3. La diversité des dispositifs de solidarité
La multiplicité des régimes de retraite se retrouve aussi dans les dispositifs de solidarité mis en oeuvre. Outre la validation de certaines périodes d'interruption de carrière qui, par nature, ne se justifie pas dans certains régimes (périodes de chômage ou de préretraite pour les régimes de la fonction publique ou ceux des non salariés), les droits familiaux et conjugaux de retraite ainsi que les minima de pension diffèrent selon les régimes.
L'hétérogénéité des droits familiaux et conjugaux de retraite
Le rapport du Cor de décembre 2008, Retraites : droits familiaux et conjugaux, a souligné la grande diversité des droits familiaux et conjugaux en matière de retraite.
• A l'exception de l'assurance vieillesse des
parents au foyer (AVPF), les droits familiaux dépendent du régime
d'affiliation des assurés :
- en général, des majorations de durée d'assurance sont prévues dans les régimes de base, mais pas dans la plupart des régimes complémentaires ;
- les majorations de pension pour trois enfants et plus existent dans tous les régimes, excepté dans le régime de base des professions libérales et du régime additionnel de la fonction publique, lequel n'accorde aucun droit familial en raison de sa nature spécifique ;
- les possibilités de départ anticipé pour raison familiale ne sont ouvertes que dans les régimes spéciaux dont ceux des fonctionnaires, excepté dans les régimes des mines et des marins ;
- les majorations de pension pour conjoint à charge n'existent que dans les régimes de base du secteur privé, des professions libérales et des marins ; les majorations pour enfant à charge sont propres à l'Arrco.
La diversité des règles applicables dans les différents régimes peut, dans certains cas, avoir des justifications, l'égalité de traitement ne passant pas nécessairement par des règles identiques. Elle entraîne toutefois une complexité préjudiciable à la lisibilité du système et à la connaissance de leurs droits par les assurés , en particulier pour ceux, de plus en plus nombreux, qui ont été affiliés à plusieurs régimes de retraite. Elle peut, en outre, conduire à des zones d'ombre ou à des incohérences comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2009 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale 97 ( * ) .
Aussi, une réforme d'ensemble des droits familiaux est nécessaire afin de parvenir , dans la mesure du possible, à une certaine harmonisation entre les régimes.
• Tous les régimes de retraite accordent
également des
droits conjugaux
, sous la forme de
pensions de réversion aux conjoints survivants. Si les disparités
de règles entre veufs et veuves ont quasiment disparu au sein de chaque
régime,
les taux de réversion varient
de
50 % à 60 % et
les conditions pour
bénéficier de la réversion sont loin d'être
homogènes
:
- la réversion est servie sous condition de ressources dans le régime général, les régimes alignés, le régime des exploitants agricoles et le régime des professions libérales, mais pas dans les régimes complémentaires (hormis celui des artisans depuis le 1 er janvier 2009) et les régimes de la fonction publique ;
- le remariage entraîne la perte ou la suspension de la réversion dans les régimes complémentaires et les régimes spéciaux (y compris ceux de la fonction publique), mais pas dans le régime général, les régimes alignés, le régime des exploitants agricoles et le régime des professions libérales ;
- une condition d'âge minimum pour bénéficier de la réversion n'est pas requise dans la plupart des régimes spéciaux dont ceux de la fonction publique, alors qu'elle l'est dans la plupart des autres régimes, avec des seuils d'âge non harmonisés ;
- certains régimes (régimes complémentaires des salariés du privé et régimes spéciaux) prévoient un dispositif pour les orphelins, dont la forme et le montant sont variables.
Dans son rapport de mai 2007 consacré à la réversion 98 ( * ) , la Mecss a non seulement dénoncé « le caractère extraordinairement touffu et complexe du cadre juridique de la réversion » et son « caractère profondément incohérent et inéquitable » , mais aussi plaidé pour « une perspective d'harmonisation, voire d'unification progressive des règles » . En l'absence de réforme d'ampleur depuis cette date, son constat et sa recommandation sont toujours d'actualité.
Par ailleurs, il conviendrait d' adapter le système de la réversion aux évolutions de la conjugalité que sont la forte progression du nombre de divorces et le développement de nouvelles formes d'unions hors mariage comme le pacte civil de solidarité (Pacs). Sur ce sujet, la Mecss s'est prononcée, dans le cadre du rapport précité, pour l'extension du bénéfice des pensions de réversion aux personnes pacsées depuis plus de cinq ans, voire aux personnes vivant en union libre et ayant des enfants à charge.
Des minima de pension différents selon les régimes
La réforme de 2003 a fixé un objectif en 2008 de pension totale au moins égale à 85 % du Smic net pour tout salarié ayant eu une carrière complète et à temps plein rémunérée au Smic. Bien que cet objectif concerne à la fois les salariés du privé et les salariés du public, les moyens d'y parvenir diffèrent.
Pour les salariés du privé concernés , des revalorisations spécifiques du minimum contributif versés par la Cnav ont permis de porter son montant, ajouté à celui de la pension complémentaire Arrco, à 85 % du Smic net en 2008. Pour les fonctionnaires , l'objectif est, par hypothèse, atteint puisque le montant du minimum garanti à taux plein correspond à environ 100 % du Smic net.
Le minimum contributif , complété par la pension Arrco, et le minimum garanti diffèrent non seulement par leur montant mais aussi par leurs conditions d'octroi. Si les deux sont réduits en proportion de la durée validée dans le régime considéré, le minimum contributif, contrairement au minimum garanti, est accordé seulement aux assurés qui remplissent les conditions du taux plein et, à compter du 1 er juillet 2010 99 ( * ) , uniquement à ceux dont la retraite totale n'excède pas un montant fixé par décret.
Pour les non-salariés , les conditions de minima de pension sont également différentes. Les artisans et commerçants bénéficient du minimum contributif dans les mêmes conditions que les salariés du privé, mais leurs régimes complémentaires diffèrent de l'Arrco. Pour les exploitants agricoles, l'objectif de minimum de pension (base et complémentaire) au terme d'une carrière complète, visé avec l'instauration du régime complémentaire obligatoire, est 75 % du Smic net. Enfin, le régime de base des professions libérales, en points, appelle des cotisations minimales (proportionnées à l'exercice) qui assurent l'acquisition d'un nombre de points minimum.
* 97 La Cour remet plus particulièrement en cause la majoration de durée d'assurance (MDA) et l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) : « Dans un contexte qui s'est modifié, leurs ciblages respectifs et leur cohérence semblent désormais problématiques. Chacun de ces dispositifs induit des effets négatifs croissants : désincitation au travail des femmes après soixante ans, surtout pour la MDA, illisibilité sans redéfinition des objectifs poursuivis pour l'AVPF. »
* 98 Rapport Mecss n° 314 (2006-2007) de Claude Domeizel et Dominique Leclerc, « Transparence, équité, solidarité : les trois objectifs d'une réforme de la réversion ».
* 99 Afin de recentrer le dispositif du minimum contributif sur les salariés ayant eu de longues carrières faiblement rémunérées - conformément aux recommandations de la Cour des comptes sur ce sujet -, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a soumis le bénéfice du minimum contributif à un plafond de ressources.