III. L'AVENIR DES CREPS : UNE RÉFORME EN TROMPE-L'oeIL
Au vu de l'intérêt de l'action des CREPS et de la continuité des missions qu'ils sont au final supposés exercer, il apparaît que la réforme du réseau des CREPS n'est pas une réforme de fond . Elle traduit principalement une volonté de l'État de se désengager financièrement mais ne supprime pas le « besoin de CREPS ».
C'est la raison pour laquelle votre rapporteur a engagé une réflexion sur quatre points :
- l'avenir des CREPS fermés . Si leur action était utile, il est improbable qu'elle soit abandonnée : il est donc particulièrement intéressant de savoir quelles seront les conditions de cette reprise et si elle passera par une reprise en main des anciens CREPS par les collectivités territoriales ;
- la pertinence du recentrage des CREPS sur le coeur de métier . Votre rapporteur a en effet considéré que l'abandon de certaines activités auparavant exercées pourrait avoir des conséquences sur la capacité des établissements à mener leur mission principale ;
- sur l'exercice de la tutelle . Votre rapporteur considère que la gouvernance de la politique sportive est subrepticement modifiée par la montée en puissance de l'INSEP et que cette évolution mérite d'être analysée ;
- enfin sur la réalité des économies réalisées via la réforme des CREPS . A cet égard, s'il ne fait aucun doute que le seul fondement de la réforme du réseau était une volonté de réduire la dépense, il paraît intéressant de se poser la question de savoir si cet objectif sera réalisé.
A. LES CREPS SONT MORTS, VIVE LES CREPS
Une réflexion sur l'avenir des CREPS doit d'abord porter sur celui des établissements qui ont été fermés. Que sont-ils devenus, dès lors que l'on a constaté qu'ils jouent un rôle très utile ?
Selon les informations transmises par le ministère chargé des sports, la conduite du processus de fermeture des CREPS s'est inscrite dans un cadrage politique autour des trois principes suivants :
- veiller à ce que les personnels des établissements, fonctionnaires titulaires et contractuels bénéficient d'un reclassement au plus près de leurs intérêts, ce qui impose la prise en compte des situations individuelles. Des cellules de reclassement ont été mises en place par le chef des services déconcentrés régionaux de l'État chargé des sports pour les personnels contractuels et les fonctionnaires à gestion déconcentrée. Pour les personnels d'encadrement et les personnels à gestion nationale, une cellule nationale de reclassement a été constituée à la direction des ressources humaines. Votre rapporteur ne dispose pas, à cet égard, d'informations permettant de porter un jugement sur les résultats en la matière ;
- inciter les partenaires locaux, et notamment les collectivités, à mettre en oeuvre des projets de reprise des sites et de continuation d'activités au service du développement sportif régional et de la vie associative, en évitant le spectre de « friches sportives » du fait de la fermeture des CREPS concernés ;
- et accompagner les collectivités dans leurs projets de reprise des sites , dès l'instant que celles-ci facilitaient les possibilités de reclassement des agents des établissements.
Votre rapporteur considère que l'on est bien là au coeur du paradoxe de la RGPP : l'État se désengage financièrement d'actions, non pas avec des objectifs de politiques sectorielles, mais pour des raisons strictement budgétaires, en espérant que les collectivités territoriales seront forcées de reprendre la main sur des éléments importants de l'aménagement du territoire .
Force est de reconnaître que cette stratégie perverse fonctionne. Ainsi, à ce jour, la situation des 8 sites concernés par la fermeture d'un CREPS est la suivante :
- site de Chalain (CREPS de Franche-Comté) : les négociations avec le conseil général du Jura ont abouti à la cession du site de Chalain à cette collectivité . L'association des maisons familiales rurales y développe une activité ;
- site d'Houlgate : le projet de reprise est porté par le conseil régional de Basse-Normandie en collaboration avec les autres collectivités concernées et avec l'appui technique temporaire des services de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de Caen. Une association - Association de gestion du centre sportif Normandie en pays d'Auge - a été créée pour gérer le site et pour organiser une activité dans les champs de la formation, de l'accueil collectif et du sport ;
- site de Mâcon : maintien d'une activité sur le site dans les champs de la formation, de l'accueil collectif et du sport . Le projet de reprise est porté par la ville de Mâcon avec un appui technique temporaire des services de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de Lyon. La structure gestionnaire du site est une association ;
- site d'Ajaccio : un protocole signé le 29 janvier 2009 entre l'État et la collectivité territoriale de Corse prévoit la poursuite des activités par le Centre du sport et de la jeunesse de Corse , sous la forme d'une régie autonome dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Cet accord précise les conditions de mise à disposition, au bénéfice du centre du sport et de la jeunesse de Corse, de moyens en personnels et des biens mobiliers et immobiliers pour son fonctionnement ;
- site de Voiron : à l'issue de 9 mois de négociation, un protocole a été signé le 12 juillet 2010 entre l'État, le comité régional olympique et sportif, le conseil régional Rhône-Alpes, le conseil général de l'Isère, la ville de Voiron et la communauté d'agglomération du Pays voironnais. Cet accord organise la continuité des activités dédiées au sport et à la formation ainsi que l'acquisition du site, d'une superficie de près de 18 hectares, par la communauté d'agglomération du Pays voironnais ;
- site de Dinard : un partenariat entre l'État et la région Bretagne a été formalisé par la signature d'un protocole le 29 janvier 2010 à Rennes prévoyant la mise en place du campus de l'excellence sportive de Bretagne . Certaines missions jusqu'alors dévolues au CREPS de Dinard seront exercées par un groupement d'intérêt public. L'apport de l'État à cette structure sera constitué pour une période expérimentale, courant jusqu'au 31 août 2013, par les installations du CREPS de Dinard, l'intervention des personnels techniques et pédagogiques, l'apport de moyens de fonctionnement. L'évolution à moyen terme de la coopération État/Région pour le fonctionnement du campus fera l'objet d'une évaluation en 2013.
S'agissant des sites d'Amiens et Limoges, constitués de bâtiments dont l'État n'était pas propriétaire, la question de la reprise de site ne s'est pas posée dans les mêmes termes.
Néanmoins, sur le site d'Amiens, propriété de la communauté d'agglomération Amiens Métropole, l'État va contribuer au financement d'une étude commanditée par le conseil régional sur les modalités juridiques et budgétaires à mettre en place dans le cadre de la reprise d'activité dans les mêmes champs d'intervention . Dans l'attente des conclusions de cette étude, le comité régional des associations de jeunesse et d'éducation populaire (CRAJEP) de Picardie gère le site.
Ainsi dans six cas sur huit, les activités auparavant conduites par les CREPS seront reprises dans des formes similaires par un nouvel organisme financé par une collectivité territoriale.
L'État s'est donc clairement déchargé d'une mission de service public majeur sur les collectivités, sans prévoir de modalités de compensation, alors que celles-ci sont déjà étranglées par leurs missions obligatoires. Il assure au « coup par coup » la rénovation des installations afin de permettre la revente du site, ou la mise en place d'un nouvel organisme via des subventions transitoires. Ce désengagement risque en outre de créer des iniquités territoriales.
Votre rapporteur souligne toutefois qu'il est heureux que ces nouveaux établissements puissent bénéficier, contrairement aux CREPS actuels, des subventions du Centre national du développement du sport, ce qui devrait permettre de favoriser leur développement et leur pérennité.
A cet égard, une réflexion devra être menée sur la définition d'un nouveau modèle d'acteur local de la politique sportive en matière de soutien au haut niveau (resserrement des relations avec les structures mises en place dans les établissements scolaires) et de formations (création de pôles uniques régionaux de formations sportives).