D. LA POLITIQUE AFRICAINE : UNE DÉFENSE DES INTÉRÊTS COMMUNS

C'est également au Cap que ces intérêts sont clairement énoncés. Cette relation d'intérêts entre Etats est naturellement réciproque. Une politique c'est finalement la rencontre d'intérêts communs, mutuellement avantageux, de chacune des parties. La politique africaine de la France repose sur cet équilibre, cette convergence des intérêts français, européens, africains et de chacun des pays du continent. Ils sont essentiellement sécuritaires, économiques et de posture internationale :

• « la sécurité et la prospérité de la France et de l'Europe sont indissociables de la sécurité et de la prospérité de l'Afrique » ;

• les accords de défense bilatéraux doivent reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains ;

• « la France a intérêt à la sécurité de l'Afrique. D'abord parce que la paix et la stabilité sont les conditions indispensables du développement. Ensuite, parce que les guerres, les pandémies, les trafics ou le terrorisme en Afrique ont des conséquences directes en France. »

• « si la France veut refonder sa relation avec l'Afrique, elle doit commencer par reconnaître et assumer ses intérêts en Afrique et en particulier :

o la paix et la sécurité du continent africain ;

o la lutte contre la pauvreté ;

o la croissance économique du continent ;

o son insertion dans la mondialisation ;

qui sont des intérêts communs. »

• « La France a intérêt au développement de l'Afrique. Le potentiel de croissance du continent, ses richesses naturelles, son marché prometteur en font une partie du monde que nous ne pouvons négliger ».

• le développement économique et la prospérité limitent les flux migratoires. L'immigration choisie et le co-développement sont deux outils à promouvoir.

• La France et l'Afrique ont un même intérêt à une meilleure régulation de la mondialisation. Il serait totalement illusoire et dangereux de prétendre gérer les affaires du monde sans l'Afrique.

• Enfin, la défense de la francophonie, patrimoine culturel commun, est un vecteur d'influence partagé.

La liste de ces « intérêts » ne reflète pas une vision passéiste de nos rapports avec le continent et les sociétés africaines. On ne peut qu'être frappé par l'extraordinaire dynamisme de l'Afrique bientôt forte de ses 1,8 milliard d'hommes en 2050, c'est-à-dire demain. « La façon dont les africains se déplaceront, se définiront et interagiront avec leur environnement déterminera la trajectoire de leur société - mais aussi des nôtres » 11 ( * ) . Ignorer ces « mutations d'intensité sismique », cette « réémergence stratégique » serait faire preuve de cécité et constituerait une faute politique. « Le grand chambardement africain implique des choix radicaux de politique publique ».

Le fait de parler de « politique africaine de la France » plutôt que « des politiques de la France en Afrique » établit un lien qui, tout en abordant la relation de manière résolument nouvelle, ne fait pas table rase d'un passé riche, même s'il est parfois douloureux. La relation entre la France et l'Afrique, qui s'inscrit dans le temps long de l'histoire, est un atout fondamental.

Le rôle de la solidarité entre la France et l'Afrique ne doit pas être oublié. Certains chefs d'État africain avaient pu constater, de manière désabusée, que « la France préférait ses intérêts à ses enfants ».

Au Cap, le Président de la République avait constaté « qu'en dépit de la profondeur de l'ancienneté des liens, la relation de la France avec l'Afrique, particulièrement avec l'Afrique subsaharienne, se distend..... Nous nous trouvons dans une situation où notre engagement politique, militaire ou économique aux côtés de l'Afrique est perçu par beaucoup non comme une aide sincère, mais comme une ingérence coloniale ; mais où, dans le même temps, une indifférence, un retrait ou une absence d'engagement nous sont reprochés comme un abandon ou une ingratitude ».

C'est pour contredire ces impressions que la banalisation des rapports entre la France et l'Afrique ne doit pas être poussée trop loin.

Lors du 23e sommet Afrique-France consacré à la jeunesse africaine qui s'était tenue à Bamako au Mali, en 2005, le Président Jacques Chirac avait déclaré : « la France sera toujours fidèle aux liens qui l'unissent à l'Afrique, des liens qui se sont d'abord ceux du coeur et des sentiments partagés... Notre relation ne sera jamais banale. Depuis les indépendances, vous avez changé, et nous aussi. Mais ce qui n'a pas changé et ce qui ne changera pas, c'est l'engagement déterminé de la France en faveur et aux côtés de l'Afrique ».

En dépit des changements à la tête de l'Etat et de la volonté de marquer la relation France-Afrique, les différents gouvernements ont poursuivis depuis 1990 une politique d'une grande continuité dans son adaptation à la mondialisation. La « relation singulière » entre la France et les pays africains s'est normalisée en rapports entre Etats et entre blocs - Union africaine et Union européenne - sans toutefois se banaliser.


* 11 Les citations entre guillemets sont extraits du livre « Le temps de l'Afrique » de Jean-Michel Severino et Olivier Ray.

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