3. Compléter les mesures générales par une approche au cas par cas
a) Une approche de portée nécessairement limitée
Selon l'article 12 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, « dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de toute mesure visée à l'article 11, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût. Pour les mesures en vigueur à la date de publication de la présente loi, cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011 ».
On peut cependant s'interroger sur la possibilité d'obtenir rapidement des résultats avec une telle approche, compte tenu du coût politique de la remise en cause d'avantages existants et de l'absence de consensus sur les critères en fonction desquels il faudrait évaluer les différents dispositifs.
b) Une approche à privilégier pour les mesures d'assiette
Les crédits et réductions d'impôt sont les dépenses fiscales qui se prêtent techniquement le mieux à la logique du rabot. Elles sont en outre celles qui s'apparentent le plus à des subventions budgétaires et, à ce titre, il n'est pas contestable que leur montant puisse être modulé pour des raisons de rendement du système fiscal.
Pour autant, les crédits et réductions d'impôt représentent moins de la moitié des dépenses fiscales associées aux trois impôts « rabotés » (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, impôt de solidarité sur la fortune).
Part des crédits et réductions d'impôt dans le total des dépenses fiscales relatives à l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les données du tome II du fascicule des Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2010
Il ne faut donc pas s'interdire de remettre en cause certaines exonérations totales ou partielles ou de revoir le calibrage des régimes de déduction, d'abattement, de demi-part, d'amortissement ou de provision. Cependant, les incidences budgétaires de telles modifications sont moins aisément quantifiables et leurs effets économiques peuvent être plus substantiels de ceux d'une réduction forfaitaire de l'avantage procuré par un crédit ou une réduction d'impôt.
c) Quelques travaux en cours
Ces considérations n'empêchent pas de supprimer ou réduire des niches particulières au cas par cas.
(1) Le crédit d'impôt recherche (CIR)
Le crédit d'impôt recherche (CIR) est probablement l'une des niches fiscales les plus utiles.
Son impact sur la croissance paraît significatif. Lors de l'évaluation de l'impact de la réforme du CIR en 2008, le Gouvernement indiquait que l'augmentation du crédit d'impôt consécutive à la réforme, de l'ordre de 2,3 milliards d'euros, accroîtrait à moyen terme les dépenses de R&D du double de ce montant, soit 4,6 milliards d'euros par an, et majorerait la croissance du PIB de 0,05 % par an pendant dix ans.
Le CIR n'en est pas moins susceptible d'optimisation. Ainsi, dans son rapport d'information du 25 mai dernier relatif au crédit d'impôt recherche, notre collègue Christian Gaudin s'interroge sur l'efficacité de la part du CIR au taux de 5 % qui subventionne la fraction des dépenses de R&D dépassant 100 millions d'euros. « Son effet incitatif paraît douteux alors même que son coût s'est élevé à 588 millions d'euros en 2009. Un amendement de votre commission des finances devrait servir de support à ce débat lors de l'examen du prochain budget. En outre, il convient de s'assurer que ce seuil de 100 millions d'euros est défini en consolidant les sommes engagées par les différentes filiales d'un groupe afin d'éviter les montages d'optimisation fiscale ».
En prenant en compte les récentes propositions de nos collègues députés Alain Claeys, Jean-Pierre Gorges, Pierre Lasbordes, Olivier Carré et David Habib, on arrive à un total de près de 1,5 milliard d'euros, comme le montre le tableau ci-après.
Les propositions de rationalisation du crédit d'impôt recherche
(en millions d'euros)
Montant |
|
Proposition Sénat : plafonner les dépenses éligibles au CIR à 100 millions d'euros |
200 |
Proposition commune AN*-Sénat : prendre en compte ce plafond au niveau de l'ensemble du groupe (et non de chaque filiale) |
400 |
Proposition AN* : ramener de 75 % à 33 % la part des dépenses de personnel prise en compte pour déterminer les frais de fonctionnement engagés par les entreprises |
865 |
Total |
1 465 |
* Rapport d'information n° 2686 (XIIIe législature), mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale, 30 juin 2010.
Source : commission des finances
(2) La prime pour l'emploi (PPE)
La prime pour l'emploi (PPE), dont le coût pour 2010 est évalué à 3,5 milliards d'euros, est depuis longtemps considérée comme insuffisamment ciblée puisqu'elle est versée à à 8 millions de foyers dont 4,5 millions ne sont pas imposables.
La prime pour l'emploi a un effet sur l'emploi incertain et son rapport coût-efficacité paraît faible Dans son rapport annuel de 2005 la Cour des comptes notait que peu d'études sur son volet incitatif avaient été réalisées : « les seuls éléments chiffrés disponibles sont issus de simulations économétriques ex ante, non de données observées sur le marché du travail ex post. Ces simulations sont néanmoins instructives : elles montrent que l'impact de la PPE sur l'offre de travail est positif mais faible (+0,2 à +0,4 % selon les études). Ces résultats présentent certes des faiblesses. Mais les enquêtes réalisées auprès des ménages corroborent leurs conclusions : ainsi, en juin 2003, dans leurs réponses à l'enquête de l'INSEE, 3 % seulement des ménages interrogés ont indiqué être incités par la PPE à « reprendre une activité » , 4% seulement à « travailler davantage » et 31 % à « continuer à travailler ». L'effet sur l'emploi (de ces modèles économétriques ex ante) est encore plus incertain ... et compte tenu de son coût budgétaire son rapport coût/efficacité paraît faible . » La PPE joue un rôle redistributif limité : beaucoup de bénéficiaires pour des montants parfois faibles La prime pour l'emploi (PPE) est un crédit d'impôt accordé aux personnes en emploi (salariées ou non) disposant de faibles revenus d'activité professionnelle. L'objectif de ce dispositif est à la fois de rendre le travail plus attractif (objectif incitatif) et de réduire les inégalités de niveaux de vie (objectif redistributif). En France métropolitaine, 9 millions de personnes ont bénéficié de cette prime au titre de leurs revenus de 2006, soit un tiers des personnes ayant exercé une activité professionnelle rémunérée (salariée ou indépendante). Elles ont perçu en moyenne (sous forme de réduction d'impôt ou montant versé) 480 euros, soit un peu moins de 4% de leur revenu d'activité déclaré dans l'année. Parmi elles, 7,9 millions, le «coeur de cible», l'ont perçue uniquement au titre de leur revenu d'activité et 1,1 million après prise en compte de leur situation familiale (personnes appartenant à des familles monoparentales ou à des couples mono-actifs). Pour ces 1,1 million de personnes, le supplément de revenu versé s'avère particulièrement faible (0,6% de leur revenu d'activité), alors qu'il est loin d'être négligeable pour celles dont les revenus d'activité sont proches du SMIC. Une personne travaillant toute l'année à temps plein au SMIC perçoit 948 euros, soit 8% de son revenu d'activité. La moitié des travailleurs pauvres ne bénéficient pas de la PPE L'impact de la PPE sur la réduction des inégalités et sur la diminution du taux de pauvreté est limité. En effet, elle exclut les 2,8 millions de salariés et de non-salariés disposant de revenus d'activité inférieurs à 0,3 SMIC. De plus, sa diffusion dans la population est large et les montants engagés, sans commune mesure avec ceux des autres outils de la redistribution (impôt sur le revenu et prestations familiales notamment), demeurent relativement faibles. La PPE a un impact limité sur l'emploi La PPE ne semble pas être un facteur déterminant pour le retour à l'emploi . Parmi les personnes qui n'ont pas d'activité professionnelle, moins de 50 % d'entre elles se déclarent « chômeur », les autres sont « inactif pour raisons de santé » (15 %), « femme ou homme au foyer » (26 %) ou « autre inactif » (13 %). Dans la très grande majorité des cas les personnes qui ne souhaitent pas travailler à l'avenir évoquent des raisons de santé ou dans une moindre mesure des raisons familiales. Celles qui se déclarent «chômeur » cherchent quasiment toutes un emploi et mentionnent dans plus de 80 % des cas comme freins à leur retour en emploi l'insuffisance des offres d'emplois ou l'inadéquation de leur formation ou de leur expérience aux profils recherchés: 46 % et 65 % évoquent respectivement ces deux types de difficultés. Les coûts de la recherche d'un emploi (transports, correspondance...) n'apparaissent pas essentiels, seules 13 % des personnes les citent comme un frein à leur recherche d'emploi. Source : « Prime pour l'emploi, redistribution et incitation à l'emploi », Dossiers solidarité et santé n° 5 - 2008 (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) |
Des économies ont déjà été enregistrées. La décision en 2009, qui devra être reconduite, de ne pas procéder à la revalorisation annuelle a enrayé l'augmentation de cette dépense fiscale (3,2 milliards d'euros en 2005, 4,3 milliards d'euros en 2006, 4,2 milliards d'euros en 2007, 4,4 d'euros en 2008, 3,9 milliards d'euros en 2009 et 3,5 milliards attendus en 2010).
Un meilleur ciblage des conditions d'éligibilité à la PPE est concevable, soit par un recentrage du logarithme (par exemple en étudiant l'extinction du dispositif de 1,4 à 1,2 SMIC), soit, sans modifier la courbe de dégressivité, en diminuant les taux de la prime (par exemple de 10 %). Selon les chiffrages transmis par le Gouvernement, le gain de ces deux mesures serait de respectivement 1,1 milliard d'euros et 300 millions d'euros. Des solutions intermédiaires peuvent évidemment être envisagées.
Les estimations de reparamétrages de la PPE fournies par le Gouvernement a. Reparamétrage n°1 : abaissement du point de sortie du barème de 1,4 à 1,2 SMIC Ce reparamétrage revient à baisser le seuil de 17 451 euros à 15 581 euros et à accroître la pente descendante en fin de barème en conséquence (de -19,3% à -30,9%). Le reste du barème (majoration pour personne à charge ou pour monoactivité notamment) est laissé inchangé. Le coût de la PPE diminuerait de 1,1milliard d'euros, avant prise en compte de l'impact RSA. Ces gains proviendraient d'abord de la sortie du dispositif des individus compris entre 1,2 et 1,4 SMIC, au nombre de 2 millions. Les bénéficiaires situés sur la pente descendante du barème (entre 1 et 1,2 SMIC) verraient également leur montant de PPE diminuer. Au total, le montant moyen distribué par foyer bénéficiaire passerait de 462 euros à 430 euros. Hors prise en compte du RSA, cette réforme toucherait 70% des foyers bénéficiaires de la PPE soit plus de 5 millions de personnes. Ne sont pas affectées les personnes situées sur la pente ascendante du barème ou les foyers ne bénéficiant que de majorations. Comme le point de sortie du RSA pour une personne seule est inférieur à 1,2 SMIC et la majorité des personnes bénéficiaires de la PPE sont des personnes seules, on peut estimer que le RSA n'a pas d'impact sur l'évaluation faite ci-avant. Ainsi, l'économie globale serait de 1,1 milliard d'euros. b. Reparamètrage n°2 : diminution de 10 % des taux de la PPE Cela revient à faire passer le maximum de PPE de 960 euros à 861 euros. Dans ce cas de figure, la PPE avant impact du RSA diminuerait de 300 milliards d'euros. Plus de 6,7 millions de foyers (soit 86 % de foyers bénéficiaires de la PPE) verraient leur PPE diminuer, les foyers ne bénéficiant que de majorations n'étant pas affectés par la réforme, sauf à minorer également le montant des majorations de 10 %. La diminution de la PPE étant homothétique, l'imputation du RSA sur la PPE diminue, ce qui réduit le coût total de la mesure. En pratique, après simulations, l'impact du RSA serait globalement inchangé. Aussi, l'économie finale serait d'environ 300 millions d'euros. Source : d'après les informations transmises par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi |
La fiscalité immobilière en cours d'évaluation par votre commission des finances Votre commission des finances a décidé de procéder au cours de l'année 2010 à l'évaluation de dispositifs fiscaux en faveur de l'investissement immobilier. Le 19 mai 2010, une table ronde sur ce thème a été organisée, à laquelle ont participé Bruno Corinti, président de Nexity logement, Claudy Giroz, présidente de l'association de défense des investisseurs et mandataires (ADIM), Jean-François Gobertier, président directeur général de GDP Vendôme, Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale (DLF), Mustapha Nadi, secrétaire et Mireille Pierret, présidente de la fédération des associations de résidences de services (FEDARS), Marc Pigeon, président de la fédération nationale des promoteurs constructeurs et Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement et de l'urbanisme. Votre rapporteur général a adressé au Gouvernement, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2011, des questionnaires relatifs au aides fiscales incitatives à l'investissement immobilier en direction des particuliers, et spécialement à celles qui concernent les investissements dans des résidences de services, et aux aides à l'investissement locatif « nu » comprenant notamment la réduction d'impôt dite « Scellier ». |