3. L'emploi des jeunes
a) L'importance de l'âge effectif d'entrée sur le marché du travail pour l'acquisition des droits à la retraite
Outre la question de l'emploi des seniors, le dossier des retraites conduit aussi à s'intéresser à la situation des jeunes sur le marché du travail. En effet , l'âge de fin d'études et l'âge effectif d'entrée dans la vie active - compte tenu des conditions d'insertion sur le marché du travail - constituent des moments clefs pour l'accumulation des droits à la retraite .
Après avoir connu une progression régulière de l'après-guerre jusqu'aux années quatre-vingt , l'âge de fin d'études s'est stabilisé au-dessus de vingt et un ans au milieu des années quatre-vingt-dix . Alors que les générations nées au milieu des années quarante achevaient leurs études vers dix-sept ans en moyenne, celles nées au début des années soixante les ont terminées avant dix-neuf ans, celles nées au début des années soixante-dix vers vingt ans et celles nées dans les années quatre-vingt à plus de vingt et un ans (ces générations ont atteint ou atteindront l'âge de la retraite respectivement vers 2005, 2020, 2030 ou 2040).
Parallèlement à l'augmentation puis à la stabilisation de la durée des études, les conditions d'insertion sur le marché du travail sont devenues plus difficiles au fil des générations , surtout à partir du milieu des années quatre-vingt. Ces difficultés d'insertion se sont notamment traduites par :
- des taux de chômage des jeunes actifs peu diplômés de l'ordre de 40 %, contre 20 % pour l'ensemble des jeunes et 10 % pour les plus diplômés ;
- le développement des situations d'emploi précaires (périodes de stage, d'emploi aidé ou d'emploi à temps partiel subi) ;
- des délais d'accès à un emploi stable plus longs 89 ( * ) .
Alors que la durée d'insertion entre le premier emploi et le premier emploi stable (défini ici comme un emploi de plus de six mois) était d'un an pour les générations du milieu des années cinquante, elle est désormais de l'ordre d'un an et demi 90 ( * ) .
De ces évolutions, il résulte que les droits à la retraite accumulés à l'âge de trente ans sont plus faibles pour les jeunes générations que pour les précédentes . Ainsi, selon une étude de la Drees 91 ( * ) , en moyenne, le nombre de trimestres validés avant trente ans (au titre de l'emploi, mais aussi des périodes d'insertion ou même d'inactivité) a baissé de sept trimestres entre la génération 1950 et la génération 1970. Ces travaux montrent également que le recul au fil des générations (générations 1950 à 1970) des âges moyens de première validation d'un trimestre et de validation de quatre trimestres au cours de la même année, concerne plus particulièrement les moins qualifiés .
Les générations qui vont partir à la retraite dans les décennies à venir auront donc non seulement commencé à accumuler des droits à la retraite plus tard, mais elles devront, en outre, valider plus de trimestres pour obtenir une retraite à taux plein du fait de l'allongement de la durée de cotisation prévu par les réformes de 1993 et de 2003.
En définitive, le lien entre l'âge d'entrée sur le marché du travail et l'accumulation des droits à la retraite prouve la nécessité d'améliorer l'accès des jeunes générations à l'emploi . Ce constat est d'autant plus prégnant que la crise économique actuelle frappe durement les jeunes à un moment où leur situation sur le marché du travail est déjà loin d'être favorable.
b) Faciliter l'insertion des jeunes sur le marché du travail
Les statistiques rappellent l'urgence à agir : au quatrième trimestre 2009 92 ( * ) , le taux d'emploi des quinze / vingt-quatre ans était de 27,4 % , contre 35,9 % en moyenne dans l'Union européenne à vingt-sept, et le taux de chômage de 24 % contre 18,3 %.
Développer la formation en alternance
Pour améliorer l'emploi des jeunes, l'une des actions les plus efficaces consiste à renforcer le recours à l'apprentissage et à l'alternance, qui leur permet non seulement de trouver plus facilement un emploi et de le garder , mais aussi de cotiser au titre de la retraite , dès l'entrée en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation.
L'alternance connaît, depuis une vingtaine d'années, un essor important . Un peu plus de 11 % des jeunes sont aujourd'hui formés dans un dispositif en alternance, soit environ 600 000, avec d'excellents résultats en termes d'insertion professionnelle, puisque 80 % d'entre eux trouvent un emploi durable en moins d'un an . L'objectif poursuivi serait d'atteindre, d'ici 2015, la proportion de 20 % des jeunes en alternance, soit 850 000 environ.
Cependant, le développement de l'alternance se heurte toujours à plusieurs obstacles . Lors de son audition, le ministre Laurent Wauquiez a notamment évoqué :
- le caractère encore très artisanal du système de mise en relation avec les entreprises : il n'existe, par exemple, pas de site Internet qui rassemble les besoins des entreprises et les candidatures des jeunes ;
- les difficultés de déplacement que rencontrent de nombreux jeunes - en particulier ceux qui n'ont pas le permis de conduire -, lorsque l'entreprise qui les accueille ou leur centre de formation est éloigné de leur domicile. Plusieurs solutions pourraient alors être envisagées : le développement des internats et des capacités d'hébergement des centres de formation d'apprentis, la possibilité de prendre en charge les frais de mobilité de ces jeunes ;
- le recours à l'apprentissage est concentré dans certains secteurs d'activité (bâtiment, restauration) et encore insuffisamment développé dans d'autres (informatique, banque, fonction publique...). Un des objectifs est donc d' étendre le spectre des entreprises qui accueillent de jeunes apprentis. En particulier, il faut que les grandes entreprises jouent davantage le jeu et s'engagent à développer une filière d'apprentissage en leur sein.
La formation en alternance a récemment fait l'objet de plusieurs mesures , intégrées dans la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, parmi lesquelles :
- l'extension du bénéfice du contrat de professionnalisation à certains publics prioritaires, notamment aux titulaires de minima sociaux (article 23) ;
- le développement de l'apprentissage dans le secteur public ( via la suppression de l'agrément préfectoral préalable à la conclusion de contrats d'apprentissage dans le secteur public 93 ( * ) ) (article 24) ;
- la possibilité pour l'Etat de conclure, en concertation avec les régions, des conventions d'objectifs sur le développement de la formation des jeunes en alternance avec les entreprises et les branches professionnelles (article 31).
Il apparaît souhaitable de dresser un premier bilan de l'application de cette loi, afin d'envisager, le cas échéant, un approfondissement de ces dispositions ou la recherche de solutions complémentaires.
Envisager la possibilité, pour les jeunes, de valider des droits au titre de la retraite sur leurs périodes de stages
Compte tenu de l'entrée tardive des jeunes sur le marché de l'emploi et de l'allongement, comme de la professionnalisation, des stages requis dans de nombreux cursus universitaires, il ne paraît pas illégitime d'envisager la possibilité, pour les jeunes, d'acquérir des droits à la retraite au titre de leurs périodes de stages .
Cette proposition suppose que les périodes de stages soient prises en compte dans le calcul de la durée d'assurance et qu'elles donnent lieu à cotisations vieillesse .
Actuellement, la très grande majorité des stages, qui ne reposent pas sur un contrat de travail (le stagiaire n'a alors pas le statut de salarié), bénéficient d'une franchise de cotisations sociales 94 ( * ) . Leur gratification n'ayant pas le caractère d'un salaire 95 ( * ) , elle ne peut être soumise à cotisations sociales. A l'inverse, certains stages ne sont pas concernés par la franchise, principalement se déroulant dans le cadre de la formation professionnelle continue (dans ce cas, le stagiaire est lié par un contrat de travail avec l'employeur).
Dans le contexte d'insertion plus tardive des jeunes sur le marché du travail et d'augmentation de la durée de cotisation, soumettre les périodes de stages à cotisations vieillesse aurait le mérite de permettre aux jeunes d'acquérir plus tôt des droits à la retraite . Toutefois, cette proposition présente un inconvénient majeur : en augmentant le coût des stages, elle risque de désinciter les entreprises à accueillir des stagiaires , ce qui irait à l'encontre du développement de l'accès aux stages.
* 89 L'accès à un emploi stable est de plus en plus tardif avec, pour les années les plus récentes, un niveau légèrement inférieur à 80 % cinq ans après la fin des études initiales et de l'ordre de 87 % au bout de dix ans, contre respectivement 97 % et 98 % au début des années quatre-vingt, soit une baisse de plus de dix points.
* 90 « Les droits à la retraite des jeunes générations », Drees, Solidarité et santé n° 10, 2009.
* 91 Ibidem.
* 92 Ces chiffres, issus du tableau de bord trimestriel « Activité des jeunes et politiques de l'emploi » publié par la Dares en mars 2010, sont provisoires.
* 93 Cette mesure a été adoptée à l'initiative de la commission spéciale du Sénat sur le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
* 94 Les stagiaires concernés par le dispositif de franchise de cotisations sociales sont :
- les étudiants ou les élèves des établissements d'enseignement technique ;
- les élèves des établissements d'enseignement secondaire ou d'enseignement spécialisé ;
- les personnes qui effectuent, dans un organisme public ou privé, un stage d'initiation, de formation ou de complément de formation professionnelle ne faisant pas l'objet d'un contrat de travail et n'entrant pas dans le cadre de la formation professionnelle continue.
Les stagiaires visés à l'article L. 4153-1 du code du travail (mineurs de quinze ans et plus titulaires d'un contrat d'apprentissage, élèves de l'enseignement général lorsqu'ils font des visites d'information organisées par leurs enseignants ou, durant les deux dernières années de leur scolarité obligatoire, lorsqu'ils suivent des séquences d'observation et selon des modalités déterminées par décret ; élèves qui suivent un enseignement alterné ou un enseignement professionnel durant les deux dernières années de leur scolarité obligatoire, lorsqu'ils accomplissent des stages d'initiation, d'application ou des périodes de formation en milieu professionnel selon des modalités déterminées par décret), et les apprentis juniors sont également concernés par la franchise.
* 95 Le principe de gratification obligatoire des stages a été posé par l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.