Audition du Général de Corps d'Armées André de SAINT SALVY, le 24 février 2010
Le général de Saint-Salvy a indiqué que le nouveau format de la réserve (40 000 hommes / 25 jours par an) était calculé sur la base du contrat opérationnel le plus exigeant, le contrat H3 qui prévoit un engagement massif en dehors des frontières de 30 000 hommes avec 10 000 hommes chargés de fonction protection sur le territoire national.
Il a ensuite évoqué, à partir de son expérience comme commandant des forces armées en zone sud de l'océan indien, plusieurs exemples d'utilisation des forces armées en cas de crise.
A Mayotte, en raison d'un mouvement social, le préfet a demandé le concours des forces armées pour assurer le transport de carburant. Lors de la crise politique aux Comores, le préfet a également réquisitionné les forces armées pour garantir la sécurité de la population de Mayotte : les forces armées ont assuré le transport d'un escadron de gendarmerie, et un navire a été réquisitionné pour assurer les transports entre Petite Terre et Grande Terre.
Dans le Canal du Mozambique, les autorités militaires utilisent également une unité de réserve pour assurer une présence permanente dans les îles éparses : une compagnie de réserve issue de l'Ile de la Réunion vient renforcer la compagnie d'infanterie de l'armée de terre affectée à cette mission.
Selon l'intensité du besoin, les préfets peuvent effectuer une demande de concours ou une réquisition. Dans tous les cas, les préfets demandent un concours en vue d'atteindre un objectif mais le choix des moyens reste défini par les autorités militaires. Il appartient à ces autorités militaires de définir s'il est nécessaire d'utiliser ou pas des réservistes pour atteindre l'objectif.
Le général de Saint Salvy a ensuite souligné qu'il n'existait pas aujourd'hui de dispositions permettant la mobilisation immédiate de réservistes. Les seules dispositions qui permettraient des réquisitions sont celles relatives à la mobilisation générale ou à l'état d'urgence. Or, ces dispositions ne sont pas adaptées aux situations de crise que l'on connaît actuellement et ont été conçues dans la perspective d'une invasion massive du territoire national.
Actuellement, pour mobiliser un réserviste, il faut un préavis de 15 jours. La durée de la mobilisation opposable à l'employeur est de 5 jours. En tout état de cause, le réserviste peut toujours refuser de se présenter puisqu'il n'existe aucun dispositif de sanction s'il méconnaît les engagements qu'il a contractés dans le cadre de l'E.S.R. A titre d'exemple, lors des inondations d'Arles, il avait été fait appel à un bataillon de chasseurs alpins pour sécuriser la commune pendant les inondations, afin d'empêcher les vols et les dégradations. L'unité de réserve du bataillon n'avait pu fournir que 2 réservistes disponibles sur un effectif théorique de 100 réservistes.
Le général de corps d'armée de Saint-Salvy a ensuite abordé la question de la gestion interministérielle des crises. Il a indiqué que, pour lui, la priorité était l'optimisation des ressources humaines à travers la planification des besoins en cas de crise et le recensement des réservistes disponibles. Il a en revanche écarté la possibilité d'une gestion interministérielle de l'emploi des réservistes. Il a souligné que le recensement des réservistes disponibles dans l'ensemble des réserves militaires et civiles devrait permettre d'éviter que les réservistes soient comptabilisés dans plusieurs réserves.
Il a estimé que les armées devaient rester maître du choix des moyens utilisés et que, dans ce cadre, il ne voyait pas l'utilité d'un organe de gestion interministérielle des réserves. Il a souligné qu'au niveau des armées, les forces actives et les forces de réserves étaient imbriquées, si bien qu'un organe de pilotage opérationnel des seules réserves n'avait pas de sens.
Il a été souligné qu'il importait de définir tous les scénarios possibles de crise et d'en déduire les besoins quantitatifs et qualitatifs des pouvoirs publics. Tout le monde est tombé d'accord pour dire qu'il était difficile d'estimer précisément ce besoin et encore plus difficile de chiffrer le besoin en renfort et donc en réservistes.
Il a été indiqué que les réserves opérationnelles sont actuellement composées de 75 000 réservistes de niveau 2 et de 32 000 réservistes sous E.S.R. La réserve de niveau 2 apparaît plus théorique qu'opérationnelle puisque l'on ne connaît pas l'adresse d'une grande partie de ses réservistes dits « disponibles ». Les coordonnées des réservistes au moment où ils quittent les armées sont connues. On perd, en revanche, leur trace au fur et à mesure de leurs déménagements. Ceux qui ont effectué plus de 15 ans de service bénéficient d'une pension et peuvent, de ce fait, être plus aisément localisés. Mais, dans l'ensemble, on ne peut pas suivre précisément cette réserve. Les armées ne prévoient d'ailleurs pas de scénarios d'envoi pour les 50 000 disponibles (hors gendarmerie). La situation est cependant variable selon les armées, la Marine connaissant 90 % de ses réservistes de niveau 2.
Il pourrait être envisagé de réduire la durée de l'obligation de disponibilité des anciens militaires, de 5 ans à 2 ou 3 ans, et de renforcer leurs liens avec leur armée d'origine. Outre le problème de leur localisation, ces réservistes perdent le bénéfice de leur formation au fur et à mesure que les années passent. On peut estimer qu'après 5 années sans aucun exercice militaire, ces réservistes ne sont plus opérationnels. Une piste serait d'augmenter leur obligation de formation et d'exercice et en contrepartie de raccourcir la durée de la disponibilité. Actuellement, les seules obligations des anciens militaires est de signaler leur changement de domicile et de devoir répondre à une convocation, afin de contrôler leur aptitude, pour une durée qui ne peut excéder un total de cinq jours sur une durée de cinq ans.