Audition de M. Xavier GUILHOU, Président du Comité de Liaison Défense du MEDEF, en présence de M. Loïck VIAOUËT, Directeur général de l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie rhodanienne et du Colonel Bernard HUARTE, Secrétaire général Comité de Liaison «Défense-MEDEF», le 13 octobre 2010
En introduction, M. Xavier Guilhou a présenté le Comité de Liaison Défense du Medef qui existe depuis 40 ans et accompagne le ministère de la défense sur un certain nombre de préoccupations communes aux entreprises et au monde de la défense.
Il a indiqué qu'avec la fin de la guerre froide et la disparition de la conscription, les sujets de préoccupation du Comité de Liaison Défense du Medef avaient évolué vers une approche opérationnelle telle que l'accompagnement de la professionnalisation des armées ou l'échange de nouveaux modes d'organisation face à la globalisation des échanges.
Il a indiqué que le Comité de Liaison Défense avait travaillé avec le Ministère de la défense et l'État-major des armées sur la refonte de la réserve en 1999 et en 2006 mais également sur l'émergence de nouveaux concepts liés notamment au rôle des réserves dans les opérations civilo-militaires depuis 1994.
Sur le fond, Xavier Guilhou a indiqué que le Medef n'était pas hostile à l'utilisation de cette réserve pour accompagner la dynamique de résilience du pays. Il a souligné que le Medef avait conscience de la responsabilité des entreprises sur le plan, sociétal, environnemental et stratégique et menait une réflexion sur la contribution des entreprises à l'effort de sécurité et de défense du pays.
Il a toutefois souligné, s'agissant des réserves, qu'elles étaient méconnues des chefs d'entreprises qui pensaient dans leur majorité que les réserves avaient disparu avec la fin du service militaire. Il a ajouté que cette méconnaissance était accrue par le fait que dans la majorité des cas, les salariés n'osent pas ou ne souhaitent pas informer l'entreprise de leur appartenance aux réserves. Il a fait observer que ceux qui connaissaient les réserves n'avaient en général pas une idée claire de leur utilité.
Xavier Guilhou a précisé ensuite que lors de la signature d'engagement à servir dans la réserve (ESR) d'un salarié, l'entreprise n'a pas connaissance de ce contrat alors même qu'elle est concernée, d'une part, par l'obligation de libérer le salarié pendant au moins cinq jours sans son accord et, d'autre part, par le fait que le salarié, lorsqu'il exerce son activité de réserviste, bénéficie de la protection sociale que lui confère son appartenance à l'entreprise.
Il a estimé que cette situation était préoccupante dans la mesure où elle engageait les entreprises à leur insu, souhaitant que le contrat soit véritablement tripartite. Observant qu'il s'agissait d'un véritable problème de fonctionnement puisqu'il n'existait pas de véritable partenariat entre le salarié réserviste, la Défense et l'entreprise, il a souligné le caractère hybride du contrat d'ESR : le contrat de travail du salarié exerçant une activité dans la réserve pendant son temps de travail est suspendu ; toutefois, cette période de suspension est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droit aux prestations sociales.
Il a indiqué avec M. Loïk Viaouët qu'en matière de protection sociale, en cas de dommage lié à ses activités dans la réserve, le réserviste, ou le cas échéant ses ayant droits, se voit octroyer une réparation calculée selon les règles communes à l'ensemble de la communauté militaire et qu' il est sensé bénéficier en même temps des prestations de l'assurance-maladie, maternité, invalidité, et décès du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans la réserve.
M. Loïk Viaouët a insisté sur le fait que la situation ne semblait pas être claire pour les contrats collectifs de prévoyance complémentaire souscrits par les entreprises dont certains prévoient, en particulier depuis le 11 septembre 2001, des exclusions spécifiques pour les situations de guerre. L'obligation faite aux employeurs de maintenir les couvertures de prévoyance complémentaire à leurs salariés réservistes semble remplie, dès lors que les cotisations à ces contrats y compris la part incombant au salarié continuent d'être versées normalement. Le fait que les contrats prévoient des exclusions du risque de guerre ne devrait pas engager les entreprises. Mais M. Xavier Guilhou a fait part de ses craintes qu'en cas d'accident, les entreprises étant soumises à des règles strictes de droit du travail, les familles puissent se retourner contre l'employeur en mettant en cause sa responsabilité.
Il a indiqué qu'il n'y avait pas eu à ce jour de cas grave mais il paraissait judicieux au Comité de Liaison Défense du Medef qu'une réflexion approfondie soit engagée, en se rapprochant éventuellement de la gendarmerie, organisme dans lequel des cas graves d'accidents se seraient déjà produits.
Xavier Guilhou s'est ensuite interrogé sur le sens de la réserve, sa mission sa finalité et ses objectifs. Il a estimé que depuis 15 ans, faute d'un vrai discours politique sur la question entre le 1er et le 2ème Livre blanc, le sens et la vocation des réserves ne sont plus clairs dans l'esprit des Français en général et des chefs d'entreprise en particulier.
A son sens, même si le CSRM a essayé de nourrir la réflexion, la situation globale des réserves s'est dégradée à tel point qu'on prend aujourd'hui le risque de ne plus attirer de réservistes.
Interrogé sur l'opportunité de l'organisation par le Medef d'une opération d'information et de sensibilisation sous forme de séminaire auprès des dirigeants d'entreprises civiles, Xavier Guilhou a précisé que le Medef international était particulièrement informé sur ce sujet. Il a préconisé, pour sa part, une information à l'ensemble des chefs d'entreprises.
Sur ce point, Loïk Viaouët a souhaité préciser que le Medef s'est organisé en Comités de Liaison Défense régionaux avec comme objectif de mettre en avant les réserves. Il a indiqué ensuite que toutes sortes de manifestations ont été testées depuis 15 ans par le Medef pour favoriser l'emploi de salariés réservistes sans véritable succès, exprimant ses doutes sur l'intérêt de la journée nationale du réserviste.
Loïk Viaouët a souligné, quant à lui, que l'existence de 78 000 réservistes occupés 25 jours par an en 2015 constituait une ponction importante sur les quelques 2 400 000 entreprises en France. Il a estimé que cette ponction était très inégalement répartie sans rapport avec la capacité des entreprises à se priver de tel ou tel salarié, sans omettre que la création de nouvelles réserves (Sécurité nationale, communale pénitentiaire....) risquait d'accroitre la ponction en cas de crise.
Il a fait observer que l'impact du crédit d'impôt octroyé dès 2005 aux entreprises employant des salariés réservistes ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle, reconduit jusqu'à ce jour, n'a pas été utilisé.
Xavier Guilhou a ensuite considéré qu'il convenait de clarifier les règles relatives à la réserve. Il a fait observer que par exemple les congés liés à un engagement humanitaire fonctionnaient parfaitement avec les entreprises, les règles étant claires et précises.
Xavier Guilhou, interrogé sur les recommandations qu'il pourrait donner aux rapporteurs, s'est prononcé pour une clarification de la loi, une simplification des règles vis-à-vis des chefs d'entreprises et pour un discours politique fort définissant clairement les missions de la réserve et leur utilité au service de la nation. C'est à ce prix que la notion de contrainte pourra être comprise et acceptée par l'entreprise.
Enfin il s'est interrogé sur l'opportunité de faire appel, pour un certain nombre de missions, à l'expérience de réservistes « seniors ».
Évoquant l'utilisation des réserves en temps de crise, M. Xavier Guilhou a indiqué ses réticences quant au recours à la contrainte dans un moment où les entreprises auraient besoin de tous leurs salariés. Il a aussi sensibilisé les parlementaires sur le risque d'une telle disposition pour les «disponibles» qui alimentent une partie des réserves surtout dans la phase massive de reconversion qui est engagée par la Défense.
En conclusion, Xavier Guilhou a fait part de sa satisfaction de voir les parlementaires se saisir de la question des réserves qui a trop longtemps été délaissée.