme l'indiquait ainsi Mme Cécile Felzines dans son rapport de 2007, les investisseurs « n'ont aucune attache dans les DOM et souhaitent absolument vendre leurs investissements hôteliers à l'issue de la période de défiscalisation » 50 ( * ) . Elle relevait, par ailleurs, que la défiscalisation n'avait pas permis de voir « émerger des professionnels locaux de l'hôtellerie mais plutôt des investisseurs » 51 ( * ) .
Lors de son audition par votre rapporteur, Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'outre-mer, a souligné qu'aujourd'hui, « on fait de la défiscalisation pour la défiscalisation », estimant indispensable de lier davantage le gestionnaire et les investisseurs.
Votre rapporteur partage totalement le point de vue exprimé par la ministre : il est indispensable de faire de la défiscalisation, aujourd'hui un simple placement financier, un véritable outil de développement économique durable dans le domaine touristique.
Afin d'atteindre cet objectif, certaines propositions formulées en 2006 par le rapport sur l'impact de la défiscalisation demeurent d'actualité.
La recommandation n° 6 visait ainsi à supprimer les effets d'aubaine de certains investissements, notamment en allongeant de 5 à 8 ou 10 ans la durée d'exploitation en outre-mer de certains biens défiscalisés : en effet, dans le domaine de l'hôtellerie, « l'allongement du délai de détention - qui pourrait être porté à 10 ou 15 ans - devrait permettre de mieux s'assurer que les projets d'hôtel à défiscaliser sont viables de manière à éviter la fermeture de l'hôtel et sa transformation en résidence » 52 ( * ) .
Votre rapporteur estime que cet allongement pourrait permettre de resserrer le lien existant entre le gestionnaire et les investisseurs et de voir émerger une véritable « défiscalisation de projet ».
La recommandation n° 15 du rapport précité pourrait utilement être analysée plus précisément : il s'agit d'encourager les responsables locaux à définir et hiérarchiser leurs priorités et à élaborer des plans d'orientation stratégiques pour rendre plus efficace la défiscalisation des investissements. Les auteurs du rapport s'interrogeaient : « ne faudrait-il pas aussi réfléchir, pour certains secteurs au moins, à conditionner la défiscalisation à l'existence d'un plan de développement sectoriel ? Appliqué à la rénovation hôtelière par exemple, un tel schéma pourrait permettre de retenir, en vue de leur rénovation, les projets qui présentent des potentialités et de pousser à la reconversion, moyennant des montages défiscalisés, ceux qui sont mal situés pour une exploitation touristique (...) ? » 53 ( * ) .
Votre rapporteur estime que ces propositions constituent des pistes afin de limiter les effets pervers de la défiscalisation.
Par ailleurs, votre rapporteur estime que la défiscalisation doit désormais s'appliquer, en matière d'hôtellerie, uniquement à la rénovation des hôtels existants.
La priorité n'est pas aujourd'hui de construire de nouveaux établissements mais d'assurer une mise à niveau du parc hôtelier. Comme indiqué précédemment, ce dernier n'est en effet pas au niveau des normes internationales, comme votre rapporteur a pu lui-même le constater à plusieurs reprises : cela concerne autant les dimensions des chambres, des lits que, par exemple, la présence de certains services, comme les salles de sport ou les spa.
Atout France partage ce point de vue, soulignant qu'en Martinique par exemple, « l'hôtellerie balnéaire (...) n'offre plus le confort et les services attendus par une clientèle qui trouve dans les îles concurrentes voisines, une offre plus conforme à ses attentes et moins chère » et que « la rénovation de ces structures d'hébergement apparaît donc comme une priorité » 54 ( * ) . Dès 2007, Mme Cécile Felzines estimait nécessaire que la défiscalisation vienne soutenir en priorité la rénovation hôtelière 55 ( * ) .
Pour autant, il est clair que la défiscalisation ne suffira pas, à elle seule, à faire venir les touristes . La stratégie touristique et la définition du produit touristique par chacune de ces destinations, évoquées précédemment restent indispensables. Comme l'indiquait en effet le rapport de 2006 précité, « [la] politique [de développement touristique] se cherche encore dans les départements français d'Amérique, notamment aux Antilles. La défiscalisation ne saurait compenser ce manque » 56 ( * ) .
Recommandation n° 5 : ajuster le dispositif de défiscalisation pour l'hôtellerie afin d'aboutir à une « défiscalisation de projet » et de permettre la mise à niveau des établissements hôteliers. |
* 47 « Le tourisme, facteur de développement de l'outre-mer français », Ibid., p. 26.
* 48 Rapport sur l'évaluation de l'impact socio-économique du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer, Inspection générale des Finances, Inspection générale de l'administration, juillet 2006, p. 2.
* 49 Mission d'assistance à la Polynésie française, Inspection générale des finances, Inspection générale de l'administration, Inspection générale des affaires sociales, septembre 2010, Tome 1, Annexe II, p. 12.
* 50 « Le tourisme, perspective d'avenir de l'outre-mer français », Ibid., p. 31.
* 51 Ibid., p. 46.
* 52 Rapport sur l'évaluation de l'impact socio-économique du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer, Ibid., p. 50.
* 53 Ibid., p. 58.
* 54 « Du diagnostic à la mise en oeuvre : priorités d'actions pour chaque destination », Ibid., p. 62.
* 55 Cf. « Le tourisme, perspective d'avenir de l'outre-mer français », Ibid., p. 46.
* 56 Rapport sur l'évaluation de l'impact socio-économique du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer, Ibid., p. 35.