3. Une réalité fondamentalement duale : services de confort et auprès de personnes fragiles
Les « services à la personne » constituent en réalité une catégorie sui generis qui fait masse d'emplois dont l'utilité sociale est très différente. On distingue aisément :
• les
services rendus aux personnes
fragiles
, qui font l'objet d'un soutien financier traditionnel de la
part de l'Etat ;
• les
services « de
confort »
, que l'Etat peut avoir intérêt
à subventionner pour lutter contre le chômage, mais au
bénéfice d'une vigilance particulière sur
l'efficacité des aides concernées en termes de
création d'emplois ;
• à mi-chemin, la
garde
d'enfants
, qui concerne un « public fragile »
du point de vue de la nature du service, mais qui peut aussi bien
constituer un service « de confort » du point de vue
des parents, au regard de la disponibilité des modes de garde
extérieurs au domicile.
La première édition du « Baromètre de la qualité et de la professionnalisation des emplois de services à la personne » de l'ANSP, rendu public le 19 mai 2010, a donné lieu à une partition des services à la personne reposant sur la prise en considération simultanée du lieu de prestation (dans ou hors domicile) et du type de public (plus fragile, moins fragile, ou « tout public » -il s'agit alors des services « de confort »). Suivant cette démarche, six catégories 25 ( * ) ont été déterminées.
RÉPARTITION DES EFFECTIFS DES SALARIÉS EN DIRECT EN 6 CATÉGORIES
Source : 1 ère édition du « Baromètre de la qualité et de la professionnalisation des emplois de services à la personne » de l'ANSP, mai 2010
Mais en réalité, lorsqu'on se déplace sur l'axe des ordonnées, on est loin de trouver une répartition homogène de services à la personne, et les trois catégories susmentionnées, qui obéissent à des logiques fondamentalement différentes - tantôt service rendu à des publics fragiles, tantôt services de confort -, apparaissent clairement.
C'est ainsi que d'aucuns, à commencer par la Cour des comptes 26 ( * ) , jugent surprenant que l'ensemble de ces services, dits « à la personne », obéissent à un régime de déductibilité fiscale unique .
Dans une approche plus radicale, Mme Florence Jany-Catrice estime, dans une démarche sociologique visant à « déconstruire » le concept de « services à la personne », que ces derniers constituent un véritable « coup de force politique » , en confondant sous une même appellation des services dont les trajectoires institutionnelles sont singulières, et les logiques financières particulières, avec d'une part, les services que l'on peut qualifier « de luxe » et d'autre part, les services destinés à accompagner les personnes âgées ou handicapées.
L'attention portée à l'économie des services domestiques serait surtout guidée par le choix politique « de fonder une partie importante de la croissance de l'emploi sur des activités qui ne peuvent se développer que sur le socle des inégalités économiques : inégalités sociales et inégalités de genre » 27 ( * ) . Au-delà de la radicalité du discours, on constatera infra que les « charges » sur la base desquelles est instruit ce « procès » des services à la personne ne peuvent être balayées d'un revers de la main.
Selon certaines approches, le potentiel des emplois de services à la personne reposerait ainsi, pour l'essentiel, sur le vieillissement de la population - diagnostic, nous le verrons, peu contestable à long terme - et sur les inégalités, notamment, de revenus.
* 25 Regroupant elles-mêmes 11 activités identifiées.
* 26 Rapport public annuel pour 2010, chapitre consacré à « la politique en faveur de services à la personne ».
* 27 « Les services à la personne », par François-Xavier Devetter, Florence Jany-Catrice et Thierry Ribaut, éditions « La Découverte », janvier 2009.