D. LA MAISON DE L'HISTOIRE DE FRANCE : UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC ADMINISTRATIF TÊTE DE PONT DE NOTRE RÉSEAU DE MUSÉES D'HISTOIRE ET DE SOCIÉTÉ
Par un courrier en date du 27 janvier 2011 adressé aux personnels des Archives nationales, le directeur de cabinet du ministre de la culture et de la communication, M. Pierre Hanotaux, a indiqué que les Archives nationales continueront de disposer, à la suite du déménagement d'une partie de leurs fonds sur le site de Pierrefitte, des espaces nécessaires à la réalisation de leurs activités muséographiques. Or, il n'est pas envisageable que, sur un même site, deux institutions publiques conduisent deux activités analogues. Dès lors, deux options, liées étroitement à la localisation de la Maison de l'Histoire, semblent s'imposer afin d'éviter toute redondance entre les deux établissements.
La Maison de l'Histoire de France sera bien installée sur le quadrilatère des Archives nationales dans le Marais. Par conséquent, le département de l'action culturelle et éducative des Archives nationales devra être associé, de façon très étroite, le cas échéant organiquement, à la conception et au pilotage d'une Maison de l'Histoire qui devra demeurer complémentaire de leurs activités muséographiques propres, afin d'éviter toute redondance ou concurrence. Les Archives nationales ont ainsi vocation à réserver leurs activités muséographiques à l'exploration et la valorisation des sources écrites de l'histoire de France depuis le X e siècle. Dans ces conditions, le musée de l'histoire de France des Archives nationales deviendra le « musée des Archives nationales » (son coeur de métier devra être clairement recentré sur les documents archivistiques pour le distinguer clairement de celui de la Maison de l'Histoire, à vocation plus généraliste).
Proposition n° 16 : Garantir l'autonomie de programmation scientifique et culturelle des musées nationaux réunis au sein de la Maison de l'Histoire de France ou associés à elle, en procédant à une évolution statutaire en deux temps : - 1 re étape : constituer une structure de coopération, sous la forme d'une association ou d'un groupement d'intérêt public, ayant pour objectif d'associer étroitement à l'établissement public « Maison de l'Histoire de France » aussi bien les musées nationaux-SCN à vocation historique et l'établissement public du château de Fontainebleau que d'autres organismes partenaires ; - 2 e étape : à la fin de l'année 2012, procéder à une évaluation des résultats de cette structure de coopération afin de déterminer si le texte législatif, prévu par la proposition n° 4 devra aménager des dispositions spécifiques relatives à l'intégration statutaire des musées-SCN au sein de la Maison de l'Histoire de France, dans le respect de leur autonomie de programmation scientifique et culturelle. |
En ce qui concerne l'évolution statutaire des musées nationaux au statut de SCN, votre commission estime nécessaire de procéder par étapes.
Elle propose, dans un premier temps, qu'à la suite de la création, par voie réglementaire au début de l'année 2012, de l'établissement public dénommé « Maison de l'Histoire de France », soit créée une structure de coopération, prenant la forme soit d'une association, soit d'un groupement d'intérêt public (GIP), qui aura vocation à associer à la Maison de l'Histoire de France les musées nationaux-SCN, l'établissement public du château de Fontainebleau, ainsi que tout autre organisme spécialisé dans la valorisation du patrimoine historique et de la connaissance et de la recherche en histoire.
Dans un second temps, à la fin de l'année 2012, il devra être procédé à une évaluation, menée idéalement de façon conjointe par le ministère de la culture et le groupe de travail parlementaire de suivi évoqué à la proposition n° 20, des résultats de la coopération dans le cadre d'une association ou d'un GIP. Sur la base des conclusions de cette évaluation, il devra être déterminé s'il est plus opportun, tant du point de vue de leur gestion administrative et financière que du point de vue de leur autonomie de programmation scientifique et culturelle :
- soit de fondre statutairement les musées nationaux-SCN et l'établissement public du château de Fontainebleau au sein de l'établissement public Maison de l'Histoire de France. Dans cette hypothèse, le texte législatif visant à déterminer les règles constitutives communes aux établissements appartenant à la catégorie d'établissements publics contribuant à la valorisation du patrimoine historique devra comporter des dispositions spécifiques permettant de garantir l'autonomie de programmation scientifique et culturelle des musées nationaux-SCN et de conserver, le cas échéant, le rang d'ordonnateurs secondaires et de responsables de leurs ressources humaines à leurs directeurs. À cet égard, le montage juridique mis en place pour l'établissement public du musée d'Orsay et du musée de l'Orangerie peut constituer une base de départ. En tout état de cause, l'appellation de « musée national » devra être conservée au bénéfice de chacune des entités muséales réunies au sein du socle de la Maison de l'Histoire de France. Ces musées ne sauraient être réduits à de simples départements scientifiques, mais doivent bien conserver leur identité muséale spécifique au sein du futur établissement public ;
- soit de préserver le statut de SCN au profit des musées nationaux disposant de collections à caractère historique. Dans cette hypothèse, les musées nationaux-SCN et l'établissement public du château de Fontainebleau maintiendront une coopération étroite avec la Maison de l'Histoire de France par voie conventionnelle ou dans le cadre d'une structure associative ou d'un GIP.
Dans l'une ou l'autre des deux hypothèses susmentionnées, des dispositions spécifiques devront préciser les conditions dans lesquelles les prêts seront réalisés en vue du renouvellement de la galerie chronologique et de l'organisation des expositions temporaires au sein de la Maison de l'Histoire de France.
Votre commission relève, pour l'heure, que plusieurs services à compétence nationale à finalité muséale disposant de collections à caractère historique ont affiché un certain enthousiasme à l'idée de gagner en visibilité et en moyens à l'issue d'une réunion au sein du socle de la Maison de l'Histoire de France.
C'est en particulier le cas du musée national des plans-reliefs qui pourra compter sur le poids du futur établissement public dans les négociations budgétaires à venir en vue de sécuriser et de relancer les travaux de restauration et d'aménagement nécessaires à son développement légitime au sein de l'hôtel des Invalides. C'est également le cas du musée national de Saint-Germain-en-Laye qui mise sur son intégration au sein de la Maison de l'Histoire de France pour gagner en médiatisation. Dans le cas de ces deux musées, une part considérable de leurs collections respectives est, pour l'heure, totalement inexploitée et il y a fort à penser que leur participation au socle de la Maison de l'Histoire de France devrait leur permettre de mettre à la disposition du public des trésors historiques jusqu'ici insoupçonnés.
Proposition n° 17 : Développer des partenariats avec tous les organismes, établissements et institutions exerçant une activité de promotion de la connaissance de l'histoire, afin de constituer un réseau sous le label « Maison d'Histoire », en respectant les conditions suivantes : - doivent être associées prioritairement les institutions permettant de compléter les périodes historiques couvertes par le réseau de la Maison de l'Histoire de France ; - les conditions de ces partenariats seront déterminées par voie conventionnelle, en s'inspirant des conventions de partenariat établies par le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou ou encore le réseau des pôles associés de la BnF. |
Au-delà des musées nationaux, la Maison de l'Histoire s'emploiera à élaborer des partenariats avec tous les musées et institutions intervenant dans le domaine de l'histoire, en particulier avec les établissements appartenant aux collectivités territoriales. Les liens contractuels entre la Maison de l'Histoire et les adhérents de son réseau pourront prendre la forme de conventions de partenariat analogues à celles qui existent entre la Bibliothèque nationale de France et les bibliothèques et médiathèques gérées par les collectivités territoriales. Les musées territoriaux ayant adhéré au réseau de la Maison de l'Histoire se verront attribuer le label « Maison de l'Histoire » sur la base de critères définis au sein d'un cahier des charges mettant en avant la qualité de la méthodologie scientifique. Ce label contribuera à leur visibilité au niveau tant national qu'international et au renforcement du potentiel touristique des territoires où ils sont implantés.
En effet, le musée d'histoire constitue un outil exceptionnel de l'aménagement culturel de nos territoires à deux titres :
- d'une part, la création d'un musée d'histoire dans un territoire permet d'historiciser ce dernier, de l'inscrire dans le temps long. L'épaisseur historique d'un territoire fait partie intégrante de son identité culturelle. Du reste, cette identité culturelle et historique n'est pas nécessairement circonscrite par les limites administratives (parfois artificielles) du territoire en question, elle est même bien souvent susceptible de les dépasser. L'histoire est sans doute le meilleur moyen de comprendre le rapport de ce territoire avec les régions voisines, de mieux saisir la logique de son intégration dans l'espace national et européen, au-delà des seules considérations d'ordre administratif ou économique ;
- d'autre part, la création d'un musée d'histoire territorial est l'occasion de « territorialiser l'histoire » 53 ( * ) et donc de développer et de démocratiser l'accès à la culture historique. La création d'un label « Maison de l'Histoire » attribué à tous les musées territoriaux désireux de développer une coopération étroite avec la Maison de l'Histoire de France en faveur du développement de la connaissance en histoire doit précisément permettre de renforcer leur visibilité aussi bien au niveau national que sur le plan international.
Afin de compléter les périodes historiques couvertes par la Maison de l'Histoire de France, il convient impérativement de solliciter l'association, entre autres, des institutions suivantes :
- le musée de la Révolution française de Vizille, couvrant l'histoire de la Révolution mais également la création artistique et intellectuelle ainsi que les transformations culturelles en Europe de la période des Lumières au romantisme ;
- l'historial de Péronne, couvrant la période de la Grande Guerre ;
- le mémorial de Caen, incarnant le souvenir de la Seconde Guerre mondiale ;
- la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine et son musée d'histoire contemporaine, spécialisés dans l'histoire contemporaine et les relations internationales aux XX e et XXI e siècles. La BDIC est un service inter-établissements de coopération documentaire, rattaché à l'université Paris X, et un centre d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique et technique ;
- le musée Carnavalet, couvrant l'histoire de Paris (et envisager, dans ce cadre, un approfondissement de la connaissance de l'histoire de la Commune qui est, aujourd'hui, insuffisamment explorée dans un cadre muséal) ;
- la Cité nationale de l'histoire de l'immigration ;
- le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, auquel ont été transférées les collections de l'ancien musée national des arts et traditions populaires, à vocation ethnologique ;
- le musée de l'homme, à vocation ethnologique et anthropologique, appartenant au muséum national d'histoire naturelle ;
- le centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane, mémorial consacré au souvenir des crimes commis par l'armée allemande dans ce village martyr pendant la Seconde guerre mondiale.
Proposition n° 18 : Développer un portail numérique donnant accès à l'information sur les collections historiques, notamment en direction des publics scolaire, universitaire et scientifique et du corps enseignant, et pouvant servir de support à la diffusion d'expositions virtuelles. |
La Maison de l'Histoire développera un portail numérique conférant une visibilité maximale aux collections historiques existant en France. Les membres du réseau de la Maison de l'Histoire s'engageront à alimenter une base de données recensant les collections historiques disponibles selon une logique aussi bien chronologique que thématique. Cette base de données sera constituée en lien étroit avec les pôles de recherche universitaire afin d'en faire un outil performant au bénéfice des chercheurs.
Le portail numérique de la Maison de l'Histoire de France devra également servir de support à la diffusion des connaissances sur l'histoire de France via la mise en ligne d'expositions virtuelles. La base de données informatiques créée par le ministère de la culture et de la communication sous le titre « Henri IV. Le règne interrompu », en vue de célébrer en 2010 le quadricentenaire de la mort du monarque, a connu un vif succès et constitue un exemple remarquable à suivre.
En s'appuyant sur sa technologie Street View , le moteur de recherche « Google » a créé un musée virtuel offrant désormais la possibilité à l'internaute de se déplacer à 360 degrés à l'intérieur de 17 des plus grands musées de la planète, dont le château de Versailles ou encore le musée d'art moderne de New York. Chaque musée a ainsi mis à la disposition du public en ligne une oeuvre en particulier, numérisée en très haute définition, de sorte que l'internaute puisse apprécier jusqu'à l'épaisseur du coup de pinceau. Cette initiative a été jugée très positivement par les directeurs des établissements concernés, dont celui du musée d'art moderne de la Tate à Londres, M. Nicholas Serota, qui déclare que « les gens, une fois qu'ils ont eu un aperçu sur Internet, veulent voir le véritable tableau » 54 ( * ) .
Proposition n° 19 : Développer un partenariat ambitieux avec l'Institut français afin de promouvoir à l'étranger les résultats de la recherche en histoire en France et le patrimoine historique français. |
Afin d'oeuvrer à la valorisation de notre patrimoine historique à l'étranger, la Maison de l'Histoire de France développera des partenariats en ce sens avec l'Institut français, en lien étroit avec le réseau culturel de la France à l'étranger. L'Institut français dispose de compétences larges en matière d'exportation de notre patrimoine audiovisuel et cinématographique mais également en matière de diffusion de la recherche scientifique française et de la conduite du débat d'idées à l'étranger. Au niveau de chacun de nos établissements culturels à l'étranger, l'Institut français devra s'employer à mettre en avant la diversité de notre réseau de musées d'histoire répartis sur l'ensemble du territoire national (afin de leur conférer un prestige à l'étranger équivalent à celui de nos musées de beaux-arts).
* 53 Selon l'expression de M. Hugues Hairy, « L'enjeu territorial des musées d'histoire » » in Des musées d'histoire pour l'avenir , actes du colloque organisé à l'Historial de Péronne du 19 au 21 novembre 1996, Noêsis, Paris, 1998.
* 54 Cité dans « Les plus grands musées du monde en un clic », article de Libération - Next , édition du 2 février 2011.