B. LE CONTENU DE LA RÉFORME
La loi du 3 décembre 2001 trouve juridiquement son origine dans deux propositions de loi, la première déposée à l'Assemblée nationale et adoptée en première lecture le 8 février 2001 6 ( * ) , la seconde jointe à l'examen de cette dernière par la commission des lois du Sénat 7 ( * ) . Mais intellectuellement, elle constitue l'aboutissement d'une réflexion engagée alors depuis près de dix ans, faisant suite aux travaux du groupe de travail animé par le doyen Carbonnier et le professeur Catala, au rapport de Mme Irène Théry 8 ( * ) et à celui du groupe de travail présidé par Mme Dekeuwer-Défossez 9 ( * ) , ainsi qu'à un premier projet de loi déposé en 1991 sur le bureau de l'Assemblée nationale par M. Michel Sapin 10 ( * ) et un second, plus général, par M. Pierre Méhaignerie en 1995 11 ( * ) .
1. Les principes retenus
Le législateur a été guidé par plusieurs principes qui, de l'aveu de notre collègue Jean-Jacques Hyest, rapporteur de votre commission des lois lors de la seconde lecture du texte, ont pu être difficile à concilier 12 ( * ) .
Il s'est agi, en premier lieu, de permettre au conjoint de garder les conditions de vie les plus proches possibles de ses conditions de vie antérieures. C'est ce qui a motivé la position du Sénat sur la possibilité pour l'intéressé de choisir l'usufruit et sur le droit d'habitation du logement servant de résidence principale.
La seconde préoccupation a été de tenir compte de la présence d'enfant d'un premier lit, ce qui imposait de différencier les solutions en fonction des situations familiales. Il fallait en effet veiller à ce que les premiers enfants ne voient pas les biens de leur parent divertis au profit des enfants du conjoint survivant, parce qu'ils seraient entièrement revenus à ce dernier. De la même manière, il convenait d'éviter qu'un conjoint de la même génération que les enfants du premier lit, puisse conserver durablement l'usufruit de biens dont ces derniers n'auraient été que nus-propriétaires.
Le législateur a souhaité ne pas écarter complètement la famille par le sang, ce qui conduisait à reconnaître des droits successoraux aux frères et soeurs et aux grands-parents et apporter une protection aux biens de famille en prévoyant un droit de retour légal. Ainsi que le rappelait notre collègue Nicolas About, dans son rapport de première lecture, « il ne convient pas de passer d'une situation où le conjoint était exclu par la famille par le sang à une situation où il exclurait lui-même cette famille. Il faut trouver un équilibre entre ces deux extrêmes » 13 ( * ) .
Un dernier principe a été pris en compte dans les débats : le respect de la liberté testamentaire du défunt. En effet, les liens d'affection n'imposent pas les mêmes restrictions que les liens du sang, ce qui autorise à ne pas conférer au conjoint survivant la qualité d'héritier réservataire au même titre que les enfants.
* 6 Proposition de loi n° 224 (2000-2001), relative aux droits du conjoint survivant.
* 7 Proposition de loi n° 211 (2000-2001) de M. Nicolas About, visant à améliorer les droits et les conditions d'existence des conjoints survivants et à instaurer dans le Code civil une égalité successorale entre les enfants légitimes et les enfants naturels ou adultérins.
* 8 Couple, filiation et parenté aujourd'hui , mai 1998, rapport remis à la ministre de l'emploi et de la solidarité et au garde des Sceaux.
* 9 Rénover le droit de la famille , rapport remis en septembre 1999 au garde des Sceaux.
* 10 Projet de loi modifiant le code civil et relatif aux droits des héritiers, n° 2530, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 23 décembre 1993.
* 11 Projet de loi modifiant le code civil et relatif aux successions, n° 1941, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 8 février 1995.
* 12 Cf. le rapport de notre collègue M. Jean-Jacques Hyest, au nom de la commission des lois du Sénat, n° 40 (2001-2002), p. 10. http://www.senat.fr/rap/l01-040/l01-040.html
* 13 Rapport n° 378 (2000-2001), précité, p. 34.