III. QUELQUES ENSEIGNEMENTS POUR ORIENTER LA POLITIQUE DE SOUTIEN AUX SERVICES À LA PERSONNE
Dans un domaine aux frontières instables, où les statistiques sont rien moins que satisfaisantes, où les « experts » expriment ainsi plutôt des opinions, tandis qu'auteurs et intervenants se trouvent généralement « parties prenantes », les certitudes n'abondent guère.
A l'issue de ce travail, des questions nouvelles se posent ; d'autres se précisent. Cependant, quelques enseignements, suffisamment robustes pour être qualifiés de tels, peuvent être retirés du rapport et des scénarios :
? Les perspectives démographiques à court/moyen terme , marquées par un recul des besoins liés à la dépendance, rendent moins urgent qu'on pourrait le supposer, un désengagement public du soutien aux services à la personne, même « de confort » : dans un scénario « tendanciel », où les mesures de soutien existantes sont globalement reconduites, on constate à l'horizon 2020 une diminution du poids du soutien public aux services aux ménages 129 ( * ) dans le PIB, à hauteur de 0,4 point 130 ( * ) .
Le scénario de désengagement exploré parallèlement dans le rapport ne fait gagner, lui-même, que 0,2 point de PIB par rapport au scénario tendanciel, malgré des mesures assez restrictives et des prélèvements accrus. De fait, les modes de prise en charge collectifs de la petite enfance et de la dépendance, en partie substituables à des modalités moins « structurées » de prestations de services à la personne, s'avèrent plus coûteux.
Par ailleurs, un chômage élevé peut justifier provisoirement de solvabiliser, à un coût à déterminer, une demande de services de confort qui s'avère dynamique, donnant en outre toute sa chance à un processus d'« industrialisation » de ces services.
Bien entendu, cette option n'est pas exclusive d'un recalibrage immédiat de certaines dépenses fiscales afin de minimiser les effets d'aubaine les plus flagrants.
? A moyen/long terme , dans le contexte d'un retour au plein emploi, il faut au contraire anticiper une réduction sensible des aides aux services de confort -ce qui posera d'autant moins de problème que le « pari » de l'industrialisation sera tenu au cours des années qui viennent.
Un recentrage continu des moyens sur l'éducation et la recherche s'impose pour accélérer la productivité afin de gagner en compétitivité et de financer ultérieurement, sans tension excessive sur les revenus des actifs, les services aux personnes dépendantes et, plus généralement, l'ensemble des besoins liés au vieillissement de la population. Ajoutons qu'à cet horizon, des innovations technologiques seront peut-être susceptibles de permettre, à moindre coût, une prise en charge de la dépendance au domicile.
En revanche, la robotisation des services de confort semble une perspective plus lointaine. D'une façon générale, affecter indéfiniment et en nombre croissant une main d'oeuvre peu qualifiée dans des secteurs, certes « non délocalisables », mais peu productifs, serait la marque d'une société frileuse, organisée sur un mode inégalitaire, au prix collectif d'une croissance sous-optimale dans une économie ouverte.
? En toute hypothèse, il conviendra d'isoler rapidement la politique de soutien des services de confort, de celle concernant les « personnes fragiles ».
Dans l'état actuel, ces politiques reposent sur des dispositifs spécifiques mais aussi sur des dispositifs communs, où le crédit d'impôt pour l'emploi de personnel à domicile, particulièrement incitatif, occupe une position centrale. Le pilotage différencié de ces deux politiques s'en trouve considérablement compliqué, de même que leur évaluation.
Or, il est légitime d'attendre des mesures de soutien aux services de confort une certaine « performance » économique, notamment en termes de créations d'emploi, pour les années qui viennent.
Au contraire, pour les services auprès des publics fragiles, les soutiens existants forment une action sociale, qui peut se substituer au soutien apporté à des services rendus collectivement, à des conditions de prix et de qualité différentes. Une mesure consolidée de la performance s'impose donc ici, non pas en termes de créations d'emploi, mais d'accès universel au meilleur service pour un coût public et privé maîtrisé.
Si ce rapport ne fait qu'ouvrir la voie d'une telle approche, à la fois différenciée et consolidée, de la performance de la dépense publique en matière de SAP, il n'aura pas été vain.
* 129 Champ englobant celui des services à la personne, défini dans le rapport pour les besoins de la démarche prospective.
* 130 Partant de 2,1 % du PIB.