II. UN CHANTIER INSTITUTIONNEL À OUVRIR
Les règles qui s'appliquent aujourd'hui aux dépenses et aux recettes sont contournées. La programmation n'est ni crédible, ni respectée, en dépit de la consécration constitutionnelle de « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».
Tout en gardant à l'esprit qu'aucune réforme institutionnelle ne saurait se substituer aux principes fondamentaux (sincérité, transparence, lisibilité, équilibre) et à la volonté de les respecter, il est désormais raisonnable de considérer que la crédibilité de l'engagement de la France en matière de redressement de ses finances publiques passe par une réforme de leur gouvernance. L'Allemagne s'étant dotée d'une règle de solde, de niveau constitutionnel, dans un monde où les apparences sont déterminantes, tout État qui n'en ferait pas autant est réputé moins vertueux.
A l'issue de la conférence sur le déficit du 28 janvier 2010, le Président de la République a souhaité que la France se dote d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques.
Le Premier ministre a demandé au Gouverneur Michel Camdessus d'animer un groupe de travail chargé d'élaborer une règle ayant pour objet, selon sa lettre de mission, de « rompre avec une trajectoire de finances publiques qui a laissé émerger un déficit public chronique et conduit l'endettement de la France à passer de 20 point de PIB au début des années 80 à plus de 80 points en 2010 ». Le président et le rapporteur général de votre commission des finances ont eu l'honneur de faire partie de ce groupe de travail dont les conclusions ont été regroupées dans un rapport remis au Premier ministre le 25 juin 2010.
A. LA NORME SUPÉRIEURE POLITIQUE, SINON JURIDIQUE : LE PROGRAMME DE STABILITÉ
1. L'objectif politique : en finir avec le double langage
La trajectoire pluriannuelle sur laquelle s'engage la France est celle qui résulte du programme de stabilité transmis au mois de janvier à la Commission européenne, et qui reprend généralement, en la développant, la programmation pluriannuelle des finances publique annexée au projet de loi de finances.
C'est cette trajectoire qui importe aux observateurs de nos finances publiques.
Le programme de stabilité doit donc être considéré comme la « norme supérieure » en matière de finances publiques, de laquelle doit découler le contenu de toutes les autres normes : loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale et loi de programmation des finances publiques.
Dès lors, pour faire écho à la proposition fréquemment avancée - et retenue par l'Allemagne - relative à la mise en en place d'une règle de solde pour piloter les finances publiques, on peut considérer qu'une telle règle existe déjà : la limitation du déficit à 3 % du PIB, prévue par les traités.
On doit désormais raisonner à l'échelle de l'ensemble des administrations publiques, en considérant notamment que la séparation entre lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale est simplement fonctionnelle, les grands équilibres devant être appréciés de manière consolidée. Au demeurant, nos partenaires européens, en règle générale, ne connaissent pas cette dualité de documents budgétaires.
Si les lois financières devenaient une déclinaison des engagements pris dans le programme de stabilité, la cohérence des dispositifs serait mieux assurée et le double langage, c'est-à-dire l'écart entre les ambitions affichées dans la programmation transmise à nos partenaires et les décisions réellement mises en oeuvre par les lois financières annuelles, ne serait plus possible, améliorant ainsi notre crédibilité.