B. FONCTIONNEMENT, INTERVENTION, PERSONNEL : DONNER DU CONTENU AUX ENGAGEMENTS
Le relevé de conclusions de la 2 ème conférence sur les déficits définit donc un objectif de « réduction des dépenses de fonctionnement courant de l'Etat de 10 % en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011 » . En dépit des nombreuses incertitudes qui pèsent sur la portée exacte de cet objectif, il est possible et nécessaire de lui donner un contenu et de dégager certains principes en vue de la réforme.
1. Une baisse des dépenses de fonctionnement pour qui ?
Les dépenses de fonctionnement correspondent aux crédits de titre 3 de la nomenclature budgétaire. Ces crédits représentaient, dans le projet de loi de finances pour 2010, 42,5 milliards d'euros, soit 15,2 % des crédits de paiement des missions du budget général . Ces dépenses de fonctionnement présentent des degrés de rigidité divers et peuvent être regroupées en deux ensembles principaux, selon qu'elles se rapportent à l' Etat ou à ses opérateurs .
a) Les fonctions support de l'Etat
Les dépenses de fonctionnement de l'Etat stricto sensu atteignent 18,4 milliards d'euros, soit 43 % du titre 3 .
Parmi cet agrégat, les dépenses relatives aux « fonctions support de l'Etat » totalisaient 7,6 milliards d'euros en 2008 pour les ministères civils ( cf . tableau). Un tiers de ce montant correspond aux dépenses immobilières (2,5 milliards d'euros), puis viennent les postes liés aux fournitures et prestations générales (24 % et 1,8 milliard d'euros), à l'informatique et aux télécommunications (17 % et 1,3 milliard d'euros). Viennent enfin les dépenses de communication et de transport (1 milliard d'euros chacun, soit 13 %).
Bien que certaines dépenses apparaissent difficilement compressibles, il s'agit probablement d'une des enveloppes les plus aisément ajustables , grâce à des efforts de rationalisation des structures ou de mutualisation des moyens . C'est, au demeurant, dans cet objectif qu'ont été mises en oeuvre bon nombre des décisions de la révision générale des politiques publiques, telles que la création d'un service des achats de l'Etat ou l'élaboration de schémas pluriannuels de stratégie immobilière.
Votre rapporteur général regrette que les effets de ces premières mesures soient peu précisément chiffrés , ce qui aurait permis d'évaluer dans quelles proportions le poste « fonctions support » peut encore dégager des économies.
Les dépenses associées aux fonctions support des ministères civils en 2008
(en millions d'euros)
Hors défense, loyers budgétaires, travaux en cours sur constructions de biens non contrôlées par l'Etat et autres dépenses relatives à l'immobilier spécialisé.
Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dépense publique et son évolution annexé au projet de loi de finances pour 2010.
Au sein des dépenses de fonctionnement de l'Etat, doivent néanmoins être isolées certaines dépenses spécifiques, ne répondant pas à une logique de « support » : il s'agit des dépenses de fonctionnement directement liées à la mise en oeuvre opérationnelle des politiques de défense et de sécurité . Leur montant exact est extrêmement difficile à reconstituer, car elles mêlent souvent des crédits de titre 3 (fonctionnement) et de titre 5 (investissement). Néanmoins, pour le seul budget de la défense, les dépenses de titre 3 associées au maintien en condition opérationnelle (MCO) des armées, aux munitions ou à la dissuasion nucléaire atteignent 4,6 milliards d'euros, contre 3,4 milliards d'euros pour les fonctions support traditionnelles du ministère. Ces postes sont un important facteur de rigidité dans le cadre d'une stratégie de baisse des dépenses de fonctionnement de l'Etat.
b) Les concours aux opérateurs
Figurent ensuite, au titre des dépenses de fonctionnement, les subventions pour charges de service public attribuées aux opérateurs, qui atteignent 24,2 milliards d'euros, soit plus de la moitié (57 %) des crédits de titre 3 des missions du budget général.
Part des dépenses de fonctionnement consacrées aux opérateurs
(en euros)
Source : commission des finances, d'après le jaune « Opérateurs de l'Etat » annexé au projet de loi de finances pour 2010.
On observe tout d'abord que 94 % de ces dépenses sont concentrées sur seulement sept missions du budget général, dont elles absorbent souvent la majeure partie des crédits de fonctionnement . Ainsi en est-il des missions :
1) « Recherche et enseignement supérieur » : la quasi-totalité des crédits de titre 3 (16,9 milliards d'euros, soit 99,7 %) sont versés sous forme de subventions pour charges de service public aux établissements d'enseignement supérieur (8,2 milliards d'euros) et aux opérateurs de recherche (8 milliards d'euros, voir tableau ci-après) ;
2) « Culture » : 87,3 % du titre 3 - soit plus de 1 milliard d'euros - est absorbé par le soutien à d'importants opérateurs tels que la Bibliothèque nationale de France (209 millions d'euros), le Centre Pompidou (85 millions d'euros), le Louvre (120 millions d'euros) ou l'Opéra national de Paris (114 millions d'euros) ;
3) « Ecologie, développement et aménagement durables » : les subventions pour charges de service public atteignent 1,7 milliard d'euros (64,1 % des crédits de titre 3 de la mission), notamment au bénéfice de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (980 millions d'euros), de Voies navigables de France (59 millions d'euros), de Météo-France (189 millions d'euros), des Parcs nationaux (74 millions d'euros), de l'Institut géographique national (73 millions d'euros) et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (74 millions d'euros) ;
4) « Santé » : 439 millions d'euros (92,4 % du titre 3) sont consacrés aux opérateurs, dont les principales agences sanitaires et instituts spécialisés dans le domaine de la santé (Institut national du cancer, pour 41 millions d'euros, Institut de veille sanitaire pour 57 millions d'euros, Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires pour 59 millions d'euros) ;
5) « Travail et emploi » : 1,6 milliard d'euros de subventions pour charges de service public sont imputés sur cette mission (83,1 % des crédits de titre 3), essentiellement au bénéfice de Pôle emploi (1,3 milliard d'euros) ;
6) « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » : les subventions pour charges de service public représentent 520 millions d'euros et 63,2 % des crédits de titre 3. Les principaux opérateurs bénéficiaires sont les Haras nationaux (58 millions d'euros), l'Office national des forêts (187 millions d'euros), France Agrimer (92 millions d'euros) et l'Agence de services et de paiement (145 millions d'euros) ;
7) « Action extérieure de l'Etat » : 431 millions d'euros de subventions en titre 3 sont alloués aux opérateurs (53,6 % des crédits de fonctionnement), et principalement à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Les opérateurs de la recherche et de l'enseignement supérieur : 70 % des subventions pour charges de service public attribuées aux opérateurs de l'Etat
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, d'après le jaune « Opérateurs de l'Etat » annexé au projet de loi de finances pour 2010.
Ces dépenses sont potentiellement plus rigides que celles associées aux fonctions support de l'Etat, et ce pour plusieurs raisons.
La première est que ces dépenses ne sont « de fonctionnement » qu'en partie . En effet, une fois versées aux opérateurs, les subventions vont également au financement de dépenses de personnel, pour les agents employés au sein des établissements, au financement d'interventions portées par ces opérateurs ou encore de « petit investissement » (en matière immobilière notamment). Toute réduction des subventions pour charges de service public aura donc immanquablement des répercussions sur ces différents postes, eux-mêmes inégalement flexibles, d'autant plus que les ressources propres des opérateurs seront limitées.
Par ailleurs, les subventions pour charges de service public font traditionnellement l'objet de processus de contractualisation , sous la forme de contrats d'objectifs et de moyens ou, sous l'empire de la LOLF, de « contrats de performance » qui programment les ressources des opérateurs pour plusieurs années . Bien que ces documents ne fassent pas grief et que la trajectoire de ressources qu'ils contiennent soit indicative, leur remise en cause unilatérale par la tutelle constitue un préalable nécessaire à toute diminution des soutiens en provenance du budget général. Dans ces conditions, l'application de leurs clauses de ressources devrait être suspendue pendant la durée de mise en oeuvre du programme de stabilité.
Enfin, les ordres de grandeur qui viennent d'être mentionnés montrent que les importants moyens des opérateurs sont concentrés sur des politiques clairement définies comme prioritaires par le Gouvernement : ainsi de la recherche et de l'enseignement supérieur, du développement durable ou encore de l'emploi. Dans ces conditions, une remise en cause de certains arbitrages passés semble incontournable pour réaliser les économies requises .
c) Quelques ordres de grandeur
Les engagements gouvernementaux portent donc sur une réduction de 10 % des dépenses de fonctionnement courant de l'Etat en trois ans .
Sur la base des hypothèses de croissance spontanée formulées plus haut, l'ajustement à opérer par rapport à la tendance, pour stabiliser l'ensemble des dépenses en volume, oscille entre 1,6 et 2,2 milliards d'euros en 2011 , soit entre -3,7 % et -5,1 % des montants inscrits en LFI pour 2010. Par ailleurs, l'ajustement à horizon 2013 est compris entre 4,1 et 6,1 milliards d'euros selon les scénarios.
Dépenses de fonctionnement : quelles économies à réaliser par rapport à l'évolution spontanée ?
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances
On mesure d'autant mieux l'ampleur de l'effort à accomplir que les crédits de titre 3 ont augmenté de 38,5 à 42,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 10,3 % en valeur (+4 milliards d'euros) de la loi de finances initiale pour 2009 au projet de loi de finances pour 2010.
Hors opérateurs, le gisement au sein duquel réaliser des économies au titre du fonctionnement courant de l'Etat est au maximum d'une quinzaine de milliards d'euros , en retranchant les dépenses de maintien en conditions opérationnelles des forces armées. Ce seul gisement semble insuffisant pour supporter un tel ajustement et, dans ces conditions, les objectifs d'économies pour 2011 semblent devoir s'imputer sur l'ensemble du titre 3, subventions aux opérateurs comprises . Il est donc vraisemblable que la concrétisation des objectifs gouvernementaux passera par la répartition des efforts à fournir entre les dépenses de fonctionnement des services de chaque ministère et les concours qu'il verse à ses opérateurs.
d) Moduler l'effort en fonction des performances de gestion et y associer les opérateurs
Ces ordres de grandeur étant précisés, il est possible, sans préjuger de la stratégie gouvernementale à venir, de dégager quelques principes qui devraient guider la mise en oeuvre des mesures d'économies.
S'agissant de l'Etat , il est raisonnable de partir du principe que l'ensemble des ministères ont, proportionnellement à leur taille, des besoins similaires en matière de fonctions support. Dans ces conditions, la logique de « toise » uniformément applicable semble pouvoir être mise en oeuvre. Une modulation est néanmoins possible, qui pourrait prendre appui sur les performances des responsables de programmes « support », telles qu'elles ressortent des projets et rapports annuels de performances .
La mise en oeuvre de la LOLF permet en effet au législateur de disposer d'une batterie fournie d'indicateurs de performance en matière d' allocation optimale des moyens , tels que les ratios d'efficience bureautique , rapportant les dépenses bureautiques au nombre d'agents ou de postes au travail, les ratios d'efficience de gestion immobilière ou les indicateurs de coût des fonctions soutien par équivalent temps plein . S'appuyer sur les résultats atteints par les gestionnaires dans ces différents domaines permettrait donc de sortir du simple commentaire de l'évaluation de la performance et de la faire déboucher sur des décisions de gestion.
L'Etat ne doit pas subir seul l'ajustement nécessaire et ses opérateurs doivent être mis à contribution. Dès lors, toute contrainte de gestion subie par l'Etat doit être systématiquement étendue à ses opérateurs. Il en va ainsi, notamment, de la mise sous plafond de leurs emplois, prévue, sur initiative sénatoriale, par la loi de finances pour 2008, et de l'extension aux opérateurs de la règle de non-remplacement d'un agent sur deux partant à la retraire.
De ce point de vue, les conclusions de la deuxième conférence sur les déficits qui prévoit « l'application aux 655 opérateurs de l'Etat des mêmes règles transversales que pour l'Etat » doivent être saluées. Elles doivent, en particulier, conduire à appliquer aux dépenses de fonctionnement des opérateurs la même trajectoire de diminution que celle que se donne l'Etat , l'effort pouvant être modulé à la hausse pour les établissements n'atteignant pas les objectifs qui leurs sont assignés .