4. Une programmation et un financement de long terme
Le coût d'un véritable « plan digues », incluant les digues maritimes et fluviales, s'élèverait entre 3,5 et 4 milliards d'euros s'il s'agissait de conforter 3 500 à 4 000 kilomètres de digues au plan national, soit la moitié des digues en France.
Il est donc nécessaire d'établir des zones prioritaires. Le Gouvernement annonce qu'il y procédera en concertation avec les collectivités territoriales 48 ( * ) à l'automne 2010.
Des premières évaluations sont faites. En Gironde, l'Etat estime à 25 millions d'euros le coût d'une remise en état des digues de classe B . En Vendée, les travaux à envisager pourraient, selon les collectivités territoriales, aller jusqu'à 100 millions d'euros. Avant la tempête Xynthia, il restait 17 millions d'euros de travaux sur le programme de défense contre la mer élaboré après les tempêtes de 1999. Quoi qu'il en soit, il faut avoir à l'esprit que les Pays-Bas, qui certes ont une problématique spécifique, dépensent chaque année 500 millions d'euros pour la défense contre la mer, sans compter l'entretien effectué par les agences régionales des eaux.
La question majeure est donc de savoir comment sera financé ce plan.
La mission estime en effet que le programme d'investissement doit s'étaler sur plusieurs années, et ne pas se contenter d'une simple « réparation » de l'existant. En termes de financement, la mission considère que l'implication de l'Etat dans un « plan de défense contre la mer ou de lutte contre les submersions marines » doit être forte, non seulement pour les digues qui sont de sa propriété et pour lesquelles il a annoncé prendre en charge intégralement les coûts de remise en état, mais également pour les autres ouvrages de la responsabilité des collectivités territoriales. Un taux de cofinancement minimal de 50 % serait nécessaire pour assurer une véritable relance de l'entretien des digues. Aux Pays-Bas, qui comptent 3 500 kilomètres de digues « primaires » c'est-à-dire de première défense, et 14 000 kilomètres de digues « secondaires » situées à l'intérieur des terres, l'Etat finance les investissements sur les digues primaires et les autorités régionales des eaux les investissements sur les digues secondaires, grâce à des recettes perçues directement sur les usagers.
Lors du débat organisé au Sénat le 16 juin dernier, Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie a indiqué que « les travaux de confortement d'ouvrages seront pris en charge par le fonds Barnier et les fonds structurels européens. »
Elle a rappelé qu'à l'occasion de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, un amendement présenté par le Gouvernement avait permis « d'augmenter les taux d'intervention pour le futur plan digues, au moins pour les ouvrages de prévention. Ce taux passe à 40 % lorsqu'il existe un plan de prévention des risques approuvé, au lieu de 25 % auparavant ; s'y ajoutent évidemment les 10 % provenant du FEDER. »
Le fonds de prévention des risques naturels majeurs dit « fonds Barnier» dispose de 150 millions d'euros par an. Sauf à être abondés par une dotation spécifique du budget de l'Etat, cette somme devrait être utilisée au moins pour les années à venir à indemniser les sinistrés (500 millions d'euros seront nécessaires). Le fonds Barnier n'est donc pas en capacité de financer à la fois un plan « digues » et ces indemnisations, même étalé sur plusieurs années .
D'après M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, le montant des ressources mobilisables sur le FNPRM serait de l'ordre de 470 millions d'euros sur six ans (lettre au Premier ministre en date du 10 mai 2010). Cette évaluation ne repose cependant pas sur un recensement précis des ouvrages ni surtout sur une analyse des besoins. Une dépense de 470 millions d'euros sur six ans serait l'équivalent d'une année d'investissement aux Pays-Bas, dont le littoral s'étend sur 350 kilomètres alors que celui de la France compte 5 853 kilomètres.
Afin de répondre aux demandes d'investissements, il faudrait abonder ou « gonfler » le fonds Barnier, avec par exemple l'affectation au fonds d'une part plus significative du produit net d'une modulation des primes catnat ; ou relever le taux de base des primes catnat elles-mêmes (12 % actuellement, soit un produit annuel de 1,3 milliard d'euros). L'affectation au fonds Barnier de la totalité de cette augmentation représenterait autour de 100 millions d'euros de ressources nouvelles, pour une augmentation de 1 % du taux de ces primes (voir infra).
Au-delà, un véritable « plan de lutte contre les submersions marines » national nécessiterait des moyens de financement pérennes, non encore définis. L'Etat devrait prendre en charge au moins la moitié des investissements sur les digues qui constituent véritablement la défense contre la mer et devrait confier aux collectivités territoriales leur entretien, accompagné des moyens financiers adéquats.
Une condition nécessaire de réussite serait la mise en place d'une ressource financière pérenne et dédiée . Le rapport de la mission interministérielle de mai 2010 envisage deux pistes alternatives : l'affectation d'une ressource fiscale nouvelle (taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties) ou la perception d'une redevance de participation aux dépenses engagées sur les ouvrages. En effet, l'article L. 211-7 du code de l'environnement étend aux ouvrages de protection contre les inondations et de défense contre la mer les dispositions du code rural permettant de faire participer les propriétaires des droits protégés aux dépenses engagées par les collectivités territoriales pour les ouvrages d'intérêt général. Il faut souligner que ces propositions vont dans le sens d'un mécanisme « à la néerlandaise » où les populations protégées payent une redevance pour leur protection contre la mer.
Votre mission note qu'il existe d'autres pistes, par exemple celle de la modulation de la taxe locale d'équipement. La taxe locale d'équipement (TLE) perçue sur les permis de construire au profit de la commune est uniforme sur le territoire de la commune et plafonnée à 5%, pour le financement des travaux d'équipements publics. Elle représente environ 1% de l'ensemble des recettes fiscales des communes et de leurs groupements, soit un produit annuel de 500 millions d'euros environ.
Il pourrait être envisagé de la déplafonner, de fixer un nouveau seuil, qui pourrait par exemple être de 20 %, dans les zones à risque et de permettre une modulation différenciée du taux entre les différentes zones de la commune.
Pour votre mission, il est en effet nécessaire d'articuler un financement national par le fonds Barnier, expression de la solidarité nationale , et un financement local à partir d'une contribution demandée à ceux qui déposent des demandes de permis de construire dans des zones à risque.
Enfin, un Comité de pilotage national du plan digues et submersion marine devrait être créé pour suivre l'avancement du plan, associant les collectivités territoriales, et les représentants des services centraux et déconcentrés de l'Etat.
Propositions n° 60, n° 61 et n° 62 de la mission : - Définir un programme d'investissement pour la protection contre la submersion marine qui tienne compte du cordon dunaire géré principalement par l'ONF. - Créer un mécanisme de financement pérenne avec un double mécanisme financier national et local : - national sur le fonds Barnier ; - local, par le déplafonnement et la modulation de la taxe locale d'équipement (taxe sur les permis de construire). - Constituer un comité de pilotage national associant les collectivités territoriales et les représentants des services centraux et déconcentrés de l'Etat pour suivre le plan d'investissement. |
* 48 Le plan digues sera une anticipation de la stratégie nationale des inondations sur certains secteurs prioritaires. La liste des territoires à risques importants d'inondation doit en effet être arrêtée début 2012. Certains secteurs prioritaires sont déjà connus (zones prioritaires des plans grands fleuves, zones disposant d'un programme d'action et de prévention des inondations (PAPI) opérationnel ou en cours de réalisation, zones « jaunes » de Xynthia).