B. UN SYSTÈME DÉJÀ SUBSTANTIELLEMENT RÉFORMÉ
La prise de conscience des difficultés que les évolutions démographiques posent au système de retraite n'est pas nouvelle. Plusieurs rapports importants ont été consacrés à ce sujet depuis vingt ans et la France a déjà procédé à d'importantes réformes.
1. Vingt ans de constats et propositions
Depuis 1991, les perspectives du système de retraite ont donné lieu à de nombreux travaux prospectifs, dont les plus importants méritent d'être rappelés.
a) Le livre blanc sur les retraites
Présenté en 1991, le livre blanc sur les retraites, établi par le commissariat général du Plan sur la base d'un important travail interministériel, a constitué le premier rapport d'envergure sur les perspectives du système de retraite.
Dans la préface de ce document, le Premier ministre Michel Rocard faisait le constat du vieillissement de la population à venir et des déséquilibres que cette évolution allait entraîner dans le financement des retraites. Dans la perspective des évolutions à conduire, il fixait trois principes essentiels :
« Nous devons respecter l'équité entre les générations, celle des grands-parents qui sont aujourd'hui en retraite, celle des parents qui le seront au début du siècle prochain, et celle de nos enfants qui, au-delà de 2010, auront alors à payer les retraites de leurs parents.
« Nous devons satisfaire l'équité au sein de chaque génération, nos régimes actuels n'assurant pas toujours les solidarités espérées.
« Nous devons évidemment assurer la maîtrise financière des régimes de retraite pour en garantir la pérennité ».
Organisé en quatre chapitres, le livre blanc faisait le constat d'une parité moyenne des niveaux de vie des actifs et des retraités et d'une amélioration continue de la législation dont bénéficient des retraités de plus en plus nombreux. Il mettait en évidence une dégradation programmée du rapport entre actifs et retraités et soulignait les dangers d'une évolution non maîtrisée des dépenses des régimes de retraite, ainsi qu'une dérive des prélèvements obligatoires.
Après avoir présenté les réformes entreprises à l'étranger, le livre blanc traçait des perspectives pour l'avenir. Excluant toute substitution de la capitalisation à la répartition et, plus largement, toute réforme profonde de l'organisation du système, il privilégiait les mesures suivantes :
- l'adaptation de la durée d'activité nécessaire pour se constituer un droit à une retraite complète ;
- l'extension dans les régimes de base de la période de référence prise en compte pour le calcul de la pension ;
- la revalorisation des pensions en fonction de l'évolution des prix.
b) Le rapport Briet
Le rapport établi par Raoul Briet à la demande du Premier ministre Alain Juppé en 1995 avait pour objectif d'actualiser les diagnostics et projections contenus dans le livre blanc sur les retraites.
Il insistait fortement sur l'impact prévisible attendu de la dégradation du ratio entre la population âgée de plus de soixante ans et la population de quinze à cinquante-neuf ans. La direction de la prévision estimait alors, à l'horizon 2015, dans un scénario macro-économique central, à dix points supplémentaires de cotisations le besoin de financement d'un régime global fictif à législation antérieure à la réforme du régime général de 1993. Ce besoin de financement était même évalué à vingt-six points de cotisations en 2040.
Selon ce rapport de 1995, la réforme du régime général de 1993 permettait de replacer ce régime dans une situation proche de l'équilibre à l'horizon 2005 et réduisait de moitié le besoin de financement à l'horizon 2015.
c) Le rapport Charpin
Ce rapport, demandé par Lionel Jospin, alors Premier ministre, à Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan, établissait des projections financières très complètes sur l'évolution du système de retraite à l'horizon 2040, reposant sur des hypothèses économiques contrastées (le taux de chômage pris en compte dans les divers scénarios variait entre 3 % et 9 % sur longue période). L'hypothèse la plus défavorable faisait apparaître un besoin de financement d'environ mille milliards de francs à l'horizon 2040 tous régimes confondus.
L'un des chapitres du rapport mettait par ailleurs en évidence un accroissement des écarts entre régimes.
La principale proposition du rapport portait sur un allongement jusqu'à 42,5 annuités en 2020 de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein.
Cette perspective était complétée par plusieurs propositions ou pistes de réflexion :
- la constitution de réserves à hauteur de trois points de Pib, afin de lisser les effets du choc démographique ;
- l'élargissement de l'assiette du financement à d'autres revenus des ménages, sans que cette piste soit cependant très détaillée ;
- l'aménagement de certains dispositifs pour favoriser la cohésion sociale, en particulier la modification des règles d'indexation des pensions pour maintenir le taux de remplacement dans le secteur privé ;
- la prise en compte dans le système de retraite de la pénibilité au travail.
d) Le rapport Teulade
Refusant les analyses les plus pessimistes figurant dans certains travaux, le rapport établi en 2000 par René Teulade dans le cadre du conseil économique et social notait qu'« il faudrait un taux de croissance de 3,5 % par an d'ici 2040 pour stabiliser le poids des retraites dans le Pib à son niveau actuel sans recul de l'âge médian de cessation d'activité et avec une indexation des retraites sur les salaires ».
Le rapport présentait cinq axes de propositions :
- une meilleure articulation, grâce notamment à une plus grande progressivité de la retraite, des différents temps de la vie ;
- la garantie d'un juste remplacement du revenu par la retraite ;
- la mise en place de financements complémentaires « ne pénalisant pas la compétitivité et l'emploi » ;
- la recherche d'une croissance créatrice d'emplois pour enrayer les effets de la baisse de la population active ;
- l'installation d'un centre national de vigilance et de garantie sur les retraites.
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Avec la création du conseil d'orientation pour les retraites (Cor), l'époque des grands rapports sur les retraites, désignés sous le nom de leur principal auteur, est désormais largement révolue, l'essentiel des travaux d'analyse, de réflexion et de projections étant désormais assumé par cette institution.