4. Le mode de scrutin est-il lisible pour l'électeur ?
Pour le Gouvernement, le choix du vote unique est un gage de clarté pour l'électeur, qui n'aura à émettre qu'un seul vote comptant au scrutin majoritaire comme à la représentation proportionnelle.
Observons que si la réunion de deux élections en une seule grâce à un seul bulletin simplifie incontestablement l'organisation de l'expression démocratique, elle rend la signification de l'acte lui-même plus difficile à saisir !
5. Une architecture complexe
Le mode de scrutin choisi est, sans conteste, complexe. Le lien entre le vote pour une personne et pour une liste n'est déjà pas évident. Il l'est d'autant moins ici, qu'aucun candidat dans un canton ne pourra figurer sur la liste départementale. Comprendre que voter pour un candidat qui ne sera pas élu, c'est voter pour des candidats qui le seront, demande un niveau d'analyse qui risque de faire défaut chez beaucoup d'électeurs. Ce qui semble d'ailleurs avoir été le sentiment du Conseil d'État.
Si l'on en croit le « brouillon » de son avis, il aurait « considéré que le mode de scrutin projeté pour cette désignation était de nature à porter atteinte à l'égalité comme à la sincérité du suffrage compte tenu des modalités complexes de la combinaison opérée entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel dans le cadre d'un scrutin à bulletin unique. » (Le point 22/10/09)
La préférence du Conseil d'État irait à un mode de scrutin prévoyant un double vote plutôt qu'un seul.
Interrogé par l'AFP, le secrétaire d'État aux collectivités territoriales, Alain Marleix, a d'ailleurs admis que « le Conseil d'État a estimé que les modalités de mise en oeuvre de ce principe et de ce système étaient trop complexes et qu'elles nuisaient par conséquent à l'intelligibilité de la règle par les électeurs ». En conséquence, résume Alain Marleix, le Gouvernement a décidé « d'étudier des modalités alternatives permettant de garantir notamment l'intelligibilité de la loi électorale par l'électeur » . Il « a donc modifié son texte sur cet aspect ». (Sic) (Libération 22/10/09). A en juger par l'amendement gouvernemental adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 12 mai 2010 (voir plus loin), la « modification » est de taille !
Quoi qu'il en soit, le mode de scrutin proposé par le projet de loi n° 61 n'est pas une réponse à la critique d'illisibilité adressée à l'actuel mode d'élection des conseillers régionaux et que reprend l'étude d'impact annexée au projet de loi :
« La répartition des sièges dans le cadre des sections départementales est peu compréhensible pour les électeurs et ne permet pas d'assurer la cohérence de la campagne au niveau régional, les résultats dépendant de l'importance des votes émis dans chaque département . »
Le problème, c'est que le remède est pire que le mal. La cohérence de la campagne régionale sera encore plus difficile à mettre en oeuvre, la circonscription de base n'étant plus la région mais le département, et la difficulté à comprendre la répartition des élus entre départements, question relativement accessoire, sera remplacée par la difficulté à faire comprendre que ce sont les voix reçues par les candidats cantonaux battus qui serviront à faire élire ceux qui figurent sur des listes.
L'électeur pourrait avoir d'autant plus de mal à s'y retrouver que ce mode de scrutin peut facilement être détourné.