III. QUATRE VOIES DE SOLUTION
Votre rapporteur a entendu les représentants des collectivités territoriales, du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, du monde des entreprises, ainsi que de représentants des personnels concernés et des personnes qualifiées sur ces questions.
Il lui est ainsi apparu que le désarroi des collectivités territoriales face au désengagement de l'Etat n'est pas réellement comblé par la mise en place d'une initiative privée qui est pourtant en partie à l'origine du recul des services extérieurs dans le domaine concurrentiel. Les témoignages recueillis par votre rapporteur tendent à prouver que les collectivités territoriales se heurtent à de réelles difficultés pour trouver les prestataires privés dans certaines zones géographiques ou en dessous de certains seuils. L'enquête de l'AMF réalisée à l'occasion du 92 e congrès des maires a montré que, dès le mois de décembre 2009, alors même que les services extérieurs de l'Etat n'avaient pas encore redéployé leur activité dans les champs non concurrentiels, près de 25 % des communes ayant répondu à l'étude éprouvaient des difficultés à trouver des prestataires ce qui les conduisait à différer, à retarder, voire très marginalement à abandonner des projets.
Les collectivités territoriales risquent de se retrouver seules, l'Etat se concentrant sur ses compétences régaliennes. Les professionnels de la construction ont pourtant besoin de maître d'ouvrage en capacité de leur passer des commandes claires, de la même façon les entreprises de travaux publics ont besoin d'une direction de maîtrise d'oeuvre efficace.
Les prestataires privés d'ingénierie publique ont été sollicités par le ministère de l'écologie afin de constituer avec les représentants des associations d'élus 35 ( * ) un groupe de travail visant à permettre un passage en douceur d'une ingénierie publique étatique à une ingénierie privée. Une « convention d'engagement volontaire des acteurs de l'ingénierie », validée le 22 octobre 2009 par le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer d'une part, et la fédération Syntec-ingénierie d'autre part, a été transmise à votre rapporteur.
La bonne volonté des acteurs du secteur ne fait pas de doute, et ne suffit pourtant pas à résoudre les difficultés. Les représentants de la maîtrise d'oeuvre indiquent que le désengagement de l'Etat se traduit par la quasi-disparition de la maîtrise d'ouvrage. Or sans maîtrise d'ouvrage, l'exercice de leur activité est rendu extrêmement difficile.
La maîtrise d'ouvrage et l'assistance à maîtrise d'ouvrage privées peinent à émerger. Votre rapporteur se demande à l'issue de ses travaux s'il existe un modèle économique viable permettant réellement à l'ingénierie privée de prendre la place qu'occupaient les services extérieurs qui rassemblaient, outre les DDE, les unités territoriales. Il paraît difficile pour un acteur privé d'accéder au même degré de maillage territorial . Or en son absence, la rentabilité d'un projet est vite mise à mal par la multiplicité des déplacements nécessaires sur le terrain pour le mener à bien.
De même, votre rapporteur a entendu, à de nombreuses reprises, que le faible niveau des travaux envisagés par les petites collectivités territoriales en matière d'ingénierie publique risquait de décourager les structures d'ingénierie, d'autant que dans un climat de concurrence accrue, les prix revus à la baisse rendraient les petits contrats très peu rentables.
Dans ces perspectives, votre rapporteur vous proposera quatre voies de solution visant à garantir la pérennité de l'ATESAT, le développement d'une ingénierie publique territoriale, l'ouverture du réseau scientifique et technique et, enfin, la bonne utilisation des marchés publics.
A. REDÉFINIR L'ATESAT
1. Une ATESAT rénovée et pérenne dans les discours
L'ATESAT 36 ( * ) est définie par la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite MURCEF, du 11 décembre 2001 37 ( * ) . Elle vise à fournir un appui technique , sous la forme de conseil et d'assistance, donc sous la forme d'assistance à maîtrise d'ouvrage, dans les domaines de la voirie, de l'aménagement et de l'habitat, aux communes ou groupements de communes qui sont déclarés éligibles, soit les collectivités territoriales de moins de 10 000 habitants et leurs groupements ne disposant pas de service technique adéquat 38 ( * ) .
Le comité de modernisation des politiques publiques a prévu en avril 2008 que les services déconcentrés du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ne devaient plus fournir de prestations d'ingénierie dans le champ concurrentiel . Ceci ne devait pas remettre en cause l'ATESAT, qui, comme le soulignent les services du ministère, assure une « fonction de prestations pour les tiers, prévue par la loi. L'ATESAT est conservée à moyens constants ».
Une réflexion sur la répartition des moyens consacrés à l'ATESAT sur l'ensemble du territoire est à l'étude. Une feuille de route, sous forme de circulaire, est en préparation. Elle est destinée aux services départementaux et régionaux du ministère. Elle vise à offrir le même service qu'actuellement et à l'enrichir d'éléments issus du Grenelle de l'environnement.
Selon les informations communiquées par les services du ministère :
« - les activités traditionnellement effectuées par l'ATESAT pour le compte des collectivités éligibles se poursuivent normalement dans le domaine de la voirie et de l'habitat ;
- la feuille de route définit les prestations qui pourront être effectuées pour les collectivités territoriales, sous le vocable « aménagement » et qui appliquent le « Grenelle de l'environnement » dans les petites communes (nature en ville, ville durable, etc.) ;
- en aucun cas, les services de l'Etat ne devront conditionner leur intervention à la présence de demandes dites « Grenelle » dans les besoins de la collectivité : le service est obligatoire, c'est la collectivité territoriale qui en définit le contenu ;
- les collectivités territoriales et l'Etat contractualisent la mise en oeuvre de l'ATESAT ;
- les services de l'Etat appliquent le « Grenelle de l'environnement » dans l'exécution de l'ATESAT (recherche d'économies d'eau, d'énergie, de matières premières, etc.) ».
Rappelons encore, que lors du 92 e congrès des maires de France, à l'occasion de la clôture, M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a réaffirmé que l'Etat entendait soutenir les petites communes et ne se désengagerait donc pas complètement des missions d'ingénierie publique. Il a ainsi déclaré : « l'Etat doit conserver, dans les départements, des effectifs en rapport avec les missions qui restent de sa compétence. En particulier, il est fondamental que l'Etat conserve une ingénierie publique au service des communes et groupements qui disposent de moyens humains et financiers limités, en particulier dans les départements ruraux où l'offre du secteur privé est souvent défaillante. Je serai donc vigilant, avec Jean-Louis Borloo, à ce que les missions d'ATESAT (...) soient maintenues, dans le respect, bien sûr, des exigences du droit communautaire de la concurrence. C'est un point très important à mes yeux . »
* 35 L'Association des maires de France devrait publier avant la fin de l'année 2010 un guide présentant les évolutions des activités de l'ingénierie publique visant à éclairer les élus locaux.
* 36 Les caractéristiques de l'ATESAT sont présentées en annexe.
* 37 Loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, décret d'application du 27 septembre 2002 et arrêté de la même année.
* 38 Le nombre de communes éligibles en 2009 était de 33 376, le nombre de groupements de communes éligibles était de 1 286.