2. Des réformes importantes

a) La réforme du régime général de 1993

La première réforme importante du système de retraite a été engagée par le gouvernement d'Edouard Balladur en 1993. La loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale a prévu des évolutions importantes :

- l'indexation des pensions de retraite et des salaires portés au compte de chaque assuré sur l'évolution des prix à la consommation ;

- la création du fonds de solidarité vieillesse (FSV), établissement public chargé de financer les avantages d'assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale par l'affectation d'une fraction du produit de la contribution sociale généralisée (CSG) et des droits sur les alcools.

Toutefois, les mesures les plus importantes, qui relevaient du pouvoir réglementaire, ont fait l'objet de deux décrets du 27 août 1993, respectivement relatifs au calcul des pensions de retraite et aux pensions de retraite.

Ces décrets ont porté de cent cinquante à cent soixante le nombre de trimestres d'assurance exigé pour obtenir une liquidation de pension au taux plein . L'augmentation a été appliquée à raison d'un trimestre supplémentaire par année civile de naissance et a été achevée en 2003, année où un assuré âgé de soixante ans devait réunir cent soixante trimestres d'assurance pour obtenir une pension à taux plein au titre du régime général ou des régimes alignés.

Par ailleurs, les décrets ont porté de dix à vingt-cinq le nombre d'années de revenus prises en compte pour le calcul du salaire annuel moyen servant de base au calcul de la pension de retraite dans le régime général et les régimes alignés . Le relèvement s'est appliqué à raison d'une année supplémentaire par année civile de naissance et s'est achevé en 2008, année où la pension de retraite d'un assuré du régime général ou du régime des salariés agricoles, âgé de soixante ans a été calculée sur le salaire annuel moyen de ses vingt-cinq meilleures années. Pour les assurés des professions artisanales, industrielles et commerciales, le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années a été étalé de 1994 à 2013.

Cette réforme a été complétée en 1994 et 1996 par la réforme complète des régimes de retraite complémentaires obligatoires de l'Arrco et de l'Agirc.

b) La création du fonds de réserve des retraites et du conseil d'orientation des retraites

Les années 1997 à 2002 ont été marquées par la création du fonds de réserve pour les retraites (FRR) et du conseil d'orientation des retraites (Cor).

? Le FRR a été institué par l'article 2 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999. La loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel l'a transformé en un établissement public à caractère administratif de l'Etat.

Aux termes de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, ce fonds a pour mission principale de gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes de retraite .

Ces réserves sont constituées au profit des régimes général, des salariés agricoles, des artisans et des professions industrielles et commerciales. Les sommes affectées au fonds sont mises en réserve jusqu'en 2020.

? Le Cor a été créé par un décret du 10 mai 2000. Par la suite, la loi de 2003 portant réforme des retraites a inscrit ses missions dans la partie législative du code de la sécurité sociale.


Le conseil d'orientation des retraites

Selon les termes de l'article L. 114-2 du code de la sécurité sociale, le conseil d'orientation des retraites a pour missions :

- de décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques, et d'élaborer, au moins tous les cinq ans, des projections de leur situation financière ;

- d'apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ;

- de mener une réflexion sur le financement des régimes de retraite et de suivre l'évolution de ce financement ;

- de formuler les avis prévus par l'article 5 de la loi du 21 août 2003 relatifs aux conditions dans lesquelles peut être prolongée la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein ;

- de participer à l'information sur le système de retraite et les effets des réformes conduites pour garantir son financement ;

- de suivre la mise en oeuvre des principes communs aux régimes de retraite et l'évolution des niveaux de vie des actifs et des retraités, ainsi que de l'ensemble des indicateurs des régimes de retraite, dont les taux de remplacement.

Le conseil peut formuler toutes recommandations ou propositions de réforme qui lui paraissent de nature à faciliter la mise en oeuvre des objectifs et principes énoncés par la loi de 2003 portant réforme des retraites.

Outre son président, le Cor est composé de trente-huit membres, parmi lesquels quatre députés et quatre sénateurs, seize représentants des organisations professionnelles et syndicales, le président de l'union nationale des associations familiales (Unaf), le vice-président du comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA), six représentants de l'Etat et six personnalités choisies en raison de leur compétence et de leur expérience.

Depuis sa création, le Cor a publié huit rapports et est devenu un acteur central du pilotage du système de retraite à travers ses analyses et projections financières.

c) La réforme de 2003

Les cent seize articles de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ont modifié un grand nombre de règles applicables au système des retraites.

Les principes fondamentaux

La loi a tout d'abord rappelé quelques principes essentiels :

- le choix de la retraite par répartition au coeur du pacte social qui unit les générations (article 1 er ) ;

- le droit pour tout retraité à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité ;

- la possibilité pour les assurés de bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite , quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent.

Elle a en outre précisé que la Nation se fixait pour objectif d'assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet au Smic et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension, lors de la liquidation, au moins égal à 85 % du Smic.

L'allongement de la durée d'assurance et les dispositions qui lui sont liées

La loi de 2003 a fait de la durée d'assurance le paramètre essentiel d'ajustement du système de retraite en posant le principe selon lequel la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein évolue de manière à maintenir constant, jusqu'en 2020, le rapport constaté entre cette durée et la durée moyenne de retraite , entendue comme l'espérance de vie à l'âge de soixante ans telle qu'estimée cinq ans auparavant.

La loi a confié à une commission de garantie des retraites , composée du vice-président du Conseil d'Etat, du président du Conseil économique, social et environnemental, du Premier président de la Cour des comptes et du président du Conseil d'orientation des retraites, la mission de constater l'évolution respective des durées d'assurance ou de services nécessaires pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein ou obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite ainsi que l'évolution de la durée moyenne de retraite.

Ce dispositif a été accompagné d'un allongement de la durée de services, bonifications comprises, nécessaire pour obtenir une liquidation au taux maximum dans la fonction publique afin de parvenir en 2008 à un alignement sur la durée d'assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein dans le secteur privé ( 160 trimestres ).

Pour la période 2009-2012, la loi prévoyait un allongement de 160 à 164 trimestres de la durée d'assurance nécessaire pour obtenir le taux plein ou de la durée de services nécessaire pour obtenir une liquidation au taux maximum. Un décret pouvait cependant ajuster ce calendrier si les évolutions liées au rapport entre durée d'assurance et durée moyenne de retraite le justifiaient. En pratique, le calendrier fixé par la loi a été confirmé lors du rendez-vous 2008 et l'allongement de la durée d'assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein est en cours.

Corrélativement à ce dispositif d'allongement de la durée d'assurance, la loi a :

- maintenu le principe de coefficients de minoration ( décote ) destinés à réduire le montant des pensions des assurés ou agents n'ayant pas réuni la durée d'assurance ou de services minimale exigée pour avoir droit au taux plein ou maximum de liquidation ;

- créé une majoration de pension ( surcote ) pour les assurés ayant cotisé au-delà de la limite du taux plein et demandé la liquidation de leur pension au-delà de l'âge légal de la retraite.

En outre, la réforme a conduit à la mise en place d'un dispositif de retraite anticipée pour longue carrière permettant un départ anticipé à partir de cinquante-six ans , dont les conditions ont été précisées par décret. Pour bénéficier de la mesure, les assurés doivent justifier d'une durée d'assurance ou de périodes reconnues équivalentes ou au moins égales à la durée fixée pour obtenir le taux plein de liquidation majorée de huit trimestres.

Un dispositif spécifique de retraite anticipée avant soixante ans pour les assurés handicapés relevant du régime général, du régime des salariés agricoles, des régimes des artisans et commerçants, des professions libérales et des exploitants agricoles a également été prévu.

Les autres mesures

La loi du 21 août 2003 a apporté un grand nombre d'autres modifications à l'ensemble du système de retraite, dont les principales sont les suivantes :

- définition d'un droit à l'information des assurés sur leur retraite ;

- ouverture, pour les assurés du secteur privé et les agents du secteur public, d'un droit au rachat d'années d'études supérieures dans la limite de douze trimestres ;

- amélioration des modalités de prise en compte des cotisations versées au titre d'un travail à temps partiel ;

- modification de la procédure de revalorisation des pensions de retraite ;

- réforme des pensions de réversion , notamment pour supprimer progressivement la condition d'âge pour l'ouverture du droit à la réversion dans le secteur privé, et assurer l'égalité entre les hommes et les femmes dans le secteur public ;

- réforme des bonifications de durée d'assurance pour enfants ;

- soutien au maintien en activité des seniors par la réforme des règles relatives au cumul d'un emploi et d'une retraite, la suppression des préretraites progressives, l'élargissement de la négociation professionnelle triennale au maintien dans l'emploi des salariés âgés, la limitation du bénéfice de la cessation anticipée d'activité des travailleurs salariés aux salariés âgés ayant effectué des travaux pénibles,... ;

- création d'un régime complémentaire obligatoire d'assurance vieillesse pour les industriels et les commerçants ;

- réforme des régimes d'assurance vieillesse des professions libérales et des exploitants agricoles ;

- développement de l'épargne retraite par la création du plan d'épargne retraite populaire (Perp) et du plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco).

d) La réforme des régimes spéciaux

La dernière réforme en date a été celle des régimes spéciaux de retraite réalisée en 2007-2008. L'objectif de la réforme a été d'harmoniser les principaux paramètres de droit et de calculs appliqués par les régimes spéciaux, notamment ceux de la SNCF et de la RATP, avec ceux mis en oeuvre dans la fonction publique :

- suppression de la mise à la retraite d'office à l'initiative de l'entreprise ;

- suppression des clauses discriminatoires entre hommes et femmes : possibilité d'attribution d'une pension aux parents de trois enfants (et non plus aux seules mères de famille) ; alignement des modalités d'attribution des pensions des veufs sur celles des veuves ;

- caractère quérable de la pension , dont l'agent doit demander la liquidation à la caisse en précisant la date d'entrée en jouissance ;

- possibilité de bénéficier d'une pension proportionnelle dès lors que l'on compte un an de service (au lieu de quinze ans auparavant) ;

- décompte des services valables pour la retraite en trimestres (et non plus en années, mois, jours) ;

- passage progressif, suivant un critère générationnel, d'une durée de service pour bénéficier du taux plein de cent cinquante trimestres à cent soixante-quatre trimestres au 1 er juillet 2016 ;

- instauration d'une décote (entraînant une minoration de pension) et d'une surcote (entraînant une majoration de pension) ;

- possibilité de validation gratuite de périodes non travaillées (disponibilité, temps partiel) pour élever un enfant ;

- possibilité de rachat d'années d'études (dans la limite de douze trimestres) ;

- possibilité de départ anticipé pour les agents handicapés ou présentant un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) supérieur ou égal à 66 % à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ;

- création d'une pension d'orphelin de 10 % par enfant dans la limite de 100 % de la rémunération de base ;

- indexation des pensions sur les prix à compter du 1 er avril 2009.

La mise en oeuvre de la réforme a été accompagnée d'importantes mesures salariales de compensation négociées au sein de chacune des entreprises.

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En définitive, les vingt dernières années ont été marquées par d'importantes évolutions du système de retraite ayant consisté, pour leur part la plus significative, à accroître la durée nécessaire pour obtenir une pension de retraite à taux plein .

Malgré ces réformes, la soutenabilité financière des régimes de retraite est plus menacée que jamais pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles.

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