4. Une réforme encore discutée
Près de dix ans après sa création, le dispositif Riester fait toujours l'objet de débats en Allemagne. Deux questions principales se posent encore aujourd'hui :
- le taux de couverture de la population ;
- la capacité du dispositif à compenser effectivement l'érosion de la retraite légale.
Le représentant des organisations de salariés rencontré par la délégation observe que 17 millions d'Allemands disposent d'une retraite d'entreprise et que 13,5 millions ont souscrit un contrat d'épargne retraite Riester. Mais les assurés les plus aisés bénéficient souvent des deux dispositifs, de sorte qu'il reste difficile de connaître la part de la population qui n'a recours à aucun des deux systèmes . Selon les syndicats, les personnes les plus défavorisées et dont l'insertion sur le marché du travail est la plus précaire demeurent à l'écart des mécanismes d'épargne individuelle.
L'inspirateur de la réforme, Walter Riester, souligne cependant que le dispositif est précisément conçu pour être accessible aux assurés dans les situations les plus précaires :
« J'en viens donc à votre question : existe-t-il des personnes qui n'ont pas la capacité financière d'entrer dans le système Riester ? Je peux vous prouver que ce n'est pas le cas. En Allemagne, nous avons cinq millions de personnes qui vivent de transferts sociaux (...) Ce sont des chômeurs de longue durée, sans revenus. Dans ce groupe, il suffit de n'épargner que 60 euros pour recevoir les subventions. Je vous donne un exemple avec une famille de deux enfants, sans revenus autres que les allocations Hartz IV 20 ( * ) . Le père et la mère reçoivent chacun 154 euros par an et 185 euros pour chaque enfant, soit un total de 678 euros pour une épargne de 60 euros, soit 5 euros par mois. J'estime que cet effort leur est possible » 21 ( * ) .
La principale interrogation concerne l'aptitude de la retraite Riester à compenser effectivement la diminution du taux de remplacement au titre de la retraite légale.
Chaque année, le ministère du travail publie un tableau récapitulant les projections de taux de remplacement pour les années à venir, selon que sont incluses ou non les retraites Riester. Ce tableau tend à montrer que l'épargne retraite individuelle compense effectivement la diminution de la retraite de base.
Les effets de l'épargne retraite
individuelle
|
||||||
Année |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
Taux de cotisation |
Montant moyen de la pension de base |
Taux de remplacement net avant impôt |
Montant moyen de la pension individuelle Riester |
Total pension de base et Riester |
Taux de remplacement net global avant impôt |
|
en % |
en euros |
en % |
en euros |
en euros |
en % |
|
2008 |
19,9 |
1 195 |
50,5 |
0 |
1 195 |
50,5 |
2009 |
19,9 |
1 224 |
52,0 |
0 |
1 224 |
52,0 |
2010 |
19,9 |
1 224 |
52,3 |
33 |
1 257 |
53,7 |
2011 |
19,9 |
1 224 |
51,2 |
40 |
1 264 |
52,9 |
2012 |
19,9 |
1 242 |
50,5 |
47 |
1 289 |
52,4 |
2013 |
19,9 |
1 248 |
49,8 |
54 |
1 302 |
52,0 |
2014 |
19,9 |
1 257 |
48,9 |
62 |
1 318 |
51,3 |
2015 |
19,8 |
1 271 |
48,1 |
69 |
1 341 |
50,7 |
2016 |
19,4 |
1 298 |
47,6 |
78 |
1 376 |
50,4 |
2017 |
19,4 |
1 335 |
47,5 |
87 |
1 422 |
50,6 |
2018 |
19,4 |
1 368 |
47,4 |
97 |
1 465 |
50,7 |
2019 |
19,4 |
1 402 |
47,2 |
107 |
1 510 |
50,8 |
2020 |
19,4 |
1 438 |
47,0 |
118 |
1 557 |
50,8 |
2021 |
20,2 |
1 477 |
47,0 |
130 |
1 607 |
51,1 |
2022 |
20,5 |
1 500 |
46,7 |
142 |
1 642 |
51,1 |
2023 |
20,6 |
1 533 |
46,2 |
154 |
1 686 |
50,8 |
Source : ministère du travail allemand |
En réalité, la compensation n'est effective qu'à condition qu'un assuré consacre 4 % de son revenu annuel pendant quarante-cinq ans à la constitution d'une épargne retraite, c'est-à-dire qu'il utilise le dispositif au maximum de ses possibilités.
Tel n'est évidemment pas le cas général, sans qu'il soit d'ailleurs aisé de connaître les profils exacts des épargnants, le niveau et la régularité de leur épargne.
Un article publié en 2008 résume assez complètement les interrogations qui entourent encore la retraite Riester :
« La question de l'efficacité du dispositif en termes de prévention de la pauvreté dans la vieillesse n'en est pas moins posée, car le degré de couverture ne renseigne pas encore sur les montants des pensions complémentaires privées. Il faudrait alors isoler les effets d'aubaine liés à la retraite Riester, ce qui pose des problèmes méthodologiques : quels foyers concluent un contrat donnant droit à une subvention des cotisations ? La retraite Riester est-elle choisie en complément (par ailleurs licite) de la prévoyance d'entreprise également subventionnée et quel est le niveau global des revenus que touchent dans la vieillesse les ménages couverts par la Riester-Rente ? Combien sont en comparaison les personnes avec de petites pensions qui ne peuvent ou ne veulent acquérir une prévoyance privée, parce qu'elles sont mal informées, ou surestiment leurs futurs revenus ? A l'heure actuelle, on ignore en grande partie si (et si oui, quels groupes de personnes) et dans quelle mesure les salariés dans les emplois soumis à cotisations sociales arrivent à compenser par la prévoyance privée complémentaire la réduction des pensions de l'assurance légale. Aucune recherche d'accompagnement systématique n'a pour l'instant été engagée » 22 ( * ) .
Il reste qu'après un départ laborieux, le dispositif Riester est désormais bien installé dans le système de retraite allemand, la couverture de 30 % des actifs étant loin d'être négligeable compte tenu du caractère facultatif de cette forme d'épargne.
* 20 La loi Hartz IV a été la quatrième étape de la réforme du marché du travail menée par le gouvernement Schröder entre 2003 et 2005. Elle a apporté d'importantes modifications au régime d'indemnisation du chômage.
* 21 Direction retraite, n° 5, mars-avril 2010.
* 22 « Résurgence de la pauvreté dans la vieillesse ? Les débats actuels sur les retraites en Allemagne », Mechthild Veil, Chronique internationale de l'Ires, n° 113, juillet 2008.