2. La première loi en France sur les violences au sein des couples : une initiative sénatoriale qui a enclenché une dynamique générale
a) Les principales dispositions de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs
La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs dont les avancées inédites ont été adoptées à l'unanimité et très largement saluées résulte d'une double initiative sénatoriale :
- la proposition de loi n° 62 (2004-2005) présentée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues, tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression ;
- et la proposition de loi n° 95 (2004-2005) présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues, relative à la lutte contre les violences au sein des couples.
Le contenu de la loi du 4 avril 2006 peut être brièvement résumé comme suit.
(1) Les avancées en matière de prévention et de répression des violences au sein du couple
L'inscription du respect en tête de la liste des devoirs des époux (article 212 du code civil) résulte d'un amendement déposé au Sénat par M. Robert Badinter.
La reconnaissance du viol entre époux : celle-ci ne résultait jusqu'alors que d'une jurisprudence de la Cour de cassation, et l'introduction de la circonstance aggravante de viol au sein du couple dans l'article 222-24 du code pénal.
La généralisation des circonstances aggravantes pour les infractions commises au sein du couple (à l'article 138-80 du code pénal). Cette circonstance aggravante s'applique non seulement aux conjoints et concubins, mais aussi aux pacsés, et aux « ex » (ancien conjoint, ancien concubin, ancien pacsé). La loi du 4 avril 2006 a également prévu de mentionner la qualité de partenaire lié par un pacte de solidarité mentionnée dans les cinq articles du code pénal visant des infractions (violences et actes de barbarie) pour lesquelles la qualité de conjoint ou de concubin était déjà retenue comme circonstance aggravante.
La reconnaissance du vol entre époux , par exception au principe d'immunité prévu à l'article 311-12 du code pénal, lorsqu'il porte sur des « objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime tels que documents d'identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d'un étranger, ou des moyens de paiement » résulte d'un amendement sénatorial de Mme Dominique Voynet et permet de sanctionner les hommes auteurs de violences qui retiennent les papiers d'identité ou le chéquier de leur épouse pour l'empêcher de fuir.
L'éloignement du domicile commun pour l'auteur des violences . L'éloignement du conjoint violent était déjà prévu par la loi du 26 mai 2004 sur le divorce, et par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. L'article 12 de la loi de 2006 a cependant corrigé certaines imprécisions et a élargi l'interdiction du domicile commun aux auteurs de violences conjugales liés par un PACS, et aux ex-conjoints. Ce principe d'éviction du conjoint violent a le double mérite d'inverser le rapport de force symbolique entre la victime et le conjoint violent et de mieux prendre en compte les intérêts des enfants du couple. Toutefois, en cas de simple concubinage, le domicile commun n'est pas considéré comme « conjugal » et la mesure d'éviction ne peut être prononcée.
(2) La lutte contre les mariages forcés
Plusieurs dispositions de la loi du 4 avril 2006 visent à prévenir et réprimer les mariages forcés qui vont à l'encontre du principe de libre consentement des époux, inscrit à l'article 146 du code civil. L'initiative de ce volet du texte est ici encore sénatoriale puisqu'il se rattache à la proposition de loi n° 222 (2004-2005) relative à l'harmonisation de l'âge minimal du mariage pour l'homme et pour la femme, présentée par Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
L'article premier de la loi porte l'âge légal du mariage des femmes à 18 ans, comme pour les hommes, en modifiant l'article 144 du code civil.
L'article 3 rend obligatoire l'audition des futurs époux par l'officier d'état civil lorsqu'il existe un doute sur la liberté du consentement au mariage, qu'il soit célébré en France ou à l'étranger.
L'article 5 pose le principe de la nullité du mariage pour vice de consentement. Il facilite l'annulation des mariages forcés. L'article 6 étend le délai au cours duquel l'annulation d'un mariage peut être demandée, le faisant passer de 6 mois à 5 ans.
(3) Les violences faites aux mineurs
L'article 14 de la loi a étendu la répression de l'excision aux cas commis à l'étranger sur une victime mineure résidant habituellement en France.
La loi du 4 avril 2006 renforce également la lutte contre le tourisme sexuel, d'une part, en permettant de prononcer à l'égard de l'auteur de faits commis à l'étranger sur des mineurs l'interdiction de quitter le territoire national, et d'autre part en autorisant le procureur de la République à ordonner l'inscription des empreintes génétiques d'une personne condamnée par une juridiction étrangère pour des infractions de nature sexuelle dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).
b) Le déclenchement d'une dynamique sociale, judiciaire, et législative
(1) Les compléments législatifs apportés en 2007 à la loi du 4 avril 2006
Comme le rappelle opportunément l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 118 (2009-2010) de M. Roland Courteau et des membres du groupe socialiste, un an après le vote de la loi du 4 avril 2006, qui a levé le tabou des violences familiales, une dynamique était enclenchée. Une avancée complémentaire, également suggérée par sa proposition, a alors été apportée par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Elle concerne le suivi socio-judicaire des auteurs de violences conjugales qui a été très sensiblement élargi. Ainsi, l'article 222-48-1 du code pénal a été complété de façon à permettre au juge d'obliger plusieurs catégories de coupables à s'y soumettre : non seulement le conjoint, le concubin ou le partenaire de la victime mais aussi les « ex » conjoint, concubin ou partenaire, et également, lorsque l'agression concerne un mineur de quinze ans, l'ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou toute autre personne ayant autorité sur la victime.
(2) La mobilisation du gouvernement
De façon indéniable, le gouvernement a apporté une contribution essentielle à cette mobilisation en lançant notamment deux plans successifs d'accompagnement pour venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales :
- un plan 2005-2007 intitulé « 10 mesures pour l'autonomie des femmes » ;
- et un deuxième plan triennal (2008-2010) pour combattre les violences faites aux femmes, lancé en novembre 2007 par Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, organisé autour de 4 axes :
• « Mesurer les actes de violence
» ;
• « Prévenir les
violences » ;
• « Coordonner l'action de tous les
acteurs » pour assurer une prise en charge globale et pérenne
des femmes victimes et améliorer la formation des professionnels
concernés ;
• et « Protéger les femmes
victimes et leurs enfants grâce à des dispositifs
d'accompagnement » (écoute, accueil, hébergement
d'urgence, logement), notamment à travers la labellisation des lieux
d'accueil et l'agrément de familles d'accueil.