E. UN ENTRETIEN DÉFECTUEUX DES DIGUES
1. De multiples ruptures de digues et un recul du cordon dunaire
La submersion et la rupture (érosion, brèches) des ouvrages de défense contre la mer se sont produites en de multiples points du littoral vendéen et charentais . Les digues ont subi des brèches localisées et, de manière généralisée, des surverses, qui ont entamé la structure des ouvrages par érosion du talus côté terre de ces protections. De nombreux territoires se sont trouvés dans une situation antérieure à la création des digues.
Une fois les digues franchies, celles-ci ont de plus constitué un obstacle lors du reflux. Plusieurs communes ont été prises dans une situation de cuvette avec, d'un côté, la digue construite le long de la mer, et de l'autre, une surélévation naturelle ou un remblai d'infrastructure.
Au total, on estime que 75 kilomètres de digues sur 103 kilomètres sont à reconstruire ou à consolider en Vendée et 120 kilomètres de digues sur 224 kilomètres en Charente-Maritime.
Si la Préfecture de la Gironde a fait savoir que la tempête Xynthia n'avait pas causé en Gironde les effets dévastateurs occasionnés en Charente-Maritime ou en Vendée, néanmoins sur les 433 kilomètres de digues que le département compte, 20 % sont considérées comme dégradées et 30 % dans un état moyen qui ne garantit pas leur stabilité.
La mission a noté que le cordon dunaire a joué un rôle important de protection pendant la tempête Xynthia, qui l'a d'ailleurs fragilisé , puisque le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a enregistré un recul des dunes (falaisage) jusqu'à 22 mètres.
Ainsi, s'il convient de renforcer 75 kilomètres de digues en Vendée, 120 kilomètres de côtes dunaires et 45 kilomètres de côtes rocheuses nécessiteraient également des travaux de renforcement. La tempête Xynthia a en effet conduit à l'érosion généralisée des pieds de dunes, d'une moyenne de 3 à 5 mètres sur le littoral vendéen, nécessitant la plantation de végétation pour stabiliser le sable, et le rechargement sableux des sites les plus érodés.
2. Une gestion déficiente
En application de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais, la responsabilité de la protection contre les inondations relève des propriétaires riverains. La responsabilité du maintien et du contrôle de la bonne sécurité des digues appartient au propriétaire de la digue.
L'Etat a en charge la vérification de la bonne exécution par le propriétaire de ses obligations, qui comportent un calendrier de visites techniques et donnent lieu à des rapports de surveillance.
Au fil des ans, de nombreux textes sont venus préciser et renforcer les obligations en matière de gestion et d'entretien des digues.
Après la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, le décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques a introduit quatre classes de digues, selon des enjeux de protection des habitants, imposant des obligations croissantes à leurs propriétaires.
Des audits, menés aux frais du propriétaire, doivent établir les risques que les digues font courir aux populations ou aux installations publiques et industrielles. L'entretien des digues se fait sous le contrôle des services territoriaux de l'Etat.
Ces obligations ne sont pas respectées et ce à cause d'une structure de la propriété des digues complexe, d'intervenants multiples (Etat, collectivités territoriales, associations, propriétaires privés) et d'un défaut de connaissance des ouvrages.
En Charente-Maritime, où seuls 35 % des gestionnaires de digues sont recensés 25 ( * ) , le Conseil Général se substitue aux propriétaires inconnus ou défaillants. Dans ce cas, les communes concernées doivent s'engager à assurer l'entretien des digues, une convention étant alors passée avec le département. Sur les îles de Ré et d'Oléron, les communautés de communes gèrent les digues.
En Vendée, les gestionnaires des digues sont l'Etat, le Conservatoire du littoral, des communes ou leurs groupements, le département, des associations de propriétaires (syndicats de marais) et des personnes privées.
En Loire-Atlantique, à Guérande, le « syndicat des digues », association de propriétaires, assure les travaux d'entretien et de réfection de la digue et les travaux d'entretien sur le réseau hydraulique. Sur le bassin du Mès, les travaux sont en revanche réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté d'agglomération Cap Atlantique. Le cordon dunaire enroché des Moutiers-en-Retz est géré directement par la commune, de même qu'une digue de l'estuaire de la Loire par la commune de Corsept.
Enfin, en Gironde, les gestionnaires sont bien identifiés mais très dispersés , entre les associations de propriétaires (37 %), le syndicat mixte (30 %), les propriétaires privés (17 %), les collectivités territoriales et établissements publics (16 %).
Pour les départements touchés par la tempête Xynthia, l'inventaire des ouvrages, de leurs propriétaires et gestionnaires est très incomplet. Les ouvrages de remblais (routiers ou ferroviaires) qui jouent le rôle de digues n'ont pas de statut juridique défini. Enfin, le classement des digues selon la hauteur de l'ouvrage et la population protégée a été préparé mais les arrêtés préfectoraux ne sont pas pris.
Compte tenu de cette situation, la mission estime indispensable pour les collectivités territoriales de ne pas intervenir sur une digue dont elles ne sont pas propriétaires sans conclure préalablement une convention limitant leur responsabilité à leurs seules missions (travaux, entretien courant, surveillance, etc.).
* 25 Ces informations sur la propriété des digues sont données par le rapport de la mission interministérielle constituée le 3 mars 2010 par le gouvernement intitulé « Tempête Xynthia : Retour d'expérience, évaluation et propositions d'action » rendu public en mai 2010.