B. L'ORGANISATION INSTITUTIONNELLE ET LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
1. La question du schéma institutionnel
Vos rapporteurs observent que la pertinence d'un schéma institutionnel distinguant, pour une population de 6 125 habitants, deux communes et un conseil territorial, constitue un point d'interrogation récurrent parmi les acteurs politiques et économiques de l'archipel.
En effet, l'existence de trois collectivités territoriales de plein exercice sur un territoire aussi peu peuplé ne peut que soulever des questions, voire susciter une perplexité . D'autres territoires comptant une population plus importante - Saint-Martin, Wallis et Futuna et Saint-Barthélemy - sont constitués en collectivité unique, cumulant les compétences respectives de trois niveaux de collectivités territoriales (commune, département, région) et des compétences normatives plus étendues que celles de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon, conscients du caractère disproportionné de cette organisation, soulignent néanmoins la nécessité de préserver les intérêts de Miquelon-Langlade, qui, dans le cas d'une fusion pure et simple des trois collectivités, risqueraient d'être laminés, compte tenu de sa faible population.
Mme Karine Claireaux, maire de Saint-Pierre, a estimé que l'organisation institutionnelle de Saint-Pierre-et-Miquelon empêchait tout développement économique, car les élus ne parlent pas d'une seule voix. Les institutions ne favorisent pas de démarche commune mais engendrent une redondance, voire une concurrence, des interventions. La collectivité est comme coupée des réalités communales et quotidiennes de la population, tandis que les communes ont l'impression de subir plutôt que d'être des acteurs sur leur territoire.
Aussi Mme Claireaux a-t-elle considéré que le conseil territorial devait être l'émanation des deux communes, sur le modèle du conseil de Paris et des conseils d'arrondissements. Elle a estimé qu'une telle organisation serait plus cohérente et plus proche des besoins réels de l'archipel. Elle s'est prononcée pour le maintien du nombre actuel de conseillers municipaux (29 à Saint-Pierre et 15 à Miquelon-Langlade), expliquant que certains de ces élus constitueraient le conseil territorial.
Elle a souligné que la commune de Saint-Pierre fonctionnait comme une ville de 30 000 habitants, sans toutefois disposer des moyens financiers et techniques correspondants. Elle a expliqué que les communes de l'archipel revendiquaient l'exercice des compétences qui sont celles des communes en métropole, en matière d'urbanisme et de logement notamment.
Notre collègue Denis Detcheverry, conseiller municipal et ancien maire de Miquelon-Langlade, a également estimé que l'organisation institutionnelle de l'archipel pourrait être simplifiée sur le modèle de l'intercommunalité, qui favoriserait la cohésion. Il a expliqué que Miquelon-Langlade était confrontée à un urbanisme incontrôlé, les règles d'urbanisme échappant à la commune. La collectivité avait ainsi pu décider la création d'un lotissement à Langlade, sans que l'avis de la commune soit pris en compte.
La réunion des trois niveaux de compétence (communal, départemental et régional) au sein d'une seule collectivité, sur le modèle des statuts de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, serait envisageable, mais elle risquerait de faire disparaître toute représentation des intérêts de Miquelon-Langlade.
C'est dans cette configuration spécifique que réside la particularité de Saint-Pierre-et-Miquelon. L'archipel est peu peuplé, mais les deux îles habitées sont dans des situations très différentes et potentiellement opposées . Une redéfinition de l'organisation statutaire ne peut être menée à bien sans prendre en compte ces réalités économiques et sociales qui distinguent fortement les deux îles.
Ainsi, on ne saurait ignorer que Miquelon-Langlade est perçue par beaucoup d'habitants de Saint-Pierre comme un lieu de villégiature. En conséquence, ces derniers ne seraient pas toujours favorables au développement de l'île, ni à la protection de son milieu naturel, si cette protection doit avoir des répercussions sur les autorisations d'urbanisme ou sur les activités de chasse, par exemple.
Vos rapporteurs souhaitent ici contribuer à la réflexion sur la redéfinition du schéma institutionnel de l'archipel.
Si les élus et la population souhaitent engager un débat sur une amélioration de l'organisation institutionnelle de l'archipel, la réflexion pourrait en effet se fonder sur un schéma faisant du conseil territorial un organe intercommunal, émanant de ces deux communes . Ce schéma reprendrait, à une plus petite échelle, celui des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, ou encore celui des conseils d'arrondissement du régime « P. L. M. » (Paris, Lyon, Marseille).
Les élus municipaux et territoriaux procèderaient donc d'une seule élection. Le conseil municipal de Saint-Pierre compte en effet 29 membres et celui de Miquelon-Langlade 15. Seuls certains des élus municipaux seraient appelés à siéger au sein du conseil territorial, la loi devrait simplement prévoir le nombre de candidats requis pour siéger à la fois au sein de la commune et au sein de la collectivité d'outre-mer (fléchage).
L'exécutif de la collectivité devrait être composé de façon à assurer la représentation de Miquelon-Langlade .
Cette nouvelle organisation impliquerait une concertation permanente et favoriserait des décisions communes, au sein d'un conseil territorial qui serait concentré sur les questions de développement économique. Elle permettrait de mettre un terme à la dispersion des énergies dénoncée par de nombreux responsables locaux.